Porto Rico : non à l'indépendance !

20 Mars 2013


Un référendum a montré qu'une majorité de Portoricains désirait être rattachée aux Etats-Unis. "Le Journal international" revient sur ce "non" à l'indépendance.


Vendredi 15 mars, l'équipe de baseball portoricaine a remporté le match qui l'opposait aux Etats-Unis dans le cadre du World Baseball Classic. Comme l'indique le groupe de musique alternative Calle 13, « il est impossible que les Portoricains jouent contre les Etats-Unis sans que cela ne soit politique ». En effet, depuis des siècles, la situation de Porto Rico est ambiguë. Considérée comme libre, l'île n'en reste pas moins fortement attachée aux Etats-Unis. Pour se dégager d'une telle situation, un référendum a été organisé fin 2012 pour demander aux habitants s'ils souhaitaient devenir un véritable Etat américain. Contre toute attente, plus de 60% des électeurs se sont prononcés en faveur du rattachement. 

Une indépendance de l'île très relative

C'est à l'issue de la guerre hispano-américaine, en 1898, que les Etats-Unis ont acquis Porto Rico pour une valeur de 20 millions de dollars. Très vite, les Portoricains ont accédé à la nationalité américaine, mais sans avoir accès au suffrage présidentiel (sauf s'ils résident aux Etats-Unis).

En 1952, l'île devient un Etat libre associé aux Etats-Unis. Cela lui donne une certaine indépendance, qui reste néanmoins limitée. Elle a une constitution propre qui obéit toutefois à la Clause suprême, c'est-à-dire à la loi fédérale américaine. Porto Rico dépend beaucoup de Washington en termes de monnaie, de défense, de relations internationales, de droits des citoyens et enfin pour une grande part de la législation. Les insulaires possèdent un élu au sein de la Chambre des Représentants; lequel ne détient aucune voix effective.

À Porto Rico, deux partis majeurs s'opposent sur la question du statut de l'île : le Parti populaire démocrate et le Nouveau parti progressiste. Le premier souhaite la totale indépendance de Porto Rico, et le second  l'incorporation de l'île comme 51ème Etat des Etats-Unis.

Afin de statuer sur cette situation conflictuelle, quatre référendums ont déjà été organisés sur l'île. Lors du premier, en 1967, plus de 60 % des électeurs avaient choisi de rester un Etat libre en association avec les Etats-Unis. En 1993 et en 1998, les résultats sont restés sensiblement les mêmes. Or, le 6 novembre 2012, un nouveau référendum a été organisé à l'occasion de l'élection présidentielle américaine. Plus de 61 % des électeurs (soit 62% des habitants de l'île) ont choisi pour la première fois l'incorporation totale aux Etats-Unis.

Une tradition de révoltes

Le résultat du dernier référendum peut surprendre. En effet, l'île a vécu de multiples révoltes indépendantistes. Le soulèvement des Grito de Lares de 1868 a marqué les mémoires collectives. Durant cet événement, la population a dû faire face aux colonisateurs espagnols. Ces derniers augmentaient le montant des impôts. Du fait du manque d'infrastructures et d'une agriculture sous-développée, l'économie de l'île n'arrivait pas à décoller. Ces raisons ont poussé le peuple portoricain à se révolter massivement pour obtenir pour la première fois une indépendance totale, qui sera renversée en quelques mois par le gouvernement espagnol.

Cette idée d'indépendance est restée dans les mémoires, devenant ainsi une menace aux yeux du FBI (Federal Bureau of Investigation). En 1987, les Portoricains découvrent que le FBI collecte des informations à leur propos au nom de l'Opération Cointelpro. Plus de 75 000 personnes sont surveillées, afin de contrer les éventuels mouvements indépendantistes sur l'île. 

Le 20 juin 2007, le Comité Spécial de la Décolonisation traite pour la 35ème fois la question du statut portoricain dans le cadre de la résolution 1514 de l'ONU. Cet organe, composé de pétitionnaires, de personnalités politiques, et de représentants d'associations, a dénoncé le non-respect du principe du droit de l'autodétermination.

Une dépendance économique forte envers les Etats-Unis

Du point de vue économique, Porto Rico dépend fortement des fonds originaires des Etats-Unis. L'île est passée d'une économie primaire basée sur les cultures de canne à sucre et de tabac, à des exploitations d’industries pharmaceutiques, des pôles de haute technologie, ainsi que des laboratoires chimiques.

En 1948, Les Etats-Unis ont mis en place l'Opération Bootstrap avec un investissement de plusieurs millions de dollars. L'opération avait pour but d'attirer les entreprises sur l'île en supprimant les barrières douanières et les taxes fédérales sur l'exportation du produit fini, et en proposant des salaires plus bas que sur le continent. Par ailleurs, une subvention est versée à Porto Rico pour chaque produit fabriqué sur l'île (comme le rhum) et commercialisé aux Etats-Unis. Cette subvention a permis d'obtenir plus de 371 millions de dollars en 2008.
           
Mais l'investissement de ces nombreuses entreprises américaines n'a permis ni le développement des infrastructures, ni la croissance économique. Le chômage en 2012 était de 14,6% (selon le Bureau des Statistiques du Travail). Le nombre d'habitants vivant sous le seuil de pauvreté s'élève à 41,4%, ce qui peut expliquer le fort taux de criminalité comptabilisé à 1000 homicides en 2011. L'île présente un PIB/habitant de près de 16 300 $, à peine la moitié du PIB/habitant du Mississippi, l'Etat le plus pauvre des Etats Unis.

De plus, avec la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain en 1994 et de l'Accord de libre-échange d'Amérique centrale en 2004, l'île n'est plus la seule à bénéficier d'une suppression des tarifs douaniers. Autre handicap : le salaire minimum imposé par les Etats-Unis est supérieur à celui des Etats latinos, ce qui lui fait perdre en compétitivité, notamment face au Mexique.

Tout est fait pour que l'Etat dépende des aides publiques données par la Banque fédérale américaine (Fed). Cette dépendance s'illustre bien par le programme d'aide alimentaire versé chaque année par le gouvernement fédéral américain. Plus de 1,9 milliard de dollars ont été donnés en 2010 pour les 116 000 familles concernées par ce programme. 

Devenir le 51ème Etat des Etats-Unis permettrait à Porto Rico d'obtenir un meilleur statut, de meilleurs salaires et une meilleure représentation politique. Au vu de l'exode (58% des Portoricains vivent aux Etats-Unis) provoqué par le statut plus qu’ambigu de l'île et sa situation économique, le résultat du référendum n'est pas une grande surprise.

À l'issue du référendum, le président Barack Obama s'est chargé de transmettre la question du changement de statut de Porto Rico au Congrès. Afin d'appuyer cette demande, le 2 mars dernier, plusieurs centaines de citoyens portoricains qui soutenaient l'incorporation de leur île au sein des 50 Etats des Etats-Unis ont défilé pour montrer leur espoir d'un changement. 



étudiante en Science Politique un petit peu partout, sur les bancs et dans la vie. Aimant la… En savoir plus sur cet auteur