Portugal, l'austérité ou l'exode

Mathilde Mossard
11 Avril 2013


En 2010, José Sócrates, alors Premier ministre, écartait publiquement l’hypothèse d’une intervention du FMI. Pourtant, le 6 avril 2011, il conclut un accord d’aide avec l’institution financière, faisant de cette intervention la troisième dans l’histoire du Portugal. Conforté par le Fonds Monétaire International, le pays s'enfonce dans l'austérité tandis qu'un bon nombre de Portugais optent pour l'exode.


Crédits photo — Rui Gaudêncio
C’est au travers du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) que le FMI a reversé une aide de 78 milliards d’euros au Portugal. La même procédure avait été antérieurement adoptée dans le cas de la Grèce et de l’Irlande, permettant à l’Union européenne d’agir comme entité politique intermédiaire entre le FMI et l’Etat bénéficiaire de l’aide. En contrepartie de ces 78 milliards, le pays s’engageait à effectuer des coupes drastiques dans ses dépenses : le poids de la fonction publique et les retraites étant les premières visées.

Deux ans plus tard, quelles mesures ?

En janvier 2013, le FMI dévoile un rapport dans lequel il analyse la situation portugaise et propose de nouvelles réformes dans le but d’économiser 4 milliards d’euros supplémentaires. Ces propositions ont pour but l’approfondissement de la politique d’austérité déjà menée depuis 2011. Ce rapport, élaboré avec l’aide de la Banque Mondiale, de la Commission européenne et de plusieurs secrétaires d’Etats portugais, a provoqué les foudres de toute la gauche portugaise. Une députée écologiste (NDLR : Heloísa Apolónia) a même déclaré que « le plan du FMI vise à détruire le peuple portugais ».

Et pour cause, les préconisations économiques demeurent radicales ; « simplistes » penseront certains. Ce rapport considère comme inévitable la baisse des dépenses publiques. Sont proposées : une baisse des effectifs de la fonction publique à hauteur de 70 000 à 140 000 fonctionnaires (dont 40 000 de l’Education Nationale), par non-remplacement des départs à la retraite ou des licenciements, une baisse de l’allocation chômage avec de nouveaux critères d’attributions, une baisse des salaires dans le public et le privé, ou encore une baisse des pensions de retraites. La santé, l’Education nationale, les retraites, la fonction publique : toutes les aires de l’action publique sont scrutées et pointées du doigt.

Ces propositions font échos au budget 2013, pensé sous le signe de l’austérité par le gouvernement portugais. Il prévoit une réduction des dépenses de 5,3 milliards d’euros. 80% de ces 5,3 milliards sont des hausses d’impôts. L’impôt sur le revenu, quant à lui, augmente pour tout le monde, passant de 8 à 5 tranches seulement. Le tabac, l’électricité et les jeux de loterie sont de nouveau taxés.

Avec ces décisions politiques, le FMI et l’UE ont qualifié « d’efforts exemplaires » les mesures prises depuis 2011. Le Portugal se trouve alors dans une profonde phase de réforme de l’Etat. Faisant bonne figure auprès de ses créanciers, les dirigeants portugais appliquent des mesures visant à libéraliser l’économie et à réduire le rôle de l’Etat Providence. Le FMI préconisait les baisses de salaires et le frein des investissements publics. Par conséquent, les privatisations vont bon train. Dernier exemple en date, les chantiers navals qui pourraient être rachetés par des capitaux russes.

Contestations et fatalisme

Crédits photo — EFE
Avec 17% de chômage et une récession de 3% du PIB en 2012, la société portugaise va mal. Depuis le 15 septembre 2012, les portugais sont descendus 9 fois dans les rues pour protester contre l’austérité et demander la démission du gouvernement. Le 2 mars a marqué le dernier grand rassemblement : des défilés ont eu lieu dans près de 40 villes et les organisateurs ont compté jusqu’à 1,5 million de participants, dont 800 000 à Lisbonne. Pour autant, le gouvernement, appuyé par l’Union européenne et le FMI, reste solidement aux rênes du pays. Face à cette situation sans avenir, la meilleure solution pour beaucoup de jeunes Portugais reste l’émigration.

La nation portugaise connaît une diaspora historique et plus ou moins constante dans son histoire ; du Brésil à Hawaï en passant par la France, les Portugais prennent facilement le large, à l’image de leurs caravelles qui partirent explorer de nouveaux continents au XVème siècle. Déjà, en 2011, l’année de l’intervention du FMI, 44 000 résidents portugais ont quitté le pays, faisant ainsi augmenter de 85% le taux d’émigration par rapport à 2010. Ces émigrants se sont dirigés vers des pays européens comme la Suisse, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg et l’Espagne, mais aussi et surtout vers l’Angola et le Brésil, deux anciennes colonies portugaises.

Si longtemps les flux de migrations allaient des anciennes colonies vers le Portugal, aujourd’hui la tendance semble s’inverser et l’Angola et le Brésil deviennent des terres d’opportunités, cette fois-ci pour les Portugais. Ce phénomène donne à lui seul à réfléchir sur l’avenir du Portugal, mais aussi de l’Europe.