Pour une politique par le bas !

L'édito de Tiphaine Pioger

11 Février 2013



G20 2012 au Mexique
Ce weekend s’est tenue une simulation du G20, organisée par l’association Youth Diplomacy. L’objectif était de reproduire, dans des conditions similaires, les négociations qui seront organisées à St-Petersburg en juin 2013. Des étudiants d’HEC, Science po, La Sorbonne, etc. se sont donc réunis dans les locaux de l’école de commerce ESCP Europe du vendredi 8 au dimanche 10 février. 

Le sommet des bons sentiments

Pour introduire l’événement, deux noms de la diplomatie étaient invités : Alexandre Orlov, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Fédération de Russie en France et Kara Owen, ministre plénipotentiaire à l’ambassade du Royaume-Uni à Paris. Ils représentaient tous deux leurs pays, respectivement organisateurs du G20 et du G8 en juin 2013.

Lors de cette conférence introductive, les invités et les jeunes participants à la simulation se sont prêtés à un jeu de questions-réponses. Mais les réponses données par A. Orlov et K. Owen étaient tout aussi convenues que les questions posées par les étudiants. Questionnée sur le mot d’ordre du prochain G8, organisé par le Royaume-Uni en juin 2013, la ministre s’est exclamé : « L’ouverture ! Open gouvernment, open economy, open society ». Par ailleurs, rejoint par son homologue russe, elle a également affirmé la place de la société civile dans les négociations du G8 et du G20. Etonnant, puisque les ONG sont généralement exclues de ces sommets, quitte à organiser des contre-sommets et à multiplier les manifestations...

En bref, cette première conférence interactive n’a été que bons sentiments ! L’ambassadeur de Russie en France a même été surpris qu’on lui pose une question sur la Syrie, affirmant qu’il n’y avait absolument aucun désaccord entre la Russie et la France sur ce point... Les civils syriens auraient peut-être un avis divergent. 

Une démocratie des experts

Les (fausses) négociations se sont ensuite enchaînées les unes après les autres tout au long du week-end, chacun jouant de sa personne pour défendre le pays qu’il représentait. Le plus surprenant était d’observer beaucoup de ces jeunes gens, passionnés de relations internationales, adopter avec sérieux le comportement des hommes politiques actuels. Beaucoup ont affirmé avoir pour vocation de devenir diplomate. Contre toute attente, l’événement organisé par Youth Diplomacy n’apportait aucune fraîcheur à la politique morne menée par nos dirigeants. Chacun s’efforçait plutôt d’appliquer sagement les règles du jeu qui prévalent aujourd’hui dans le grand jeu de la diplomatie. 

Les réponses surfaites des diplomates vendredi, puis les négociations simulées le reste du week-end, ont mis en avant le vrai rôle des hommes politiques dans un monde globalisé : nul. Alors que la prise de décision revient aux experts, les professionnels de la politique (avec en tête de file les diplomates et les chefs d’Etat) ne sont que des vitrines. Les forums politiques mondiaux sont en fait les façades des forums entre experts. La véritable prise de décision dans des domaines tels que l’environnement, le développement économique ou bien la finance, leur revient.

En parlant du G20, l’ambassadeur de Russie a d’ailleurs affirmé qu’ « il y avait toujours de trop grandes attentes dans ces réunions-là ». Il a terminé son intervention en avançant : « c’est déjà bien que ces pays se réunissent ! »

À vrai dire, cette simulation G20 a montré une certaine politique, que ce soit une politique des professionnels ou une politique des experts. En bref, une politique par le haut. Au Journal international, nous nous efforçons de montrer les deux faces de la politique : pas seulement celle des spécialistes, mais aussi « la politique par le bas » - pour reprendre l’expression du politiste Jean-François Bayart. Nous croyons que, pour comprendre le monde qui nous entoure, il faut certes observer les experts, les hommes politiques et les relations géopolitiques qui s’exercent dans notre monde globalisé ; mais il faut aussi promouvoir les initiatives citoyennes, qui émergent ici et là-bas. Nos correspondants sont, chaque jour, au contact des populations civiles. C’est aussi une manière de saisir les enjeux du XXIe siècle et de vous en donner, à vous lecteurs, les clefs.  



Fan de politique, je vous livre les enjeux qui entourent les sociétés d'aujourd'hui. Après Paris,… En savoir plus sur cet auteur