Slovaquie : Robert Fico candidat à la présidence

12 Février 2014


Après plusieurs mois de spéculations et de rumeurs, Robert Fico, actuel Premier ministre du premier gouvernement uniparti dans l’histoire de la Slovaquie, a finalement déclaré le 19 décembre dernier son intention à de se présenter aux présidentielles de mars prochain.


Robert Fico | Crédits Photo-- Getty Images
« Je dépose ma candidature afin d'être au service de la Slovaquie et de son peuple ». Dans le décor majestueux de l’ancien Conseil national, devant le drapeau slovaque et après que l’hymne national ait cessé, Robert Fico a exposé ses motivations. En annonçant sa candidature à la fois à l’Assemblée du gouvernement, aux députés et aux diplomates, mais aussi à la population devant les écrans de télévision, il a fait preuve d'une certaine habilité politique et de communication médiatique.

D’après Robert Fico, il était indispensable qu’il se présente afin de préserver la stabilité du pays. Mais, les partis traditionnels perdent du terrain sur l’extrême droite. Les tendances eurosceptiques voire xénophobes, se multiplient dans les discours politiques. La dernière preuve étant l'élection de Marian Kotleba, ex-leader du groupe d'extrême droite Slovenska Pospolitost et leader d'un petit parti nationaliste slovaque, au poste de Président régional de Banska Bystrica dans le centre du pays.

Un président coopératif ou un « contre-pouvoir » actif ?

Le Premier ministre candidat a pré-définit l’enjeu structurant la future élection – vaut-il mieux que le Président soit plutôt en accord ou en désaccord avec le gouvernement en pouvoir ?

Tout d’abord, il faut rappeler qu’en Slovaquie en tant que République parlementaire, les pouvoirs du Président sont assez limités : sa fonction est purement représentative. C’est pourquoi, au premier regard, les craintes des conséquences de désaccord entre le gouvernement et le Président sont souvent exagérées... Même le veto présidentiel peut-être facilement rompu par le Parlement. Or, cette ligne d’argumentation de Robert Fico s’insère dans la grille de lecture dichotomique que la gauche présente depuis longtemps. D’après celle-ci, la gauche apporte la paix sociale et la stabilité, tandis que la droite morcelée est présentée comme force de chaos, de morcellement et de tensions sociales.

Afin de rétorquer aux accusations que le candidat de droite apportera la division, la droite devrait juste rappeler qu’il n’est pas idéal que toutes les institutions clés soient capturées par un seul parti, même démocratiquement élu.

Un « Premier ministre candidat », un défi pour la jeune démocratie

Le fait que le Premier ministre en fonction se présente est sans précédent. D’où les nombreuses objections des autres candidats, notamment ceux moins notoires. Théoriquement, Robert Fico peut bénéficier de davantage d’attention médiatique et exploiter les bons résultats de son gouvernement, voire de son pays, pour « booster » son soutien. Par exemple, certains ont remarqué que le budget de 2014 « présidentiel » a été pensé et construit pour plaire à tous et surtout n’irriter personne. De la même façon, la visite historique du Président français en Slovaquie en octobre a été interprétée comme une occasion pour Robert Fico de faire rayonner sa réputation internationale. Après, la visite soudaine à la Maison Blanche n’était qu’une cerise sur le gâteau.

Toutefois, il est vrai qu’une telle exposition médiatique rend le Premier ministre candidat extrêmement vulnérable au scandale voire à la moindre gaffe politique du gouvernement, dont il reste responsable. Ainsi, cet avantage apparent peut être facilement tourné contre lui, notamment par la presse slovaque qui est plutôt de droite.

D’ores et déjà, le Premier ministre se trouve accusé d’abuser de sa fonction et des ressources qu’elle lui offre. De nombreuses ont considéré que la date de l’élection fixée à mi-mars raccourcit le temps de campagne et désavantage les candidats qui ne bénéficient pas d’un tel soutien. Récemment, certains membres de l’élite de la vie publique ont manifesté leur soutien à la candidature de Robert Fico comme le président de la Conférence des recteurs slovaques, le président de l’Académie slovaque des Sciences, les présidents des diverses associations sportives nationales... Toutefois, il est certain que de décliner l’invitation du Premier ministre est assez difficile pour les représentants des institutions dépendantes financièrement de l’Etat. Et qui devrait pourtant demeurer apolitiques.

La question qui reste encore sans réponse, est celle des motivations du candidat à pourvoir le poste de président. Le Premier ministre a promis de ne pas renforcer les compétences du président, promesse qui semble remise en cause pour certains. Sinon, pourquoi le Premier ministre aurait envie de briguer la présidence ? Pour ceux qui aiment les théories de conspiration, Robert Fico vise le renforcement des compétences du Président – un « coup constitutionnel ». La réalité n’est pas aussi simple que ça.

Il est plutôt improbable que le parti SMER-SD acquiert la majorité de deux-tiers, nécessaire pour modifier la Constitution, voire le régime. En ce sens, au cas de victoire de Robert Fico, la fonction de Président serait davantage informellement transformée. Une nouvelle coutume constitutionnel pourrait voir le jour : la soumission du nouveau Premier ministre, issu du SMER, au président. Les institutions de l’Etat slovaque, après de 20 ans d’existence, sont loin d’être gravées dans le marbre. En plus, historiquement l’électorat slovaque à une préférence pour un leader fort ce qui favoriserait un pareil développement. D’autres politologues, comme par exemple M. Horsky, ont fait remarqué que le proverbial Rubicon a déjà été franchi. En effet, déjà la réforme de la Constitution de 2011 a substantiellement élargi les compétences du Président en intérim, période avant la formation du nouveau gouvernement. Même si ce renfoncement se limite à la période spécifique de l’intérim, il peut s’agir d’un précédent pour d’autres « réformes ».

Une tactique intelligente d’un homme politique

Au final, sans même s’abaisser aux théories de conspiration, il semble que M. Fico ait décidé de se présenter par habilité politique et stratégique. Etant au sommet de sa carrière politique, le seul pas en avant reste la présidence, même si davantage elle est davantage symbolique. Ainsi, il pourrait conserver son influence sur le pays et reculer la date d’expiration de sa vie politique.

L’art de se retirer à temps n’est pas donné aux hommes politiques slovaques. En toute évidence, M. Fico veut éviter le déplorable destin de ces prédécesseurs comme M. Meciar, le fondateur de l’Etat indépendant dont le parti vient de se dissoudre ou de M. Dzurinda, dont le SDKU balance sur la frontière d’entrée au Parlement. Ainsi, le choix de se retirer au Palais présidentiel, c’est le choix de la survie aussi pour le SMER, dont les figures de leadeur peuvent ainsi se renouveler. Et gouverner plus longtemps.