Une exposition pour la réhabilitation du svastika

Marion Bonnot
28 Mai 2015


Du 11 juillet au 28 août aura lieu à Reggio d’Emilie en Italie « una linea d’amore », une exposition artistique organisée par l’artiste tatoueur Little Swastika. Cette exposition pourrait bien surprendre. Y seront présentés entre autres des svastikas, plus connus en Europe comme étant le symbole du IIIème Reich nazi. Little Swastika est-il un sympathisant du néonazisme, ou tente-t-il de désacraliser cet ancien symbole lourd de sens ? Explications.


Si vous êtes de passage cet été en Italie et plus spécifiquement à Reggio d’Emilie, vous aurez peut-être l’étonnante surprise de tomber sur une exposition mettant en avant le symbole qui, dans l’idée commune, renvoie au nazisme : le svastika. Elle présentera des peintures, des sculptures ainsi que des photographies. L’artiste à l’origine de cette initiative se fait appeler Little Swastika. Ce tatoueur est le propriétaire de la galerie d’art allemande Psyland 25. Le performeur Little swastika pratique le tatouage poussé à son paroxysme : recouvrir des parties entières du corps.

Pour lui, « la peau est juste une toile ». On retrouve régulièrement la présence du svastika dans son travail. Pour autant, on peut se demander si cet artiste et ses clients n’ont pas une quelconque relation ou sympathie envers le néonazisme. Tel n’est pas le cas : bien au contraire, la démarche est tout autre. Ce signe, aujourd’hui symbole du fascisme et de l’horreur de la Shoah, avait une signification bien différente avant qu’Hitler ne l’accapare. Plusieurs événements et initiatives partout dans le monde tentent de réhabiliter le svastika.

Svastika : symbole ancestral et multiculturel

Si l'origine du svastika remonte à la préhistoire, on en retrouve les premières traces en Chine et dans toute l'Asie de l'Est, mais aussi en Europe dans des pays tels que la Russie, l’Ukraine, la Grèce, ou encore en Scandinavie. Il s'avère que c'est en Inde que sa présence est la plus importante. Le terme « svastika » vient du sanscrit et est synonyme de bonheur, de bien être, et de bonne fortune. C’est le symbole de la nature, de l’amour ou encore du mouvement du soleil dans le ciel. En Europe, principalement en Ukraine, des fouilles archéologiques ont permis de noter l'apparition du signe sur de nombreuses mosaïques, poteries et sculptures.

Dans cette région du monde, le svastika représentait la fertilité. On pourrait alors se demander pourquoi, en 1920, Adolf Hitler décide de l'utiliser, sous le nom de « hakenkreuz » en allemand, comme symbole de son parti politique antisémite. La réponse réside dans le sens du mot « aryen ». Ce terme vient du sanskrit « arya », ce qui renvoie à la définition d’un bon père de famille, fidèle au dieu de son pays et aimé de tous. Hitler reprend à son compte cette formule pour l’appliquer à son idéal d’homme grand, blond, fort et représentatif de la supériorité de la nation allemande.

Avant cette appropriation du svastika par les nazis, ce signe était présent dans la culture contemporaine tout autour du globe. On le retrouvait par exemple sur des publicités, sur des canettes de bières, comme nom de magazine américain, sur des couvertures d’ouvrages tel que Verse de Rudyard Kipling ou encore comme logo de Coca-Cola. 

Les projets de réhabilitation du symbole

L’exposition qui aura lieu entre juillet et août en Italie est loin d’être la première initiative du genre. Le précurseur du mouvement est Patrick Charles Kemball, un Canadien décédé en 2012. Cet homme, qui se faisait appeler ManWoman, est l’auteur de l’ouvrage Gentle Swastika, Reclaiming the Innocence. ManWoman dit avoir eu une révélation dans son sommeil qui le poussa à proclamer la réelle signification du signe. Il avait plus de deux cents tatouages de svastika sur son corps. 

Toujours dans l’univers du tatouage et ce depuis 2013 dans les pays scandinaves, des tatoueurs se sont engagés à faire des tatouages gratuits du signe lors de la journée « Learn to love swastika ». Dans ces pays, ce symbole vieux de milliers d’années signifie la chance, la force, l’énergie et la nature. C’est à Copenhague que l’événement a le plus de succès, avec plus de cinquante-quatre personnes recensées l’année dernière. Lorsqu’une journaliste de la BBC radio questionne l’un des tatoueurs sur la possibilité que des néo-nazis profitent de l’événement, ce dernier répond que, même si c’est le cas, ces personnes repartiront avec un signe d’amour sur le corps. 

Dans le domaine de la mode aussi le signe se fait plus présent : depuis 2013, le designer américain Sinjun Wesson a lancé une marque de vêtements à l’effigie du svastika. La collection Spiritual Punx Line met en scène le symbole sur des tee-shirts, sous la figure d’un donut rose par exemple, ou encore suivi de la mention « you are beautiful ». 

Toutes ces tentatives de réhabilitation du svastika ouvrent de nombreux débats : peut-on réinstaurer ce signe dans la société soixante-dix ans après la Shoah, génocide marqué de ce fameux symbole ? Certains répondront par la négative, tandis que d’autres élèveront la voix pour réhabiliter le signe. C'est le cas de groupements hindouistes vivant en Europe et s’étant opposés en 2007 au projet de loi allemand visant à interdire le svastika sur le continent.

Peut-être que Little Swastika apportera des réponses à ce sujet polémique, sujet qui émeut un pan du monde artistique à l'échelle mondiale.