Venezuela : Leopoldo Lopez, présumé coupable

11 Aout 2014


Connu comme étant l’une des figures majeures de l’opposition au Venezuela, Leopoldo López, le leader du parti centriste « Voluntad Popular » (« Volonté Populaire »), est emprisonné depuis près de cinq mois dans la prison militaire de Ramo Verde, à Caracas. Son procès, ainsi que celui de quatre étudiants (Marco Coello, Ángel Contreras, Christian Holdack et Demian González), s’est ouvert le 23 juillet dernier à Caracas, l’occasion pour de nombreux activistes de dénoncer le manque de liberté et les violations des droits des opposants politiques au Venezuela.


Leopoldo López lors de son arrestation, le 18 février 2014 © Reuters
Depuis le décès d’Hugo Chávez en 2013, le Venezuela est entré dans une période de crise tant économique que sociale qui menace dangereusement la stabilité du pays, comme l’ont démontré les violents épisodes du mois d’avril. Les protestations visaient alors à dénoncer les importantes pénuries, l’augmentation du coût de vie, ainsi que l’insécurité régnant au Venezuela, pays durement touché par la crise économique malgré ses importantes réserves pétrolières.

Dans son rapport « Global Study on Homicide » publié en 2013, l’ONU évoque effectivement un taux d’homicides particulièrement inquiétant dans le pays, 53,7 homicides par an pour 100 000 habitants, largement supérieur à des pays tels que la Colombie (30,8) ou le Mexique (21,5). 

Alors que d’importantes manifestations citoyennes s’organisent au sein du pays depuis le début de l’année, la presse et les organisations internationales dénoncent virulemment la répression de la contestation par les forces militaires et policières. En juin dernier, l’ONU publiait un rapport dans lequel elle se déclare préoccupée par les « violations persistantes des droits de l’homme qui auraient lieu dans le cadre des récentes manifestations contre le gouvernement ». 

Leopoldo Lopez, l'homme de l'opposition

Diplômé de Harvard et maire de la municipalité de Chacao de 2000 à 2008, Leopoldo López est incontestablement l’homme qui fait trembler le régime « chaviste », fondé par Hugo Chávez et repris par son successeur, l’actuel président, Nicolás Maduro.

Depuis près de 15 ans, Leopoldo López évoque un échec du socialisme « chaviste » et dénonce ouvertement la censure au sein du Venezuela, pays qu’il n’hésite pas à qualifier d’« anti-démocratique ». Sous la présidence d’Hugo Chávez, Leopoldo López avait déjà été condamné pour ses propos contre le gouvernement et avait été destitué, en 2008, de ses droits politiques pour une durée de six ans, alors qu’il briguait la mairie de Caracas.

En 2010, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme sanctionna Chávez pour avoir violé les droits fondamentaux de l’opposant politique en l’empêchant de se présenter à une élection municipale.

Lors des manifestations à Caracas en février dernier, Leopoldo López utilisa le slogan « La Salida » (pouvant être traduit par « la sortie » ou « la solution ») afin de mobiliser le peuple vénézuélien à descendre dans la rue pour défendre ses droits et réclamer un changement immédiat de politique.

Officiellement, 43 personnes sont mortes et plusieurs centaines ont été blessées durant ces manifestations dans des accidents, des agressions ou du fait de la répression policière.

La persécution de l'Etat vénézuélien contre Leopoldo Lopez

Leopoldo López, « La solution, le changement maintenant ! La rue vaincra… » © Runrun.es
Quelques jours après le début des manifestations à Caracas en février, le gouvernement a prononcé un ordre de capture à l’encontre de Leopoldo López. Ce dernier s’est rendu aux autorités le 18 février et réside depuis cette date dans la prison de Ramo Verde, à Caracas. Il est poursuivi par la justice vénézuélienne pour "incendie criminel, dégradations, incitation à la violence et association de malfaiteurs".

Le procès de l’opposant vénézuélien pourrait durer deux ou trois mois, selon la défense qu’il pourra présenter. Il risque actuellement une peine de 13 ans d’emprisonnement.

Les avocats de Leopoldo López dénoncent de grandes irrégularités dans le dossier et remettent directement en question l’existence d’un procès équitable dans lequel Leopoldo López pourrait répondre librement de ses actes. Selon le quotidien vénézuélien « El Nacional », il est prévu que près de 138 individus (notamment des fonctionnaires de l’Etat) soient appelés à témoigner contre López et un seul en sa faveur, marque de l’iniquité de ce procès. 

Leopoldo López dans sa cellule, le 8 juin 2014 © Voluntad Popular
En février dernier, Amnesty International annonçait déjà que « les accusations portées contre Leopoldo López ressemblent fort à une tentative politique de réduire au silence l’opposition dans le pays ». A l’heure actuelle, la presse internationale s’accorde de manière quasi unanime sur un important processus de manipulation de la part du gouvernement vénézuélien, un non-respect de l’Etat de droit ainsi que sur une véritable persécution politique à l’encontre de Leopoldo López. 

LEOPOLDO LOPEZ GIL, PERE DE LEOPOLDO LOPEZ : « LES MANIFESTATIONS DANS LA RUE NE VONT PAS CESSER PARCE QUE LEOPOLDO EST DERRIERE LES BARREAUX »

Un important réseau de soutien à Leopoldo López s’est formé depuis quelques mois au Venezuela et notamment depuis que López s’est rendu aux autorités en février dernier. Lors des manifestations, des slogans tels que « Todos Somos Leopoldo » (« Nous Sommes Tous Leopoldo ») ou « El Que Se Cansa, Pierde » (« Celui Qui Abandonne, Perd ») sont scandés par ses sympathisants et repris sur leurs pancartes.

L’épouse de Leopoldo López, Lilian Tintori, est notamment mobilisée – tant au niveau national qu’international - pour assurer la libération de son mari et lutter activement pour le respect des droits fondamentaux des vénézuéliens. « Nous attendons de la solidarité, nous ne souhaitons à aucun pays ce que nous sommes en train de vivre, nous ne souhaitons à personne de vivre dans une dictature », a-t-elle déclaré en conférence de presse en juillet dernier.

« El Que Se Cansa, Pierde » © Reuters
Sans le moindre doute, le Venezuela connaît actuellement une grande instabilité tant sur les plans économique que social ou politique. Si Leopoldo López constitue aujourd’hui une telle menace pour le gouvernement, c’est qu’il représente une alternative crédible et populaire au « chavisme », ainsi que l'opportunité d'un changement de politique désiré depuis de longues années par le peuple vénézuélien.

Alors que son procès reprendra le 6 août, il est d’ores et déjà possible d’affirmer que Leopoldo López est à la tête d’un mouvement historique au Venezuela et un symbole de la lutte pour la liberté et la démocratie pour nombre de ses concitoyens. Une première victoire sur le gouvernement de Nicolás Maduro.



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