Allemagne : pas de quotas pour les femmes

1 Mai 2013



Le projet d’instaurer des quotas féminins dans les entreprises allemandes a été rejeté par le Bundestag. Une décision révélatrice de la place de la femme dans le monde de l’entreprise en Allemagne, alors que l’Europe appelle la parité de ses vœux.


Allemagne : pas de quotas pour les femmes
Cela faisait des années que l’on en parlait. Les Frauenquoten, quotas de femmes aux postes de responsabilité dans les entreprises, n’ont finalement pas été instaurés. Le texte a été rejeté le 18 avril par le Bundestag, chambre basse du Parlement, avec 320 voix contre et 277 pour. Il visait à imposer 30% de femmes dans les conseils de surveillance des entreprises allemandes dès cette année, l’objectif étant d’atteindre les 40% d’ici à 2023. 20% de femmes auraient, de plus, dû être présentes dans les comités de direction dès cette année.

Un risque pour la CDU

Proposé par le SPD et les Verts, ce projet de loi n’avait que peu de chance d’être adopté. Le pays est en effet gouverné par la CDU (Union chrétienne-démocrate) qui s’y opposait au nom de la liberté d’entreprise, rejointe sur ce point par le FDP (parti libéral), qui complète la coalition. Au sein même de la CDU, certains ministres se sont exprimés pour le projet, au risque de menacer le gouvernement. Ursula Von der Leyen, ministre de l’Emploi (CDU), est devenue en quelques mois la chef de file des partisans du projet. Le débat s’est achevé par un retour à l’ordre des vingt-cinq dissidents membres de la CDU, qui ont voté eux aussi contre le projet.

La CDU a finalement inscrit dans le programme du parti un quota obligatoire de 30% de femmes dans les conseils de surveillance des entreprises allemandes pour 2020. Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice, souhaite instaurer de tels quotas dans tous les pays européens. Elle a donc salué le vote du programme de la CDU, qui résulte selon elle du lobbyisme efficace du « pouvoir des femmes ».

Les femmes qui n’aimaient pas les femmes

D’autres arguments sont évoqués. Les femmes devraient ainsi, selon le magazine Die Welt, être embauchées grâce à leurs compétences, faute d’être perçues comme des usurpatrices de postes masculins. Un argument souvent évoqué dans les débats sur la discrimination positive. À force de vouloir imposer les femmes sans distinction, ne risque-t-on pas de créer des situations parfois étranges ? Le musée juif de Berlin voulait ainsi baptiser la place sur laquelle il se trouve Moses Mendelssohn d’après le nom du philosophe juif allemand. Le Parlement de l’arrondissement Kreuzberg-Friedrichshain dans lequel se trouve le musée a refusé au motif qu’un quota a été instauré en 2005 afin que les baptêmes de rues respectent une parité hommes/femmes.

Le gouvernement ne défend pas activement les droits des femmes. Angela Merkel, femme dans un monde d’hommes, ne s’intéresse pas particulièrement au sujet. Kristina Schröder, ministre de la Famille qui a depuis annoncé se retirer de la vie politique afin de se consacrer à sa famille, s’est engagée contre le projet de Frauenquote. Elle s’est exprimé pour des Flexi-Quote, ou quota flexible, fixés par les entreprises elles-mêmes. Le but est selon elle de prendre en compte les aspirations des femmes qui ne veulent pas avoir un travail trop exigeant afin de se consacrer à leur famille.

L’Allemagne, mauvaise élève européenne

À tous les niveaux de l’échelle, la femme a peu de place dans l’entreprise et peut moins facilement espérer monter en grade du fait d’un modèle familial traditionnel qui attend d’elle qu’elle se consacre à sa famille. Les inégalités de salaire en Allemagne sont frappantes. Un rapport de l’OCDE a montré que pour un temps plein, une femme gagnait en 2010 21% de moins en moyenne que son homologue masculin, contre 16% pour les autres pays de l’OCDE. D’après Destatis (institut allemand des statistiques), l’Allemagne fait partie des pays de l’UE où le temps partiel féminin est le plus développé. Des temps partiels ne seraient pas subis pour la plupart et ont été créés par la flexibilisation du marché du travail sous la chancellerie de Gerhard Schröder.

En Allemagne, pays dans lequel travaillent 68% des femmes, elles ne constituaient que 4% des comités de direction des deux-cents plus gros groupes allemands en 2012. D’après la Commission européenne, elles ne représentaient alors que 16 % des membres des conseils de surveillance de ces mêmes sociétés, contre 22% en France. La femme reste cantonnée aux « trois K », Kinder, Kirche, Küche (enfant, église, cuisine) et cherche encore sa place dans le monde de l’entreprise.

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Laurène Perrussel-Morin
Ex-correspondante du Journal International à Berlin puis à Istanbul. Etudiante à Sciences Po Lyon... En savoir plus sur cet auteur