Arabie Saoudite: la révolution routière pour le droit des femmes

26 Octobre 2013



Aujourd’hui, un groupe de femmes militant pour obtenir le droit de conduire, en Arabie Saoudite, a décidé de mener une journée d'action et de protestation. 11 000 femmes ont déjà décidé de braver l'interdit en signant une pétition en ligne.


Crédits photo -- HASSAN AMMAR/AP
Crédits photo -- HASSAN AMMAR/AP
Des Saoudiennes revendiquent le droit de prendre légalement le volant. Suite à une interview dans le journal Sabq, du cheikh Saleh al-Lehaydan, consultant judiciaire et psychologue pour le compte de l'Association psychologique du Golfe, ce mouvement de revendication n'a fait que prendre de l'ampleur. Avec des preuves scientifiques à l'appui, le cheikh a révélé qu'il était préférable que les femmes ne prennent pas le volant pour protéger leurs ovaires, et éviter de contrarier la poussée de leurs bassins.

Pourtant, aucune loi n'interdit aux femmes de conduire en Arabie saoudite. C'est une tradition ancrée dans les moeurs, et soutenue par un clergé particulièrement conservateur. Des Saoudiennes sont régulièrement arrêtées pour avoir bravée l'interdiction. 

Une lutte contre une interdiction traditionnelle

En novembre 1990, 47 femmes décident de traverser Riyad la capitale, au volant de leurs voitures. C'est le premier mouvement contestataire face à cette interdiction. Comme pour donner l’exemple, plusieurs d’entre elles furent arrêtées. Pour certaines, la sanction fut plus lourde: interdiction de voyage et suspension de leurs activités professionnelles. Le mufti d'Arabie Saoudite a alors pris la décision d'émettre une fatwa, c'est-à-dire un avis juridique pour interdire aux femmes le droit de conduire. Le 30 mai 2011, Manal al-Charif, activiste saoudienne pour les droits des femmes, est arrêtée pour avoir pris le volant de sa voiture à Khobar, et pour avoir diffusé une vidéo de cette infraction sur YouTube.

Cette arrestation a lancé la campagne Women2Drive et met en marche un collectif de femmes sur les réseaux sociaux. Le 17 juin 2011, 9 millions de Saoudiennes sont appelées à prendre leurs voitures pour réclamer le droit de conduire tout en s'exposant à des risques d'arrestation et des violences réactionnaires. A l'annonce de la manifestation, une campagne avait été lancée pour inciter les hommes à « frapper » les Saoudiennes qui braveraient l'interdiction de conduire lors de la manifestation. La « campagne du Iqal », du nom du cordon retenant le couvre-chef traditionnel, proposait aux hommes de se placer sur le parcours emprunté par les femmes en les encourageant à les frapper avec ce même cordon.

Proposition féminine au conseil de la Choura

En 2012, trois militantes saoudiennes, dont Manal al-Chérif et Samar Badaoui, une militante des Droits de l'Homme, saisissent chacune à leur tour la justice face au ministère de l'Intérieur pour obtenir le droit de conduire. Elles demandent l'annulation d'une décision administrative du ministère de l'Intérieur qui interdit aux femmes de prendre le volant. Récemment, la question d'autoriser les femmes à conduire aurait été abordée pendant le Conseil de la Choura, organisme de conseil du roi Abdallah, lors de discussions à propos du ministère des Transports.

Latifa al Chaalan aurait proposé que la commission des Transports du Conseil de la Chourra recommande que le ministère des Transports puisse envisager d'autoriser les femmes à conduire. Nommés par le roi, les membres du Conseil de la Choura n'ont aucun pouvoir législatif mais ont un rôle consultatif en émettant des recommandations. Pour l'instant, les Saoudiennes sont donc réduites à se déplacer au prix des services d'un chauffeur, ou de se soumettre à la disposition d'un homme de leurs familles.

Le droit des femmes en Arabie Saoudite

Dans un pays régit par la loi islamique, les droits accordés aux femmes sont encore limités. Réformateur prudent mais inquiet de la condition des femmes en Arabie Saoudite, le roi Abdallah accorde en 2012 le droit de vote aux Saoudiennes aux élections municipales à partir de 2015. Elles auront également la possibilité de se présenter, bien que ces élections restent purement symboliques. Des diplomates réunis à Genève s'indignent que l'interdiction faite aux femmes de pouvoir conduire ne soit pas encore levée.

Des critiques, dans le cadre de l'examen périodique de la situation des droits de l'homme en Arabie Saoudite devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, ont été soulevées notamment la discrimination envers les femmes et le fait qu'elles aient encore besoin aujourd'hui de demander la permission d'un homme pour effectuer des actes de la vie courante. Moyen pour faciliter une organisation politique, ou une recherche d'emploi, la possibilité d'accorder le droit à conduire aux femmes essuie encore de nombreuses critiques. 

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