Argentine : le pouvoir fait souffler un vent nouveau sur le MERCOSUR

11 Février 2016


Après douze ans de gauche populiste kirchneriste, l’Argentine connaît un nouveau souffle politique. Mauricio Macri a prêté serment pour la présidence le 10 décembre dernier, en promettant de relancer l’économie à un niveau national et de reconstruire les liens commerciaux et diplomatiques en Amérique latine.


Mauricio Macri, le 6 novembre 2015. Crédit Maria Ines Ghiglione (licence CC BY-ND 2.0).
La nouvelle ministre argentine des Affaires étrangères, Susana Malcorra, a déclaré que « la priorité immédiate est maintenant le MERCOSUR ». Ce processus d’intégration régional, dont l’acronyme correspond à Mercado Común del Sur, soit Marché commun du Sud, a été fondé en 1991 par l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Les pays associés sont le Chili, la Colombie, l’Équateur, la Guyane, le Pérou et le Suriname. Enfin, la Bolivie poursuit encore son processus d’intégration. Initialement, l’alliance a été créée afin de faciliter le libre transit des biens produits, des services et des facteurs de production, établissant des tarifs douaniers externes communs. Les questions post hoc sociales, politiques et productives s’ajoutent au programme. D’une zone de libre échange favorisant l’unification des douanes, l’alliance évolua en marché commun.

Le nouvel objectif argentin

L’administration argentine récemment élue a exprimé, par l’intermédiaire de sa ministre des Affaires étrangères, Susana Malcorra, son désir de passer d’une intégration « discursive » du MERCOSUR à une intégration « opérationnelle ». D’après les collaborateurs de Mauricio Macri, cet objectif peut être atteint inter alia grâce au renouveau du discours entre l’Argentine et le Brésil, à travers une convergence parmi les unions douanières d’Amérique latine ainsi qu’à un rappel de la clause démocratique du MERCOSUR.

Mauricio Macri tient à rétablir un dialogue politique et d’entreprise avec son voisin brésilien. En 2012, le ministre de l’Économie argentin, Alex Kicillof, avait renforcé les barrières économiques du pays, n’épargnant personne, pas même les membres du MERCOSUR et les pays associés. Il avait également bloqué les chaînes de négociations avec le Brésil, son partenaire commercial le plus important. Ces décisions ont eu pour conséquence la réticence des investisseurs, parmi lesquels le Brésil. Réticence notamment à poursuivre leurs plans d’affaires en Argentine.

Le pays perd ainsi sa première place en tant que bénéficiaire d’exportations brésiliennes et tombe à la troisième place du podium. La nouvelle administration argentine ainsi que plusieurs ministres libéraux de l’administration brésilienne – parmi lesquels Armando Monteiro, ministre de l’Industrie, Katia Abreu, ministre de l’Agriculture et Mauro Vieira, le Chancelier brésilien  assurent que la reconstruction de liens commerciaux forts peut être bénéfique non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour la région toute entière. Ce projet a déjà fait ses preuves par le passé, le Brésil et l’Argentine ayant déjà des liens commerciaux s’élevant à environ 40 milliards de dollars par an.
 

L'union douanière au coeur du sommet du MERCOSUR

Le renforcement de ces deux économies clés du MERCOSUR ainsi qu’une collaboration solide pourraient, en retour, favoriser le positionnement de l’union douanière au niveau intra et intercontinental, puisque le Brésil sort d’une profonde récession économique. Dans son discours lors du Sommet du MERCOSUR du 21 décembre 2015, le président argentin a affirmé clairement que le pays était prêt à dynamiser ses liens avec plusieurs unions douanières, à commencer par l’Union européenne et l’Alliance du Pacifique. Cette démarche doit s'ajouter, dit-il, aux mots « flexibilité », « prévisibilité » et « règles précises ». Ces objectifs, ajouta-t-il, peuvent être atteints par l’intermédiaire d’une alliance MERCOSUR unie, ayant pour mission de réduire la pauvreté, de combattre le narcotrafic, mais surtout d’offrir à sa population de meilleurs emplois à travers l’élargissement des liens régionaux.

Le dernier argument crucial que Mauricio Macri a abordé dans son discours du 21 décembre dernier est l’aspect démocratique de l’Union. Pour lui, la démocratie se définit par « un pacte de coexistence entre des populations qui pensent différemment ». C’est une façon de veiller sur le peuple et c’est de cette façon que toute vie en communauté se construit. Ces mots, utilisés lors de la demande de libération de prisonniers politiques au Venezuela, sont appuyés par la « clause diplomatique » du MERCOSUR. Cette dernière prévoit la possibilité de fermer les frontières d’un parti violant l’ordre démocratique. De ce fait, l’Argentine conseille au gouvernement vénézuélien ainsi qu’à l’opposition de rester vigilants quant à leur intégration dans l’union douanière, qui pourrait être menacée par cette clause. Par ailleurs, Mauricio Macri souligne le fait que l’Amérique latine devrait élargir sa notion de démocratie, pour faire évoluer sa définition. Alors que durant le XXème siècle la démocratie pouvait mettre un terme à une dictature, au XXIème siècle, elle se doit d’être plus participative et entière.

La montée d’une politique de centre-droite libéralisée en Argentine a entraîné des changements dans l’équilibre du MERCOSUR. La droite modérée a maintenant plus de poids dans l’économie politique ainsi que dans le paysage diplomatique de l’union douanière la plus importante du cône sud. Si on considère ce récent sommet, on peut envisager plus largement que le MERCOSUR va augmenter son influence dans les Amériques, le Pacifique et l’Europe à travers une coopération régionale plus étroite sur un plan politique et économique, discursif et pratique. « Pour étendre son influence jusqu’aux quatre coins du monde », ajoute avec conviction Mauricio Macri. Le changement souffle sur l’Argentine, présageant une étape décisive pour l’avenir du MERCOSUR. 



Student at Sciences Po Paris interested in international relations and security issues with an… En savoir plus sur cet auteur