Banksy ou le paradoxe du street-artiste militant

23 Octobre 2013



À la Grosse Pomme, on s’agite et on s’indigne. Banksy, le street-artiste à l’anonymat bien gardé, ne compte toujours pas sortir de l’ombre. Pourtant en ce début d’automne, tous les projecteurs sont braqués sur lui. Découverte du nouveau coup de maître de « l’art terrorist » des temps modernes.


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Pendant que les arbres se dénudent, les murs de New-York s’habillent de couleurs. Depuis le début du mois d’octobre, Banksy marque son grand retour. Détournements de signalisation dans le quartier de Manhattan, camions peints façon Douanier Rousseau ou graffs aux slogans percutants et humoristiques dans le Westside : à chaque jour suffit son œuvre ! A travers son opération « Better out than in » (Meilleur dehors que dedans), il remet le street-art précisément à la place qui lui revient c’est-à-dire dans la rue.

Si pour les questions d’art et de terrorisme, tout n’est qu’une histoire de point de vue, en ce qui concerne sa communication, tout le monde se met d’accord. Il manie à la perfection le marketing viral ; sa nouvelle campagne artistique en est la preuve. Chaque jour jusqu’à la fin du mois, une nouvelle œuvre est annoncée par un teasing sur la toile. A tel point que ses admirateurs, et quelques 5 millions d’autres internautes curieux, semblent s’être pris au jeu.

Une œuvre, une idée

Pour Banksy, rien n’est jamais si simple. Fidèle à ses idées anticapitalistes et pro-libertaires, sans jamais être doctrinaires pour autant, il se sert de ses œuvres aux senteurs de bombe aérosol, pour faire passer un message que le spectateur pourra décoder sans grande difficulté. « J’ai choisi de faire de l’art sans étiquette, ni prix », mais rarement gratuit. On l’aura compris, son idée est claire, qu’importe la technique pourvue qu’il y ait du sens.

Critique de la religion, de l’exploitation de l’animal par l’homme, de l’empire financier, ou de la guerre. Cette fois-ci encore il pousse vers le politiquement incorrect. Les médias ont pris l’habitude de ses mauvaises manières, se rappelant l’épisode de la poupée gonflable grandeur nature installée à Disneyland, en Californie. Vêtue du costume orangé des prisonniers de Guantanamo Bay à Cuba, sa création avait fait un buzz phénoménal, en 2006. Pourtant face à son succès planétaire, Banksy s’indigne en posant subtilement la question « Pourquoi vous intéressez-vous autant à mon travail ? ». Modeste l’artiste.

Banksy entend le son des sirènes

Même s’il préférerait le succès aux problèmes d’ordre mondiaux, ses happenings continuent d’amuser la galerie, à l’exception de la police new-yorkaise. Dans la métropole américaine, on est bien loin de l’ambiance de Bristol (sa ville natale, parait-il) où les peintures murales sont considérées comme un patrimoine urbain. Ici, l’heure est plutôt à la chasse aux graffitis. A en croire le New York Daily cette semaine, l’artiste est recherché par les autorités pour actes de vandalisme.

Il faut croire que les slogans « This is my New-York accent… » et les pochoirs de chien urinant ne sont pas du goût de tous. D’ailleurs, lors de sa folle escapade, Banksy ne s’est pas fait que des amis. Furieux de se faire voler la vedette, les autres artistes de rue ont rapidement recouvert de tags, plus ou moins esthétiques, les œuvres de l’anglais. Il lui serait reproché de détériorer l’image des graffeurs du fait de son succès, l’essence même de l’art urbain étant le fait d’agir à contre-courant de l’art commercial, dans l’illégalité et la vélocité. Un paradoxe pour les fans du muraliste qui continuent à se réjouir de voir ses œuvres colorer les murs de la ville, à défaut de pouvoir mettre un visage sur son nom.

De son côté, Banksy n’est pas prêt d’arrêter sa déambulation, bombe à la main, à la conquête de sa liberté d’expression. Au temps de Mozart, les sopranos déclamaient à l’opéra « Viva liberta ». Aujourd’hui, ce génie d’un autre genre le revendique par les graffes qu’il dessine sur les murs qui le mènent droit au succès.

Alors en attendant de rêver au jour où les médias s’intéresseront davantage à la portée humaniste de ses œuvres, Banksy peut se rassurer, il réussit son pari. En tant que marketeur en herbe, il agit avec une pointe d’humour pour ancrer dans les esprits que l’art n’est pas qu’à collectionner mais aussi à comprendre. Message reçu.

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Julia Sanchez
Minuscule créature avec de grandes idées pour changer le monde. En savoir plus sur cet auteur