Ben Carson, le déroutant candidat à la primaire républicaine

Thomas Nogris
11 Janvier 2016



Aujourd’hui l’un des seuls prétendants à réellement inquiéter Donald Trump dans les sondages pour l’investiture du parti républicain à l’élection présidentielle, Ben Carson, est un objet politique non identifié. Neurochirurgien à la retraite, il a débarqué sur la scène politique en mai dernier. À 63 ans, il a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2016, lui qui n’avait jusque-là aucune expérience dans ce domaine. Qui est donc Ben Carson, intriguant personnage qui n’hésite pas à casser les codes de la classe politique américaine ?


Crédit DR
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Dix-huit pour cent. C’est ce qui sépare Ben Carson de Donald Trump, à ce jour toujours en tête des sondages pour l’investiture Républicaine. D’après un récent sondage conduit par l’agence Reuters, Ben Carson était crédité de 13 % d’opinions favorables contre 31 % pour un Donald Trump en régression dans les sondages, notamment depuis ses propos tenus contre les musulmans après les attaques de Paris, et 17 % pour le sénateur texan Ted Cruz. C’est peu, surtout, comme l’explique professeur Sunshine Hillygus, chercheur en sciences politiques à l’université de Duke, « au regard de la complexité des élections primaires, qui traditionnellement ont toujours limité la précision des sondages ».

Ben Carson apparaît aujourd’hui comme l’antithèse de Donald Trump. Très loin du milliardaire new-yorkais et de ses frasques quasi-quotidiennes, le natif de Détroit se présente comme le porte-étendard d’une Amérique chrétienne conservatrice, et souhaite instaurer une politique libérale imprégnée par la foi.

Cette triangulaire improbable, impliquant deux candidats bien loin des standards du parti républicain, illustre un ras-le-bol de la classe moyenne, fâchée avec ses politiciens. C’est aussi une des explications à la récente montée en puissance du « tea party », cette frange radicale du parti républicain dont l’influence n’a cessé de croître au sein du Congrès.

Un programme politique approximatif

Malgré son succès évident auprès d’une importante part de la population chrétienne américaine, il est clair que Ben Carson pâtit de son inexpérience sur la scène politique, et a du mal à masquer son ignorance sur certains sujets.

En ce qui concerne son programme national, les propositions de Ben Carson s’inscrivent dans la lignée des idées républicaines. Il propose ainsi de passer à une imposition à taux fixe pour toute la population et d’abandonner tout système d’évolution par tranche. En ce qui concerne l’épineuse question de la réforme de la sécurité sociale, à l’instar de Trump, Cruz ou Jeb Bush, il souhaite la création d’un système privé ou chacun constituerait son propre capital et ne cotiserait plus pour les autres. De manière générale, son programme est guidé par une volonté de limiter l’interventionnisme étatique, tant sur le plan économique que social.

Crédit Chip Somodevillia / Getty Images - Ben Carson, Scott Walker et Donald Trump lors d’un des débats de la primaire républicaine
Crédit Chip Somodevillia / Getty Images - Ben Carson, Scott Walker et Donald Trump lors d’un des débats de la primaire républicaine
Tout récemment encore, il a été pointé du doigt par les médias américains pour son manque de connaissances de la scène internationale, compétence essentielle et traditionnellement détenue par le président. Ses propos, avançant une mystérieuse intervention chinoise ratée en Syrie, ou encore son incapacité à nommer les potentiels membres d’une coalition occidentale contre la menace terroriste au Moyen-Orient, ont été largement relayés par la presse et par ses opposants qui ne manqueront pas d’utiliser cette corde sensible pour tenter de discréditer Carson.

Cela n’empêche pas ses partisans de continuer à le soutenir, parfois sans doute plus pour son honnêteté et les valeurs qu’il incarne que pour son programme encore relativement approximatif sur certains points.

Success-story à l’américaine

Outre l’originalité de son parcours politique, Ben Carson a une histoire tellement incroyable qu’un film sur sa vie a déjà été réalisé. Elevé par une mère célibataire après que celle-ci eut découvert la bigamie de son mari, Ben Carson grandit avec son frère dans la pauvreté à Détroit, vivant de bons alimentaires et des maigres salaires de sa mère. Guidé par sa foi, il va travailler d’arrache-pied pour sortir surmonter sa situation, et deviendra un célèbre neurochirurgien après des études de psychologie dans la prestigieuse université de Yale. Il est d’ailleurs le premier médecin à avoir séparé avec succès des frères siamois par la tête, en 1987.

Pourtant, depuis quelques semaines, des voix se font entendre aux États-Unis, et contestent certains épisodes de sa biographie. L’histoire d’une enfance marquée par des accès de violence envers ses proches par exemple, dont la véracité semble incertaine, mais qui sert pourtant de base à l’histoire de sa rédemption dans les écrits bibliques.

Ses détracteurs remettent également au cause l’authenticité de son CV, et contestent la mention d’une offre de bourse d’étude pour l’université militaire de West Point qu’il prétend avoir reçu mais dont personne n’a jamais retrouvé trace.

De l’acharnement selon Ben Carson, qui voit en ces attaques un simple moyen de déstabilisation pour tenter de l’empêcher de se mêler à la lutte finale pour l’investiture du « Grand Old Party ».

Encore très incertaine à l’heure actuelle, les votes pour la primaire républicaine débuteront le 1er février 2016 en Iowa, et s’étaleront jusqu’au 7 juin, date à laquelle la Californie et 4 autres États éliront leur candidat.

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