Brunei : une dictature où il fait bon vivre

28 Février 2013



A l'occasion des 29 ans de l'Indépendance du Brunei, "Le Journal international" revient sur ce petit pays qui attire de plus en plus les regards.


Brunei : une dictature où il fait bon vivre
Le 23 Février, l'Etat du Negara Brunei Darussalam a fêté son indépendance, et reçu les compliments de nombreux Etats, dont le Koweit, l'Algérie ou encore la Jordanie. Le Negara Brunei Darussalam  est la forme longue du nom de ce sultanat communément appelé Brunei. Cet Etat de 5 765 km² (plus petit que la Palestine et que le département de l'Ain) frontalier de la Malaisie, divisé en deux par le Sarawak et situé sur l'île de Bornéo, est peuplé de quelques 393 162 habitants. Comment un si petit Etat peut-il attirer tant de regards ?

Dès 977, le Brunei prend un rôle important dans les échanges asiatiques et orientaux en tant que port commercial. Il devient en 1520 un puissant sultanat occupant tout le nord de l'île de Bornéo, perdant petit à petit de nombreuses terres suite aux exploitations coloniales. Il passe sous protectorat britannique en 1906 après la découverte de ressources pétrolières. En 1959, la Malaisie obtient son indépendance et prononce l'idée de mettre en place une fédération régionale, le Brunei refusera pour conserver l'exploitation de ses hydrocarbures. Le nouveau Sultan Haji Hassanal Bolkiah Mu'izzaddin Waddaulah ibni Al-Marhum Sultan Haji Omar Ali Saifuddien Sa'adul Khairi Waddien, ou Hassanal Bolkiah, est couronné en 1968 et prend la place de chef de l'exécutif, poste qu'il occupe encore aujourd'hui. Il faut attendre 1984 pour que le pays accède à l'indépendance et quitte le régime du protectorat pour devenir une monarchie islamique membre du Commonwealth.

Aujourd'hui, le Brunei n'est pas un pays pluraliste. A l'époque du protectorat, la constitution de 1959 avait prévu des élections législatives. Celles-ci ont porté le Parti Populaire du Brunei au pouvoir en 1962, mais il fut vite renversé par le sultanat. Le chef d'Etat a mis en place l'état d'urgence, toujours d'actualité, et peut faire désormais des décrets ayant valeur de loi. En 2004, Hassanal Bolkiah annonce que 15 des 20 membres du Conseil législatif pourraient être réélus directement par le peuple. Aujourd'hui encore, les élections sont toujours attendues...
Le Sultan, ayant les fonctions de ministre des Finances, de Premier ministre, de chef du Culte et enfin de ministre de la Défense, contrôle les partis existants (il n'y en a que trois) et s'appuie sur différents conseils (comme le Conseil consultatif composé de représentants des quartiers et des villes de pays) pour prendre ses décisions.
Au niveau de la liberté de la presse, le Brunei occupe la 122ème position dans le classement mondial de la liberté de la presse 2013 de Reporters Sans Frontières; cela lui confère une meilleure place que certaines démocraties comme l'Indonésie, l'Inde ou la Turquie. Les critères de sélection ne s'appuient pas sur les formes de régime politique mais sur des critères tels que le pluralisme des supports médiatiques (comme presse écrite, avec le Pelita Brunei, le Borneo Bulletin, le Media Permata et The Brunei Times) et l'indépendance de ces derniers.
Seule une ville s'élève contre le gouvernement, la Venise de l'Orient : Kampong Arey. Cette cité construite sur pilotis est l'ancienne capitale économique du pays et fait l'objet d'un développement touristique guidé par le gouvernement. Ceci n'est pas du goût des populations locales qui se retrouvent parfois délogées.

Un facteur économique qui explique les faibles contestations face à ce régime autocratique

Le Sultan Hassanal Bolkiah saluant le drapeau du Brunei
Le Sultan Hassanal Bolkiah saluant le drapeau du Brunei
Le Brunei est situé à la cinquième position des Etats les plus riches au monde selon Forbes, avec une dette extérieure inexistante, occupant la deuxième place au niveau de la région de l'Asie du Sud-Est pour son Indicateur de Développement Humain (IDH). Il faut savoir que les frais de scolarité sont entièrement dispensés par l'Etat, même pour les étudiants partant à l'étranger. Le salaire minimum était de 25,38 $ par heure en 2009 et le chômage de 2,2% en 2010 avec des dépenses médicales entièrement prises en charge pour les enfants et presque en totalité pour les adultes.

Ces richesses importantes dont dispose le pays sont en majorité issues de l'exploitation du pétrole et du gaz naturel qui représentent 90% des exportations. Avec plus de 180 000 barils de fioul par jour, il est également le quatrième producteur de gaz en Asie du Sud-Est, ce qui lui donne une place importante au sein des négotiations dans l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). Il a été relevé qu'en 2015, ces ressources viendraient à manquer, donnée à l'origine du développement d'une nouvelle économie en 2005, contenant notamment la mise en place de forages offshore et un investissement dans l'agriculture et la pêche.
Le Brunei produit localement ses poulets mais le reste de la nourriture est importé. Il faut noter également une industrie naissante au sein de cette région asiatique, qui abrite selon Chiara Pettenella plus de 61,9% des musulmans dans le monde. Le Sultan s'est acheté un ranch en Australie d'une superficie de 5 860km² (plus grand que le pays lui même) pour la production de bœuf halal destiné aux Brunéiens, puis pour l'exportation vers d'autres terres musulmanes.

Un pays où il fait bon vivre, où règne parfois l'ennui, le Brunei est l'un des Etats les plus riches au monde et il n'oublie pas son peuple en lui donnant accès à de nombreux services et de biens de base comme le riz fourni gratuitement. Ces faits empêchent les contestations de naître face à ce régime qui reste autocratique.

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Sofia AZZEDINE
étudiante en Science Politique un petit peu partout, sur les bancs et dans la vie. Aimant la... En savoir plus sur cet auteur