Cinéma : des étincelles à Kinshasa

Colomba Poinsignon
7 Avril 2013



Dans un style original, entre documentaire et fiction, Kinshasa Kids est un conte honnête et pourtant optimiste. A ne pas manquer !


Cinéma : des étincelles à Kinshasa
Que dire d'abord de Kinshasa Kids à part qu'il faut absolument aller le voir ? C'est un film dont la principale qualité est sans aucun doute d'être ou d'incarner le lieu et les personnages qu'il montre. On vit pendant un petit moment avec ces enfants des rues, ces "shégués", qui tentent de survivre et de s'amuser malgré la faim et le manque d'affection. Le film raconte une partie de la vie de huit de ces milliers d'enfants, qui tentent de monter un groupe de musique pour enfin avoir de la chance et grandir comme ils le souhaitent. Ils sont aidés dans cela par Bebson de la rue, rappeur un peu fou et très talentueux.
L'espoir est là, sans aucun doute, notamment lorsque les enfants énumèrent chacun à leur tour ce qu'ils veulent faire plus tard : quelqu'un d'important en Europe, aller à l'école ou policier pour pouvoir voler tranquillement. La ténacité et la joie de ces enfants s'échappent du film avec une grande intensité. Mais il y a aussi les moments de tristesse et d'horreur, les bagarres sont fréquentes et Rachel, la seule fille du groupe, se prostitue malgré son jeune âge.

Marc-Henri Wajnberg a rencontré des enfants de Kinshasa et en a choisi huit pour faire son film, un conte, comme il le dit lui-même, au style documentaire. Le réalisateur mélange en effet les deux genres avec facilité : les habitants de Kinshasa nous regardent parfois dans les yeux et l'équipe a parfois des problèmes avec des policiers véreux. Rien n'est cependant manichéen et toutes les composantes complexes de la ville nous sont montrées. Policiers et shégués survivent ensemble, s'arrangeant des combines fructueuses.
Le réalisateur nous montre sa plongée dans la ville, sans oublier pour autant que son œuvre est une fiction. Plusieurs passages tiennent du merveilleux, toujours ancrés pourtant dans la réalité de ces personnages. De plus en plus de films contemporains, assumant leur ancrage réaliste, utilisent un détour par le merveilleux ou le fantastique pour emmener leur sujet vers des échappées poétiques qui intensifient le pouvoir du réel. On peut penser à la fin de Detachment ou aux Bêtes du Sud sauvage. Marc-Henri Wajnberg réalise de même un film hybride qui fait exploser les enfants à l'écran.

Emma, José, Gaby, Joël, Gauthier, Michael, Rachel et Sammy ne se connaissaient pas avant de faire le film, mais ils ont appris à s'apprécier pendant le tournage, et quatre vivent toujours ensemble dans les rues de Kinshasa. Rachel a joué dans un autre film, War Witch, et a gagné un Ours d'argent à Berlin ; elle va maintenant à l'école à Kinshasa. Le film a donc réussi à en sauver au moins un. Les shégués sont souvent des enfants chassés par leur famille car considérés comme sorciers. Le dossier de presse du film nous explique qu'au gré des recompositions familiales, les mères, laissées sans ressources, abandonnent souvent l'enfant au père. Les belles-mères et belles-familles n'acceptent souvent pas cet enfant et l'excuse de la sorcellerie est alors utilisée. Emma a, lui, une mère très jeune qui ne peut l'élever seule et dont la famille refuse de l’accueillir si elle le garde avec elle.
Le film parvient à nous faire ressentir cela grâce au mélange savant entre documentaire et fiction : rien n'est dit, tout est suggéré et appuyé par des images d'une rare beauté. La caméra est très mobile, saisissant le vif et l'improvisation, mais les rues de Kinshasa s'impriment dans votre esprit grâce à la maîtrise du cadre et de la profondeur de champ, souvent oubliée dans les films contemporains.

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