Django: Tarantinesque... ou pas

Geoffrey Saint-Joanis et Florent Tamet
17 Janvier 2013



D-J-A-N-G-O. Mercredi 16 janvier est sorti le dernier film du réalisateur de Pulp Fiction. Pour certains le meilleur, pour d’autres une déception, le Journal International vous présente une critique à deux visages. Action !


Django: Tarantinesque... ou pas


Django: Tarantinesque... ou pas
Quatre ans après Inglourious Basterds, Quentin Tarantino se lance dans un western, sauce spaghetti. Pas de Bon, de Brute et de Truands, simplement l’émancipation d’un esclave (Jamie Foxx) qui, avec l’aide d’un chasseur de prime allemand (Christoph Waltz), essayera de délivrer sa femme du sado-esclavagiste Monsieur Candy (Léonardo Di Caprio). En contrepartie, Django s’engagera à devenir, pour un temps, un "négrier de cadavre".

Comme à son habitude, le réalisateur s’amuse à nous déployer des discours longs et lourds, entre mythologie germanique, littérature française et phrénologie. Mais de là, découle les origines mêmes du western. Cité à plusieurs reprises, Alexandre Dumas, fils de métis, devient tout un symbole sur fond de western revisité de manière - non pas vintage - mais pop, et européenne. Django, nouveau D’Artagnan ? Non. Plutôt le héros d'un conte germanique, narrant les aventures de Siegfried délivrant sa bien-aimée d’une montagne enflammée.

Car oui, la pop est là. Elle s’affirme avec une bande son et un esthétisme stylistique incroyable. De Freedom, de Richie Heavens, en passant par Ode to Django du rappeur RZA, Quentin Tarantino réinvente le western contemporain. Finis les cowboys aux foulards rouges et au fond de teint, place aux gentlemen de l’Ouest. Christoph Waltz nous impressionne de part son élégance, tant de manière vestimentaire que meurtrière. Quant à Jamie Foxx, véritable Shaft du XIX ème siècle, il réalise un exploit en remettant au goût du jour la chemise à jabot.

Mais Django est bien plus qu’un film tarantinesque, c’est avant tout un film historique. Ici, le réalisateur a su, avec brio, toucher une part historique de l’histoire étasunienne : l’esclavage. Comme Lincoln, qui illustrera le combat du Président contre l’esclavagisme, Django dénonce de manière intelligente le véritable visage du pays de l’Uncle Sam.

Film déjanté ? Non, film tarantinesque.

Django: Tarantinesque... ou pas
Christoph Waltz : magistral.
Léonardo Di Caprio : surprenant.
Et pourtant.

Django Unchained est bien loin du « masterpiece » unanimement annoncé dans la presse depuis plusieurs semaines. Il faut dire que l’attente était grande. Immense, même, tant la presse a eu à cœur de se repentir de la mauvaise critique d’Inglourious Basterds qui a tant déplu à Son Altesse Quentin Tarantino.

Mais du côté du réalisateur, on sent également une réelle application à vouloir renouer avec les louanges d’Hollywood. Habituellement rompu à l’exercice de l’absurdité scénaristique qui, incontestablement, a fait son succès, il semble quelque peu mettre de côté son grain de folie si caractéristique pour mieux coller avec les standards hollywoodiens.

Pour autant, les puristes ne seront pas dépaysés : comme à son habitude, Tarantino s’applique à construire, pour jouir ensuite de la déconstruction brutale. « Candyland », la propriété de Calvin Candie – interprété par un Di Caprio se découvrant une autre dimension que celle du héros propret – en est le symbole. Tarantino nous bâtit un huit-clos incarnant à merveille l’expression « se jeter dans la gueule du loup » qui, au fil des minutes, devient de plus en plus étouffant dans un décor particulièrement aseptisé. C’est là que l’intrigue se joue, là que les personnages de Waltz et Foxx se heurtent à leurs propres limites. La chute est - sans surprise - brutale, sanguinolente. Du Tarantino tout craché.

Dommage, cependant, que la préservation de son égo le pousse à adopter une « happy end » - dont on le pensait étranger – pour se réconcilier avec Hoolywood. D’aucuns plaideront pour une volonté délibérée de coller au style « Western », qui, d’ailleurs, est largement contestable. Django Unchained peut davantage être vu comme un pastiche des codes du Western, qui ne parvient pas pour autant à s’en attribuer totalement le genre, alors que l’on nous l’a présenté comme tel.

Enfin, si Jamie Foxx n’a rien de transcendant dans son rôle de Django, Christoph Waltz porte, à lui seul, une bonne partie du film, sublimé par une BO fabuleuse. Sa disparition de l’écran, peu avant la fin, nous montre à quel point c’est par son jeu que le film tient son succès. D’autant que la disparition de Waltz coïncide avec l’invariable apparition de Tarantino, qui, une bonne fois pour toute, ferait mieux de rester derrière sa caméra pour soigner ses raccords, plutôt que d’exhiber son inexpression faciale.

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