Drones : une note secrète légitime l’assassinat d’Américains

7 Février 2013



Les États-Unis ont le droit de conduire une opération meurtrière à l'extérieur du pays à l'encontre d'un citoyen américain quand il s'agit d'un « responsable » du réseau Al-Qaïda, selon un mémo confidentiel du ministère de la Justice américaine rendu public mardi par NBC.


Drones : une note secrète légitime l’assassinat d’Américains
Le document publié mardi, qui résume un mémo juridique de 50 pages resté classifié, est intitulé: « De la légalité d'une opération meurtrière contre un citoyen américain qui est un haut dirigeant opérationnel d'Al-Qaïda ou d'une de ses filiales ». Ce document de 16 pages, dévoilé par la chaîne NBC, justifie pour la première fois l'élimination de citoyens américains par des frappes de drones. Les mêmes drones qui étaient déjà amplement dénoncés devant des tribunaux par des organisations de défense des droits de l'homme. Le mémo confidentiel conclut que les États-Unis peuvent légalement tuer un de leurs propres citoyens à l'étranger, s’il est déterminé que la personne est un « haut dirigeant opérationnel » d'Al-Qaïda ou d'une de ses filiales, et constitue une « menace imminente ».

Ce qui interpelle est que le document de 16 pages permet une interprétation élastique de ces concepts. Par exemple, l'identification des « hauts dirigeants opérationnels » ne nécessite pas que la « cible » soit impliquée dans un complot spécifique, car Al-Qaïda est « constamment impliquée dans la planification des attaques terroristes contre les États-Unis. »… Évitant ainsi un éventail de questions, y compris sur le niveau de preuve requis pour qu'un Américain soit considéré comme un « haut dirigeant opérationnel » figurant dans Al-Qaïda. Clairement, ce mémo tend à institutionnaliser l'assassinat, dans le cas où « un haut responsable informé » conclut que la personne ciblée constitue « une menace imminente », à condition que la capture de cette personne soit « impossible » et que l'attaque soit menée conformément aux « lois ou principes de la guerre ».

Attaque de drones

D'une façon plus globale, le mémo fournit de nouveaux détails sur le raisonnement juridique derrière l'une des politiques les plus secrètes et les plus controversées de l'administration Obama : l'augmentation considérable de l’utilisation de frappe de drones contre Al-Qaida, y compris celles qui visent des citoyens américains. Comme lors de l'élimination d'Anwar al-Awlaki - responsable de la branche yéménite d'Al-Qaida et considéré comme l’instigateur de plusieurs tueries – et de Samir Khan, au Yémen en septembre 2011, réalisée en partie par des drones de la CIA ayant décollé depuis une base secrète en Arabie Saoudite. Les deux étaient des citoyens américains qui n'avaient jamais été mis en accusation par le gouvernement, ni inculpés d'aucun crime, et pourtant exécutés à distance.

La divulgation non autorisée de la note du ministère de la Justice intervient aussi à l’avant-veille de l’audition de confirmation de John Brennan comme chef de la CIA, devant une commission du Sénat. À titre de conseiller du Président dans la lutte contre le terrorisme, Brennan a joué un rôle clé dans le programme d’attaques par drones en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen.

« il y aura clairement des circonstances dans lesquelles le président a le pouvoir d'utiliser la force meurtrière »

Un groupe de sénateurs républicains et démocrates vient d'écrire à Barack Obama en vue de l'audition de John Brennan pour réclamer la publication de toutes les notes juridiques concernant le recours aux drones par l’administration Obama. « C'est vital que le Congrès et le public américain aient une totale compréhension de la manière dont l'exécutif interprète les limites et les frontières de son autorité », écrivent les élus. Tout en admettant qu' « il y aura clairement des circonstances dans lesquelles le Président a le pouvoir d'utiliser la force meurtrière » contre les Américains qui prennent les armes contre le pays.

« Il s'agit d'un document effrayant », a commenté Jamel Jaafer, directeur juridique adjoint de l'American Civil Liberties Union (ACLU). « Le texte pose des limites au pouvoir qu'il instaure, mais elles sont élastiques et peuvent facilement être manipulées […] Il est difficile de croire que cela a été rédigé dans une démocratie bâtie sur un système d'équilibre et de contrôle des pouvoirs. Il résume en des termes froids la toute-puissance stupéfiante de l'exécutif », dénonce Jamel Jaafer

Au vu de ces révélations, l'exceptionnalisme américain est loin d'être de l'histoire ancienne…

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