Elefante Blanco : une plongée dans les bidonvilles de Buenos Aires

Colomba Poinsignon
3 Mars 2013



Pablo Trapero nous entraîne dans cette partie oubliée de l'Argentine avec une puissance subtile, en évitant le spectaculaire.


Martina Gusman (Luciana) et Ricardo Darín (Julián)
Martina Gusman (Luciana) et Ricardo Darín (Julián)
Elefante Blanco est un film social, à l'image de Wadjda, Precious, de nombreux films de Ken Loach, plus anciennement de John Ford et Capra. Il est nécessaire de rappeler cette postérité proche ou lointaine pour un fait simple : un film doit partir d'un désir, d'une volonté de raconter, d'expérimenter une forme, de dire quelque chose sur la société ou un tout autre sujet, peu importe. Mais il doit partir d'un désir. On peut reconnaître ce mérite à Pablo Trapero, le réalisateur de Elefante Blanco. Il a quelque chose à dire et à filmer. 

Nicolas, jeune prêtre belge, arrive dans la paroisse atypique du curé Julian après avoir vécu le massacre d'une communauté indienne en Patagonie. Il va peu à peu découvrir la vie des bidonvilles et s'investir dans les differentes actions sociales de l'Église. On voit ainsi dans son film l'exigence de l’Église à travers ce qu'elle demande à ses prêtres et ce dont elle les prive, la dureté de l'engagement social où se pose la question d'être cynique ou de partir en retraite, d'agir toujours plus au prix d'un danger toujours plus grand pour soi-même mais surtout pour les autres. Sans lourdeur, le film nous promène au milieu de ces interrogations cruciales lorsqu'il est question de l'engagement, sans se perdre dans un discours théorique. Et la balade n'est pas tranquille. Les acteurs sont très bons, sans être exceptionnels, sans doute parce que le film ne fonctionne pas tellement sur des dialogues mais plutôt sur des gestes, des présences. Les acteurs sont encore un peu trop timides sur ce terrain.

On ne peut faire l'expérience de ce film sans remarquer l'excellent travail sur l'image et la musique. Les bidonvilles de Buenos Aires ont une texture particulière, entre labyrinthes alternativement poussiéreux et engloutis sous les eaux. Le grand hôpital inachevé, l'éléphant blanc, domine ce paysage délabré aux lumières fortement contrastées au son de la voix rocailleuse du chanteur des Intoxicados, à l'image de la vie brute et violente qui nous est montrée. 

Pourtant, on ressort avec un sentiment ambivalent : le film est beau, excellent même, mais le doute persiste : est-ce un grand film ? Le temps nous le dira sûrement. Peut-être ressent-on une certaine lassitude du réalisateur. Le film semble manquer d'un effort de plus, le dépassement de toute l'équipe qui fait que le film subjugue le spectateur, pas forcément par du grandiose, ce n'est d'ailleurs pas le genre du film, mais simplement par une force singulière. Même s'il y a l'envie au départ, il manque la dernière touche pour le lancer véritablement au-delà de lui-même. Ce n'est cependant pas une raison pour le manquer.

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