Espagne : les expulsions à l'épreuve de la démocratie participative

16 Février 2013



Ile de Majorque, le 12 janvier 2013: un couple de retraités sur le point d'être expulsé de leur maison se suicide. Fait divers choquant, mais qui n'est pourtant pas exceptionnel en Espagne: chaque mois, plusieurs suicides suite à des avis d'expulsion font la Une des actualités. À tel point que depuis plusieurs mois, le thème des expulsions s'est fortement imposé sur la scène publique.


Espagne : les expulsions à l'épreuve de la démocratie participative
La situation est inquiétante : depuis le début de la crise immobilière en 2007, le nombre d'expulsion n'a cessé d'augmenter. En 2012, les chiffres qui ont été révélés (pour les trois premiers trimestres) montrent une augmentation de 16% toutes catégories confondue: logement et commerces, atteignant le nombre record de 49 702 expulsions.

La mobilisation sur ce sujet n'a cessé de grandir. De nombreuses associations se sont saisies du sujet et vont jusqu'à réclamer l'interdiction des expulsions mettant en avant l'importance du nombre substantiel de logements vides en Espagne. La plus importante d'entre elles est la PAH (Plataforma de Afectados por la Hipoteca, Plateforme des affectés par les prêts immobiliers). Cette association s'est fait remarquée, en plus de l'organisation de manifestations, par ses actions visant à empêcher des expulsions: elle revendique aujourd'hui 568 qui ont été arrêtées grâce à elle.

Le sujet des expulsions est aujourd'hui devenu un sujet très important. La mobilisation prend de l'ampleur comme le prouve la dernière initiative menée par la PAH: une pétition pour proposer une loi d'initiative populaire (Iniciativa Legislativa Popular). Celle-ci a recueilli plus de 1 400 000 signatures. Avec plus de 500 000 signatures la constitution espagnole autorise à chaque citoyen, après acceptation de l'admissibilité par les députés, d'ouvrir des débats sur des projets de lois devant le parlement. 

Espagne : les expulsions à l'épreuve de la démocratie participative
Le 12 février 2013 l'initiative a été présentée devant le Parlement. Tous les partis, sauf le PP (Partido Popular, droite) actuellement au pouvoir, ont annoncé leur soutien à l'initiative. Celui-ci a finalement annoncé son soutien quelques heures avant le vote, ce qui a permis a l'initiative d'être acceptée. Ce revirement montre bien la pression qui pèse sur le gouvernement sur le sujet des expulsions. Les citoyens sont de plus en plus sensibles à ce sujet, et le suicide du couple de retraités le jour même a certainement poussé le PP à voter pour.

Cet évènement met également en lumière l'importance des questions démocratiques en temps de crise. Ici, ce mécanisme de démocratie participative, qui existe dans certains pays mais pas en France, paraît être très important en cette période de crise économique mais aussi politique. Les récents scandales de corruption au plus haut niveau du gouvernement ont continué à faire augmenter la défiance de la population vis-à-vis de la politique.

Même si l'on ne peut pas encore savoir à quoi aboutira cette initiative populaire, il est certain que les mécanismes de démocratie participative restent quelque chose à ne pas négliger et soulignent la nécessité de rapprocher le citoyen de ses représentants politiques. Toutefois cela comporte un risque; en cas d'échec de l'initiative, la frustration de la population pourrait devenir encore plus grande.

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