Espagne : protéger les victimes des expulsions

Laura Noëlle Ballo, traduit de l'espagnol par Anaïs Saby
6 Avril 2013



Les expulsions de familles suite à la crise économique n’en finissent plus d’augmenter. On en dénombre plus de 100 000 à ce jour, si bien que l’on estime aujourd’hui que 34% des suicides en Espagne seraient dûs aux expulsions.


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Selon l'organisation Stop Desahucios, 34 % des suicides en Espagne seraient causés par des exécutions hypothécaires, plus connues sous l'appellation "expulsions" en Espagne. Un fait qui croît de plus en plus depuis le début de la crise économique, débouchant par la suite sur une crise immobilière. Dans ce sens, il s’est produit 171 110 expulsions depuis 2008, une donnée qui alarme la Plateforme des personnes touchées par l'hypothèque (Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH)).

Actuellement, il n'existe pas de statistiques officielles qui rattachent le nombre de suicides aux expulsions, ne s’agissant pas d'une science exacte. Par ailleurs, un grand nombre d'autres facteurs émotionnels entrent en compte. Le suicide est néanmoins devenu la première cause de décès violents en Espagne devant les accidents de la route : des tragédies familiales qui font la Une des journaux espagnols.

L'origine du conflit

La PAH reproche aux entités bancaires et aux caisses d'épargne d’orchestrer ces expulsions, et accuse les derniers gouvernements du Parti Populaire (PP) et du Parti socialiste (PSOE) d’alimenter une bulle immobilière qui a explosé à cause d’une concession indistincte de crédits hypothécaires.

Pour pallier l'effet dévastateur de cette bulle spéculative qui oblige des milliers de familles à abandonner leurs domiciles, de multiples associations ont proposé des initiatives comme la location sociale ou la dation en paiement, une solution permettant de solder une dette hypothécaire avec une banque au moyen de la remise de la demeure hypothéquée. Cette mesure exempterait les familles de continuer à payer leurs dettes aux entités bancaires et s'approcherait davantage de la réglementation en vigueur dans le reste de l'Europe et aux États-Unis.

Aux dépens de la loi

Le 12 février dernier, le Parlement a déclaré recevable — à l'unanimité — un décret-loi dans lequel sont énumérées une série de mesures urgentes de protection des débiteurs hypothécaires sans ressources. Pour la première fois en Espagne, la dation en paiement est estampillée d’un caractère rétroactif.

Pour sa part, le Tribunal de Justice de l'Union Européenne (TJUE) a estimé, mi-mars, que les processus d'expulsions hypothécaires en Espagne sont contraires à la législation européenne de protection des consommateurs. Les clauses abusives dans les contrats établissent, de surcroît, un "déséquilibre" entre le client et l'entité.

Actuellement en Espagne, la question des clauses abusives n'est pas réglementée et doit s’acquitter lors d’un autre jugement, postérieur à l’expulsion. En conséquence, à partir de la décision du TJUE, il est maintenant possible aux juges d’intervenir dans la procédure et même d'arrêter les expulsions dans certaines situations.

La justice au service d'une lutte intense

En attendant, la polémique continue d’être alimentée après l'instruction émise par le Secrétariat d'État à la Sécurité, dans laquelle il ordonne d'identifier et d'arrêter ceux qui participent aux actes de harcèlement d’hommes politiques. Une décision durement critiquée par la porte-parole de la PAH, qui a regretté qu'il soit bien vu d’envoyer la police contre les "expulsés qui ont seulement cessé de payer l’hypothèque parce qu’ils sont restés au chômage" et non contre les corrompus.
Devant la recrudescence des suicides, les manifestations et les plaintes de quelques secteurs institutionnels, certaines enseignes bancaires comme Kutxabank, Caja Laboral ou Banc Sabadell, ont déjà décidé d'arrêter les expulsions, alors que d’autres assurent qu'ils suspendront les expulsions des familles les plus affectées jusqu'à l'entrée en vigueur de la réforme normative annoncée par le gouvernement. 

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