Europe : défilés nazis et courses aux immigrés

Jeanne Massé et Clara Mazuir
23 Mars 2013



Un étrange cortège défile dans les rues des villes lettones le 16 mars. Les ex-légionnaires de la Waffen SS descendent manifester au vu et au su de tous. Membres volontaires au service d'Hitler durant la Seconde Guerre mondiale, ces combattants et leurs descendants considèrent ce jour comme leur fête, bien que cette célébration soit interdite depuis 2000.


Manifestation du parti d’extrême droite Aube Dorée
Manifestation du parti d’extrême droite Aube Dorée
Alors que la Lettonie, État membre de l'Union européenne depuis le 1er mai 2004, a signé lundi sa demande d'adhésion à la zone Euro, des vagues de nationalisme font leur apparition. Des membres de la Diète (chambre basse du Parlement), des adolescents, mais aussi des enfants, accompagnaient un millier d'ex-légionnaires de la Waffen SS dans une marche nazie, samedi 16 mars à Riga, la capitale. Autour d'eux, des contre-manifestants brandissaient des portraits de victimes de l'holocauste.

Le parti nationaliste « Tout pour la Lettonie » a soumis son projet d'officialisation du 16 mars comme Jour de la légion Waffen SS, à la Diète. Deux jours plus tôt, la Saeima, le Parlement letton, a rejeté les amendements à la loi concernant les fêtes et les dates mémorables, à propos du 16 mars. Mais les anciens légionnaires ne baissent pas les bras. Et pour cause : cette célébration avait été officialisée dans le pays en 1994, pour être abolie en 2000. Si ce projet est dénoncé par les organisations antifascistes internationales, le gouvernement lui-même, incluant l'ancien président letton Valdis Zatlers, a déclaré ne pas considérer les SS lettons comme des nazis. Or, beaucoup d'entre eux ont participé aux massacres antisémites, ou se sont adonnés à d'autres violences xénophobes pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus de 150 000 Lettons se sont engagés dans le Wehrmacht. Quant à la Waffen SS, elle a été reconnue comme appartenant aux groupes SS, qui ont été condamnés par le tribunal de Nuremberg en tant qu' «organisation criminelle coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité ».

Du côté des antifascistes, les autorités locales ont donné leur feu vert en ce qui concerne l'utilisation des haut-parleurs et de la musique. Résultat, les vétérans ont été accueillis par ces derniers et leurs enceintes acoustiques, transmettant des chansons patriotiques en russe. Face à de tels actes et à la non-intervention des autorités, l'Alliance nationaliste a déclaré exiger la démission du ministre de l'Intérieur, Richards Kozlovskis. Le ministre, en guise de réponse, a félicité les policiers et a précisé qu'en aucun cas il ne souhaitait démissionner.

Montée nationaliste en Europe

Si cette inquiétante démonstration reste isolée dans le pays, certains de ses voisins européens n'hésitent pas à témoigner de leurs opinions extrémistes et nationalistes. Au grand jour en Hongrie ou par le biais de partis extrémistes minoritaires en Grèce, le nationalisme que l'on croyait enterré à jamais depuis la Seconde Guerre mondiale refait surface. Viktor Orbàn, Premier ministre hongrois en est la preuve criante. Après avoir balayé en un vote le rêve de « République » des citoyens, en supprimant tout simplement le mot de la Constitution, le chef charismatique du Fidesz (parti ultra-conservateur au pouvoir) multiplie les sorties nationalistes, ne suscitant que peu ou pas de réactions dans les médias européens. Sur la pente de la dictature, le Premier ministre censure les médias et compromet la liberté d'expression. Si son parti reste en tête pour les prochaines élections, il n'est sérieusement talonné que par Jobbik, parti d'extrême droite (dernier scandale en date : une liste pour « pointer » les Juifs au gouvernement). Raison de plus pour ne pas cacher les opinions du parti en place, quitte à faire trop. Récemment, la distinction de plusieurs personnalités controversées a fait des émules : Ferenc Szaniszlo, journaliste et antisémite notoire (ayant comparé les Roms à des « singes »), Kornel Bakay, archéologue mieux connu pour ses thèses racistes, ou encore Janos Petras, chanteur partisan de la reconstruction d'une « Grande Hongrie ». Et quand un proche de Viktor Orban traite les Roms d'« animaux nuisibles qu'il faut éradiquer », aucune excuse là non plus.

Des « petits joueurs » à côté des membres de l'Aube Dorée. Ce parti grec pouvant se vanter de 7% remportés aux dernières législatives, nie son attachement au nazisme pour sauver les apparences (en témoigne leur emblème). Xénophobes, violents, et laissant échapper quelques saluts nazis : le parti se régale de tous les scandales qu'il crée. En organisant des services pour les Grecs (aider les personnes âgées avec leurs courses, distribution de nourriture), tout en faisant une chasse acharnée aux immigrés (allant jusqu'à détruire des étalages au marché), l'Aube Dorée fait vivre le racisme au quotidien pour les Grecs.

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