Face à la culture mainstream, les indigènes s'indignent

Matego Tellez, correspondant au Mexique
6 Février 2013



Se définissant eux-mêmes comme « ceux d’en bas » dans plusieurs communiqués publiés par le sous-commandant Marcos sur le site internet Enlace zapatista (lien zapatiste), la EZLN (armée zapatiste de libération nationale) se proclame comme l’opposition sociale des dynamiques économiques irrationnelles qui conditionnent les sociétés latino-américaines exposées au néolibéralisme économique.


Face à la culture mainstream, les indigènes s'indignent
Situés dans l’état de Chiapas au Mexique, dans les nombreuses communautés indigènes de l’entité ainsi que dans la forêt Lacandona et ses alentours, la EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) a une place très importante dans les mouvements sociaux d’Amérique Latine. La EZLN rassemblerait tous les peuples indigènes, aussi différents soient-ils, face à la culture « mainstream » de la société mexicaine. Aussi, catalyse-t-elle de multiples identités, fondues en une même identité contestataire, basée le conflit. En fait, la majorité des groupes indigènes que la EZLN représente a une condition en commun : celle d’être différent, celle du caractère indigène, celle de ne pas être blanc, celle d’utiliser un dialecte différent du castillan et surtout des us et coutumes qui diffèrent de l’homogénéité de l’Etat et de la société mexicaine.

Au travers de la mobilisation sociale, ces groupes multiples cherchent à revendiquer leur condition d’indigènes et à faire reconnaître toute leur hétérogénéité au sein d’un Etat qui se voudrait homogène. Le projet culturel porté par la EZLN consiste à reconnaître leurs droits, aussi bien civils que fondamentaux, et leur autonomie face à l’Etat mexicain, ainsi que leur intégration sociale au sein de la société.

Ce mouvement tient ses fondements dans la conscience historique des peuples latino-américains. Par le passé, les projets de construction de l’Etat-Nation moderne dans toute l’Amérique latine ont eu de grandes conséquences sur ces peuples. Déplacés, pourchassés, voire éliminés, les indigènes sont les grands perdants de la modernité, cela au nom du développement, du progrès, de l’idée même d’« identité nationale ».

Tout ceci les caractérise comme une véritable entité contestataire qui s'oppose aux crimes générés par le néolibéralisme et les politiques mexicaines de modernisation (le Traité de Libre Echange notamment). Avec des conséquences sur les terres, l'écosystème et toutes les communautés qui font partie de la EZLN, ces crimes sont le produit de la crise d'un système économique incapable de répondre aux besoins réels, mais surtout incapable d'intégrer ces groupes dans les dynamiques du marché et de la société.

Le Mexique, le Brésil, le Pérou, la Bolivie, l’Argentine et le Chili sont les pays qui obtiennent les taux d’extermination et d’esclavagisme indigènes les plus élevés. Ce sont aussi les nations ayant connu le plus de résistance indigène face aux projets de modernisation. 

Les gouvernements latino-américains ont montré que les communautés indigènes s’attaquaient à l’ordre établi (à la privatisation des terres grâce aux entreprises transnationales notamment) et à la modernité. Ils ont donc pris des mesures fortes à l’encontre de ce rejet de la modernité. La EZLN est la réponse à ces mesures. Depuis son apparition sur la scène politique mexicaine en 1994, un dialogue s’est établi entre les indigènes et les gouvernants. De possibles accords sont en cours pour parvenir à une vraie harmonie durable entre l’hétérogénéité qu’ils représentent (juridiquement nommé  « droits de la troisième génération ») et ce qui est formulé dans l’article 2 de la Constitution politique des Etats-Unis mexicains, qui fait référence à la reconnaissance des cultures indigènes. Pour l’heure, rien n’est encore fait. 

Un mouvement critiqué

Le mouvement indigène a été critiqué sur plusieurs points, notamment sur le fait de s’être autoproclamé « national » alors qu’il ne comprend que le sud du Mexique.  Par ailleurs, ses revendications sont floues. Certains intellectuels ont dénoncé l’absence de projet culturel clair et de fait une projection difficile dans le futur. Enfin, le mouvement s’est rapproché de la gauche mexicaine par le passé, et on lui reproche de ne pas défendre les intérêts de toutes les communautés indigènes. 

Si les revendications indigènes ont peu de chances d’aboutir, c’est surtout qu’elles prennent le contrepied du modèle de développement occidental que le gouvernement mexicain défend. Il semblerait que les peuples indigènes ne cherchent ni à freiner le développement scientifique ou technologique, ni à obtenir le pouvoir. Ils lutteraient en fait contre les excès du néolibéralisme économique et contre un Etat homogénéisateur.

Au Mexique, la EZLN a marqué le début d’une réflexion sur la valorisation des dynamiques humaines, avant les dynamiques de marché. La culture indigène représente une autre alternative face au paradigme de la pensée politique, sociale et économique contemporaine. Le mouvement est une source de réflexion, voire un modèle de résistance, pour les sociétés d’Amérique Latine.

Traduit de l'espagnol par Mathilde Mossard

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