Faut-il couper la tête aux rois?

22 Janvier 2013



L'Europe compte douze monarchies, dont sept sont membres de l'Union Européenne. Mais quel est leur véritable rôle ? Ont-elles un pouvoir conséquent ou ne sont-elles que le vestige d'une époque révolue ? Retour sur un sujet... royal.


Henry VIII, roi en avance sur son temps...
Henry VIII, roi en avance sur son temps...
Espagne, Grande-Bretagne, Vatican, Andorre, Liechtenstein, Monaco, Pays-Bas, Danemark, Norvège, Suède, Belgique et Luxembourg. Oui, mais encore ? Ces douze pays ont la particularité d'être dirigé par un monarque, et d'avoir su conserver leurs familles royales à travers les âges. Mais quelle est leur véritable utilité ?

Symbole de l'unité nationale

Le pouvoir du souverain réside avant tout dans le symbolisme. C'est la clef de voûte de l'unité nationale, s'imposant comme un arbitre suprême. Bien au-dessus des partis, il est le porte-drapeau de la nation, l'incarnant au plus haut point. Il personnifie l'État. 

Le plus attrayant au sein d'une monarchie, c'est cette neutralité politique qui permet au souverain de se dégager de l'emprise des partis. Comme lors d'un match opposant deux équipes, il ne serait pas membre de l'une d'elles, mais bien l'arbitre dirigeant la compétition, sortant de sa réserve pour siffler lors d'un hors-jeu. Le monarque a, entre autres, l'obligation de dénouer les crises.

Certains républicains pourraient crier à l'anachronisme historique. Ils font fausse route. Les monarques demeurent des repères d'une unité, de valeurs, d'une histoire passée, qui nous apprend à aller de l'avant. Dénouer des crises ? Oui, c'est leur rôle.

La plus emblématique - et surement l'un des gestes le plus marquant du XXème siècle - restera le coup de maître de Juan Carlos après la mort du dictateur Franco. Juan le Bref, désigné comme successeur par Franco en 1975, avait la réputation d'être un idiot, tôt ou tard condamné à l'exil, ne passant ses journées qu'à jouer au golf. Mais le descendant direct de Louis XIV cachait sa véritable ambition : le retour à la démocratie. "La Couronne, symbole de la permanence et de l'unité de la patrie, ne peut tolérer en aucune façon des actions ou des attitudes d'individus qui prétendent interrompre par la force le processus démocratique", lance-t-il à la télévision, sanglé dans son uniforme de chef des armées.

La démocratie, sauvée par la monarchie ? Et pourquoi pas ? En 1967, le roi Constantin II de Grèce aura essayé en vain de briser un coup d'État, qui échouera pour laisser place à la dictature des Colonels. Pour quel motif ? Protéger la démocratie.

Faut-il couper la tête aux rois?
Quant aux crise politiques récentes, le roi Belge Albert II semble tout indiqué. Entre les Wallons et les Flamands, le monarque s'identifie comme le dernier des Belges. Détenteur du pouvoir exécutif fédéral, il nomme et révoque les ministres : il a donc un grand rôle dans la formation du gouvernement, ce dernier devant toutefois obtenir la confiance du Parlement. Le roi exerce également le pouvoir législatif fédéral, en sanctionnant et promulguant les lois votées par le Parlement fédéral. Selon Renée Claire dans Le château des Belges. Un peuple se retrouve, le roi est le "représentant symbolique de la conscience et de l'identité collectives de la Belgique".

Les rois auraient donc avant tout une responsabilité morale, comme la reine Margrethe, souveraine du Danemark, ou le roi Harald V, monarque de la Norvège, qui s’était précipité au chevet de son pays, au lendemain des deux attentats simultanés du 21 juillet, à Oslo et sur l’île d’Utøya, qui avaient fait 76 victimes.

Mais derrière un rôle essentiellement symbolique, ils gardent une part de pouvoir politique, signant les lois et nommant les chefs de gouvernement.

Un coût ?

Sauvegarder une famille royale, est-ce un coût ? Eh bien non ! Herman Matthijs, professeur d’administration et de finances publiques à l’Université de Gand, spécialiste du coût de fonctionnement des États, vient de publier son sixième rapport sur le coût des chefs d’État européens. Alors que la reine Beatrix et ses enfants coûtent chaque année aux Néerlandais, 39,4 millions d’euros, le chef de l'État Français coûte 112 millions d'euros au contribuable.

La monarchie, qui plus est, attire de nombreux touristes, comme nous avons pu le constater lors du mariage de Kate Middleton et du prince William. Car non, les touristes ne viennent pas en Grande-Bretagne pour son soleil et ses belles plages !

La royauté, plus moderne que la république ?

La famille royale de Suède, descendante de Jean-Baptiste Bernadotte, maréchal d'Empire né en France
La famille royale de Suède, descendante de Jean-Baptiste Bernadotte, maréchal d'Empire né en France
Les pays monarchiques se révèlent finalement bien plus modernes que les républiques. Les pays scandinaves ou britanniques sont de véritables fer-de-lance de la modernité. Toujours en avance sur nos mœurs, comme avec le mariage homosexuel reconnu aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne, en Suède, au Danemark et en Belgique. Symbole d'une cohésion sociale, les monarchies, innovantes, donnent l'exemple en se modernisant au sein même de leur famille.

Désormais, les femmes prennent une place croissante, les reines étant de plus en plus nombreuses à prendre le pouvoir via des révisions constitutionnelles. S'ensuit une démocratisation du mariage, où l'on voit davantage de roturières et roturiers devenir princesses ou princes, à l'instar de Kate Middleton, ou du prince Daniel Westling, époux de la princesse héritière Victoria de Suède.

Mais la monarchie est-elle vouée à disparaître ? Non, elle possèderait encore un avenir... Les monarchies autrefois régnante et désormais déchue, avaient pour ennemi les révolutions et les guerres. Notre société n'est plus en proie à ce genre de contextes - du moins, en Europe - ce qui permet aux familles royales de ne pas avoir peur. Cependant, la réponse est moins évidente pour la Belgique. Certains pensent qu'après la mort d'Albert II la couronne tombera, la faute de l'impopularité de son successeur auprès des Flamands.

Républiques ou monarchies, les avis sont partagés. Quant à la question du retour d'un roi en France, la réponse négative reste catégorique. Mais si certains restent nostalgiques, les Français choisissent de nommer leur roi à eux : le Président !

Et les royautés sont loin de disparaître, car, comme on dit, les rois ne meurent jamais.

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Geoffrey Saint-Joanis
ex-Rédacteur en chef du Journal International, accro à l'histoire des monarchies européennes, aux... En savoir plus sur cet auteur



1.Posté par Guillaume DE STEXHE le 21/10/2013 18:03
Je poursuis ma découverte de ce journal. Pour cet article...mwais... on pouvait s'attendre au pire sur ce sujet; en gros ça me semble passable, malgré un premier défaut: ce n'est qu'un plaidoyer unilatéral pour la monarchie, sans écho à l'argument fondamental contre elle: un pouvoir acquis par simple droit de naissance, sur base biologique. Opinion autant qu'information, donc. Attention: leur distinction est la base du journalisme !
Ceci dit, il y a aussi de gros à peu près, qui risquent de former un contre-sens global:
a) en Belgique (comme dans d'autres pays), selon le texte de la Constitution, "le roi nomme et révoque les ministres fédéraux" (comme il nomme d'innombrables fonctionnaires), mais ce n'est plus qu'une fiction juridique. Il se borne en fait à signer la liste de noms présentée par le formateur du gouvernement
b) son véritable en rôle (en Belgique en tous cas; mais je crois que c'est plutôt une exception) est de piloter le processus de formation du gouvernement fédéral, en sondant les possibilités et en nommant informateur, médiateur, etc..., et finalement formateur du gouvernement qui se présentera devant les chambres pour le vote de confiance
c) à part cette gestion de la navigation entre deux gouvernements, de façon générale, et sans AUCUNE exception, le roi ne peut poser aucun acte, y compris ses propres discours "personnels" sans l'accord du gouvernement, qui en prend la responsabilité de façon à en décharger le roi (cela s'appelle "couvrir la couronne"). Et tant qu'un nouveau gouvernement n'a pas été formé, c'est l'ancien qui assume cette responsabilité. Il est donc complètement fantasmagorique d'écrire qu'il "détient le pouvoir exécutif fédéral" autrement que de façon fictive. Selon la formule conscrée: le roi règne, mais ne gouverne pas.
d) la réalité du "pouvoir" royal, ce n'est rien de plus que ce qu'un bon analyste (l'historien J. Stengers) a appelé "une magistrature d'influence": c'est par ses innombrables contacts toujours discrets ("le secret du colloque singulier") que le roi devient un puits d'information et éventuellement - cela dépend de sa jugeotte et de ses capacités relationnelles - un discret conseiller pour les politiques, et parfois pour les autres aussi.
Un dernier détail: depuis la parution de votre article, le fils du roi Albert II lui a succédé, et les choses se sont passées tranquillement. On verra en juin 2014, après des élections où le destin de la Belgique pourrait basculer ...

Prenez ces critiques comme un coup de main pour votre intéressante entreprise !

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