Florence Cassez, une vérité secondaire

Matego C'mon, correspondant à Mexico (Mexique)
20 Février 2013



Le Mexique, nation riche en folklore, a développé une image positive dans le monde en exportant son exotisme et son originalité, tout en gardant dans le même temps ses « autres traditions ». Or, celles-ci occultées au milieu de l’opacité, de l’oubli, du silence victimaire, de la corruption et du népotisme, laissent apparaître au grand jour un système politique, juridique, économique et social corrompu, dont la difficile compréhension n’est pas liée à sa composition mais bien à ses incongruités, à ses incohérences et à sa bureaucratie.


Florence Cassez, une vérité secondaire
Le cas de la Française Florence Cassez illustre les nombreux problèmes que connaissent l’Etat, le système et le gouvernement mexicains dans l’exercice de la justice et de la sécurité, ainsi que dans la consolidation de la démocratie mexicaine. D’abord condamnée à purger 90 années dans une prison sous haute surveillance à Tepepan, dans le District de la ville de Mexico, pour enlèvement et crime organisé, sa peine sera revue à la baisse quelque temps après, passant à 60 années.

Pourtant, et en raison des différentes opinions rencontrées, on ne peut négliger et encore moins oublier l’existence de faits indirects, tant au niveau international que local, et qui représentent un facteur primordial pour se rapprocher de la « vérité » dans l’analyse du cas Florence Cassez.

Tout d’abord, des irrégularités lors de l’arrestation sont à observer. La mise en scène de celle-ci un jour après avoir réellement eu lieu, ou encore la réalisation de la chaîne de télévision Televisora, revèle une intervention manipulée et tronquée. Tout ceci, au-delà du scandale généré, représentait alors la principale preuve de sa culpabilité. S’y ajoutaient les malversations à la lumière des contradictions, et des incohérences des témoins disant être « victimes » de Florence Cassez.

Les enjeux internationaux autour de l'affaire Cassez

Il faut aussi analyser la scène nationale et internationale de l’époque (2005). Le président mexicain Felipe Calderon Hinojosa était jugé sur la mauvaise mise en oeuvre de sa guerre contre le narcotrafic censée freiner le crime organisé et les cartels de la drogue. Quant à Nicolas Sarkozy, impliqué dans des scandales, déclarations et diffamations, sa réputation s'en trouvait discréditée. De lourdes tensions politiques en perspective. L'histoire s’est rapidement politisée, les deux chefs de file cherchant à prouver leur légitimité pour faire remonter leur cote de popularité. Le cas Cassez s'est donc transformé en « cerise sur le gâteau », l'occasion idéale de prouver sa crédibilité.

Le président français voulait voir la libération de Florence Cassez, pendant que le chef d'Etat mexicain avait besoin de sa condamnation définitive : tous deux pour consolider leur campagnes de popularité. Bien évidemment aucun n’allait céder du terrain. Le conflit a été officialisé lorsque le gouvernement mexicain a violé la Convention de Strasbourg, en refusant l’extradition de la Française. Elle a été condamnée à purger sa peine au Mexique, ce jugement allant à l'encontre de la promesse faite par le président mexicain quelques semaines auparavant.

Aux intérêts politiques internationaux, il faut ajouter le fonctionnement d’un système judiciaire mexicain incapable de s’administrer et de rendre justice. Ce système ne satisfait que les besoins d’un groupe politique complice, au service de groupes criminels qui prévalent et administrent le Mexique. Ainsi, la citoyenneté n’a ni de valeur dans le système ni le soutien de la justice.

Il s’agit simplement d’analyser le fonctionnement du système judiciaire pénal mexicain pour comprendre l’existence de ses déficiences dans l’exécution et l’administration de la justice. En effet, la parole de l’accusée face au juge est substituée par un dossier écrit, privé et limité dans son interprétation. Le jugement oral est inexistant et seul le jugement « lu et écrit » prévaut, et ce jusqu’à la corruption, le népotisme, le trafic d’influence et les complicités dans l’exercice de la justice.

À cela s’ajoute les fonctionnaires peu professionnels dans leur travail, ainsi que des agents judiciaires et des policiers peu engagés dans leur profession. Dans ce climat d’impunité, le délinquant qui peut payer est celui qui obtient sa liberté. Les citoyens mexicains n’ont plus confiance dans ces institutions, dans les lois et leur application. Les Mexicains vivent dans la peur, conscients qu’à n’importe quel moment ils peuvent être soit victimes d’un crime qui ne sera probablement pas résolu, soit inculpés pour des faits dont ils sont innocents. Et les exemples ne manquent pas.

Malheureusement, les négociations informelles à l’intérieur même du système judiciaire pénal mexicain ont toujours été déterminantes dans son fonctionnement. La vérité représente un risque politique, économique et social. En face, le mensonge et l’impunité représentent une « sortie facile » face à une situation compromettante. La répression et les violations des droits de l’Homme et des droits civiques sont le principe de base pour sanctionner un délit, et les pots de vin deviennent la tranquillité du délinquant. Voilà comment le Mexique vit : sous la pression et la tension d’un système et d’un Etat, incapables de satisfaire les besoins primordiaux de ses citoyens : la Justice et la Sécurité.

Ainsi, déterminer l’innocence ou la culpabilité de Florence Cassez libérée le 23 janvier dernier, devient secondaire. Sa libération a été un fait important, bien que trop exploité. Donner suite à son cas se ferait non pas en se concentrant sur son innocence ou sa culpabilité, mais sur des faits découverts impliquant des figures politiques de haut rang. Parmi ces noms, Gerardo Garcia Luna, ex-secrétaire de la Sécurité publique mexicaine et ex-directeur de l’ancienne Agence Fédérale de Recherche (AFI), la complicité d’entrepreneurs importants, comme Eduardo Margolis, voire le frère de Florence, Sébastien Cassez. Sans oublier les disparus : Ezequiel Elisalde, Israel Vallarta et les possibles autres victimes et coupables.

Enfin, les Mexicains comme les étrangers s’interrogent : quelle est la justice et quels sont les droits, fondamentaux et civiques, que l’Etat et le gouvernement mexicains offrent à ses citoyens ? Et quels droits et quelle justice les citoyens mexicains méritent-ils ?

Traduit de l'espagnol par Mathilde Mossard

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