François Hollande au Maroc : enjeux d’une première visite

4 Avril 2013



Les 4 et 5 avril, François Hollande est en visite officielle au Maroc, visite pendant laquelle l’enjeu repose sur le resserrement des liens diplomatiques, mais aussi économiques et commerciaux.


Photo Reuters
Photo Reuters
François Hollande entame sa première visite officielle de deux jours au Maroc. Ce déplacement sera très chargé puisque durant son séjour, il rencontrera le roi Mohammed VI, puis le chef du gouvernement marocain avant de prononcer un discours devant les députés du Royaume.

Ces réunions constituent, en quelque sorte, une marque des relations historiques et très profondes entre le Maroc et la France. Le Maroc est le pôle d’investissement préféré des Français avec 750 entreprises implantées sur son territoire, de même que la France constitue l’allié stratégique et le premier partenaire économique et commercial du Royaume.

La visite du président français semble s’inscrire dans un cadre de courtoisie et de continuité. Pourtant, la situation n’est pas aussi simple. Au contraire, plusieurs observateurs estiment que les rapports entre la France et le Maroc ont connu un léger recul causé par des discordes entre les deux pays, principalement après l’élection de François Hollande à la tête de la France. D’ailleurs, l’ampleur des préparatifs au Maroc pour recevoir le président français témoigne de cette situation.

Le Maroc a toujours eu de bonnes relations avec les présidents issus de la droite, ce qui n’est pas le cas de François Hollande, président socialiste. D’ailleurs, ce dernier a réservé son premier déplacement en Afrique du Nord à l’Algérie, ce qui a été interprété comme un bouleversement de la diplomatie française qui aurait préféré le rapprochement avec l’Etat algérien au détriment de ses relations avec le Maroc.

Economiquement, on signale la montée en puissance de certains concurrents qui s’installent progressivement dans le marché marocain, notamment la Chine ou les Etats-Unis qui aspirent à renforcer leur présence en Afrique du Nord. Cette situation serait susceptible d’éjecter la France de sa place de premier partenaire économique du Maroc, engendrant par la même occasion la régression de l’influence française non seulement dans le Royaume, mais dans toute la région.
Autant d’éléments qui font que la visite du président français au Maroc dépasse le simple caractère de continuité. Alors, comment se justifie la visite du président au Maroc ?

L’analyse de l’évolution des relations entre le Maroc et la France montre que ce déplacement s’inscrit dans un registre d’innovation et de mise en place d’une nouvelle base de partenariat, c’est pourquoi le discours de François Hollande devant le Parlement marocain reste important et très attendu.

D’une manière générale, le président français désire donner un nouveau souffle aux relations Franco-marocaines en rétablissant la situation diplomatique et en restructurant le partenariat économique et commercial avec le Royaume marocain.

Un partenaire stratégique

Le déplacement de François Hollande au Maroc constitue l’occasion pour le président français de démontrer que les relations entre les deux pays sont au beau fixe et que le Royaume demeure le partenaire stratégique privilégié de la France. D’ailleurs, le roi Mohammed VI fut le premier chef d’Etat à être reçu à l’Elysée comme signe de la profondeur des relations entre les deux pays.

L’enjeu principal de la visite du président Hollande à Rabat et Casablanca consiste à « maintenir une relation de haut-niveau » entre les deux partenaires. Pour cela, le président français vient apporter son soutien aux réformes entreprises par le Royaume depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président Hollande a programmé une intervention devant le Parlement marocain.

Par ailleurs, l’autre enjeu diplomatique réside dans la volonté du président français de saisir les relations privilégiées avec le Maroc pour obtenir son appui dans la politique internationale de la France, notamment dans les dossiers les plus importants, principalement l’affaire malienne et la question syrienne. Il faut, pour cela, que les deux chefs d’Etats convergent leur, le soutien du Maroc demeurant primordial en tant que membre non permanent du Conseil de Sécurité.
Côté marocain, la visite du président français est considérée comme une occasion pour se procurer le soutien de la France dans des dossiers stratégiques pour le Royaume, notamment l’intégration maghrébine ou l’affaire du Sahara dont la règlementation devient de plus en plus complexe.

La visite du président français ne repose pas uniquement sur des enjeux stratégiques, elle comporte aussi un enjeu économique très important dont la portée consiste à renouveler l’approche partenariale avec le Maroc.

Renouvellement de l’approche partenariale

Le Maroc représente un objectif économique important surtout en ce contexte de crise économique. Il est courtisé par plusieurs puissances notamment la Chine ou les Etats-Unis, ainsi que par les pays émergents tels que l’Inde. Ce qui constitue une pression supplémentaire sur la France qui voit sa présence économique reculer.

Ce constat est confirmé par l’Espagne qui en l’espace d’une année a détrôné la France pour s’imposer comme premier fournisseur du Maroc. Une situation inacceptable pour le pays. Comme le souligne l’ambassadeur à Rabat Charles Fries, il ne s’agit pas de se « reposer sur nos lauriers » face à la concurrence subie actuellement pour investir dans le marché marocain.

De ce fait, la visite du président Hollande est inscrite dans ce cadre, puisque ce dernier, bien qu’il ne vienne pas pour conclure de gros contrats commerciaux, désire « réinventer » le partenariat avec le Maroc, conformément au plan stratégique établi lors de la réunion de haut-niveau entre les chefs des gouvernements des deux pays. En d’autres termes, le président français veut consolider le rôle d’arrière-cour de l’économie française, longtemps joué par le Maroc.

En vertu de ce plan stratégique, la France accordera un prêt de 280 millions d’euros pour financer des projets de développement au Maroc, touchant en particulier la formation professionnelle, le projet de Tramway Casablanca et la redynamisation des ports régionaux.
Il s’agit également pour le président français d’assurer l’avenir du partenariat économique et commercial entre la France et le Royaume. C’est la raison pour laquelle il est accompagné, dans ce déplacement, par plusieurs chefs d’entreprises et investisseurs français qui devront rencontrer leurs homologues marocains lors d’un forum organisé à cette occasion, en vue de renforcer l’esprit de coopération. L’objectif est de garder le leadership en Afrique du Nord, en renforçant la présence économique et commerciale de la France au Maroc.

La visite du président français se présente comme une tentative de réaffirmer son attachement au Maroc, de telle sorte que les relations entre les deux pays demeurent profondes et se développent dans un esprit partenarial fondé sur l’approche « gagnant-gagnant ».

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Mehdi RAIS
Doctorant en Relations et Droit Internationaux à l'Université de Rabat (Maroc) et membre du Centre... En savoir plus sur cet auteur