Guarani-Kaiowà, peuple menacé (2/3)

L'indifférence totale

10 Août 2015



À l'occasion du « sommet des consciences sur le climat », Valdelice Veron, leader Guarani-Kaiowá, est venue prononcer à Paris le 21 juillet dernier devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) un témoignage saisissant sur la situation de détresse dans laquelle se trouve son peuple, intitulé « Why do I care ». Après des années de combat dans l'indifférence générale, cela pourrait peut-être marquer le début d'une prise de conscience réelle de la communauté internationale à ce sujet. Toutefois, le chemin est encore long et l'opinion publique, loin d'être sensibilisée.


La situation des Guarani-Kaiowás se caractérise en grande partie par la solitude dans laquelle ils se trouvent pour mener leur combat. Que ce soit sur le plan local, national ou international, ils sont délaissés des autorités.


Une police locale corrompue

Dans le Mato Grosso du sud, la corruption est très présente. Selon des témoignages Guarani-Kaiowás, la police n'intervient que très rarement pour les protéger, lorsqu'elle ne prend pas elle-même part aux actes de violence à leur encontre. « La police locale ne prend jamais leur plainte, s'indigne Gert-Peter Bruch, président de l'association Planète Amazone, contacté par le Journal International. Les gens sont assassinés, mais ça ne sert à rien qu'ils aillent au commissariat, on ne prend même pas leur plainte ». Face aux difficultés pour se défendre à l'échelle locale, les indigènes tentent donc de faire de leur problème une affaire nationale, afin d'obtenir un soutien du gouvernement.


Dans le film « Alliança » de Gert Peter Bruch, Valdelice Veron mettait notamment en cause des rapports mensongers du gouvernement. Ils indiquaient que des paniers alimentaires avaient été distribués aux indigènes, ce que la leader Guarani-Kaiowá dément. Lorsque nous interrogeons Gert-Peter Bruch à ce sujet, il répond : « Le fait que le gouvernement mente au Brésil, c'est permanent. Si vous les écoutez, ils vous diront que tout va bien, qu'il n'y a pas de problème indigène, que le problème Guarani-Kaiowá n'existe pas. Entre ce que promet le gouvernement, ou ce qu'il affirme faire, et la réalité, il y a un gouffre. C'est systématique ».


Les Guarani-Kaiowás reprochent également à Dilma Rousseff, à la tête du pays, de retarder l'application de la loi de 1988, qui vise à protéger les indigènes de l'accaparement illégal.


Une politique sociale limitée par les alliances politiques et le lobbying fermier

Sur le plan politique, l'incapacité de la gauche brésilienne à instaurer une véritable politique sociale semble être une des nombreuses causes de la situation des indigènes. Le journaliste brésilien Fillipe Mauro, interrogé par le Journal International, justifie l'inefficacité de la gauche brésilienne par le fait qu'elle a dû faire un trop grand nombre de concessions au centre et à la droite pour se maintenir au pouvoir. Il conclut : « Le résultat, c'est un gouvernement qui a été capable de changer une partie de la structure économique et sociale brésilienne, mais seulement tant que cela ne touchait aux intérêts des groupes privilégiés, comme les fermiers, qui aujourd'hui attaquent les Guarani-Kaiowás ».


Les médias brésiliens peuvent aussi être considérés comme responsables de l'indifférence de l'opinion publique à l'égard des indigènes. Très peu de journalistes se spécialisent sur le sujet. De nombreuses informations erronées sont donc diffusées par des médias qui s'intéressent peu au sujet. Fillipe Mauro explique que les Guarani-Kaiowás ont beaucoup fait parler d'eux en 2012. Les médias se sont à l'époque emparés du sujet. La presse était alors divisée, notamment entre gauche, en faveur des droits des indigènes, et droite, pour le droit à la propriété privée des fermiers. Cette division laissait l'espoir que les Brésiliens puissent se faire librement leur propre avis. Il ajoute que l'affaire a par la suite disparu progressivement des médias.


Le journaliste souligne que « du point de vue historique, [le débat] intègre une longue série de massacres et d'irrespects contre les peuples indigènes et leur droit de survivance culturelle ». Il faut toutefois noter que quelques journalistes brésiliens se spécialisent sur les indigènes, à l'image notamment de Felipe Martinez qui consacre un blog sur le site Carta Capital à ce sujet.


Confrontés à l'indifférence dans leur pays, les Guarani-Kaiowás se tournent vers l'étranger pour tenter d'obtenir des pressions internationales sur les dirigeants brésiliens.


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