Guerilla gardening : des légumes à l’assaut du bitume

2 Juillet 2015



L’impact de la « malbouffe » et l’accès aux légumineuses parfois difficile dans les milieux urbains ont eu raison de la patience de beaucoup de citadins dans le monde. Depuis plusieurs années déjà, des justiciers du potager se sont lancés dans une guerre sans merci contre les désastres diététiques du XXIe siècle à travers le guerilla gardening.


Crédit : audioboom.com
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Le 25 mai dernier la police de Berlin a découvert environ 700 plants de cannabis illicitement plantés dans un parc du quartier de Köpenick. Ces cultures sauvages -et ici illégales- dans les espaces verts publics sèment le doute : s’agirait-il de guerilla gardening ?

Le principe est rudimentaire : il consiste à cultiver ses propres fruits et légumes. Mais c’est son aspect non-encadré qui rend le guerilla gardening séduisant et qui lui vaut aujourd’hui un immense succès. De leur forme la plus sophistiquée tels que les « community gardens », où voisins et amis se retrouvent pour cultiver leurs légumineuses, aux bandes de terre le long de la chaussée, les espaces verts en milieux urbains sont devenus le terrain de jeu des adeptes d’un concept centenaire.

De la pratique agricole au concept anarchique

En effet, le guerilla gardening est plus ancien qu'on ne le croit. Richard Reynolds, un célèbre guerilla gardener britannique, affirme dans son livre On Guerilla Gardening que le concept est déjà vieux de plus de 360 ans. C’est néanmoins dans les années 1970 qu’il a sérieusement pris racine et a envahi le bitume des rues des grandes métropoles. Au cours des dix dernières années, le phénomène a fait sa petite révolution et fait aujourd’hui fureur, notamment en réaction aux ravages de la malbouffe et de pratiques agroalimentaires néfastes pour la santé.

Ron Finley a d’ailleurs décidé de faire du guerilla gardening son combat. Cet américain originaire d’un quartier sensible de Los Angeles s’est vu attribuer par les médias le patronyme de « légende » du mouvement. Même s’il semble vouloir s’éloigner de ce rôle de leader, Ron Finley prône haut et fort à quel point il est essentiel que les citadins prennent les armes -leurs pelles et leur pioches- et cultivent leurs moissons.

Il y a un peu plus de cinq ans, le quadragénaire, las d’assister aux désastres de la junk food, d’observer le fléau de l'obésité morbide et la disparition des vélos au profit des scooters électriques, a décidé de lancer sa propre « éco-lution ». Malgré l’interdiction de l’activité considérée comme illégale par l’administration de sa ville, Finley et son association LA Green Ground ont finalement réussi à sauver le projet grâce à une pétition aux larges échos et ont pu continuer à réveiller les consciences et cultiver leurs légumes sur des bouts de trottoirs.

Une « éco-lution » aux désagréments urbains

Crédit : speakerdata.S3
Crédit : speakerdata.S3
A travers cet activisme écologique se dessine un objectif bien défini : celui de permettre à tous d’accéder aux plaisirs de l’autosuffisance. Pour Finley « planter sa propre nourriture, c’est comme imprimer sa propre monnaie ». Les guerilla gardeners aspirent cependant à de plus grandes réussites. Ils croient en l’effet thérapeutique du jardinage : par son biais s’enseignent les bienfaits de l’équilibre alimentaire et de la consommation de produits biologiques aux nouvelles générations, elles qui dès le plus jeune âge sont victimes des prix bas des fast food.

Le community gardening initie selon eux un sentiment de communauté de quartier, d’échange entre des voisins et amateurs du potager autour de la bonne cause dans ces espaces que Finley appelle les « food deserts ». Il le mentionne dans son apparition lors d’ un TedTalk : « Je n’ai pas peur que les gens me volent mes légumes, c’est pour ça qu’ils sont dans la rue ! ».

Les réseaux de guerilla gardening permettent de soulever la question du manque d’espace en milieu urbain, et surtout du manque d’espaces verts. Le phénomène de surpopulation et de paupérisation de banlieues périphériques aux grandes villes est un problème croissant, et plus ou moins sévère selon certaines métropoles, que les guérilleros du râteau tentent de résoudre à leur échelle.

Le guerilla gardening a certainement pris un tel essor depuis les dix dernières années en raison de sa triste contemporanéité : il vit avec son époque, celle où il est parfois moins cher de manger chez McDonald’s que de consommer cinq fruits et légumes par jour. Cela est peut être la raison même pour laquelle on retrouve des guerilla gardeners sur tous les continents. Les criminels du jardins forment aujourd’hui une armée à l’échelle internationale, de Londres à Sao Paulo, de Toronto à Istanbul, et tentent de rendre le quotidien culinaire un peu plus sain et coloré.

Pour certains, ces moissons sauvages sont la traduction directe d’une société qui n’obéit plus à la règle du vivre ensemble, et pour d’autres, elles sont devenues indispensables. Davantage qu’une voie vers la gratuité -Ron Finley dit lui même que « la gratuité n’est pas durable »- le guerilla gardening « c’est utiliser la terre comme une toile pour exprimer son art ».

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Mathilde Grenod
Master's student in New Media and Digital Culture at the University of Amsterdam. Spending my free... En savoir plus sur cet auteur