Haschich libanais : à qui profite le trafic ?

Stanislas Petit
28 Juillet 2016



L’instabilité politique et les conflits dont souffre le pays permettent aux trafiquants de cannabis de développer leurs activités sans être réellement inquiétés par les autorités. Le Hezbollah semble lui aussi proche de ces activités.


La plaine de la Beeka, berceau du trafic de cannabis libanais. Crédit Karin Jain (Flickr).
La plaine de la Beeka, berceau du trafic de cannabis libanais. Crédit Karin Jain (Flickr).
La culture du cannabis libanais, célèbre pour sa qualité supérieure et exporté dans le monde entier, est une tradition séculaire. Prohibé en 1926, sa culture a pourtant été encouragée et taxée par le gouvernement syrien lors de l’occupation entre 1975 et 2005.

Le conflit syrien propice au trafic

Depuis les années 1990, une politique pour éradiquer cette industrie a été mise en place par les autorités libanaises. Entre 1991 et 1994, 30 000 hectares de cannabis ont été détruits. La société Sensi Seeds, spécialisée dans la vente de graines de cannabis, affirme sur son blog que les trafiquants les plus importants se seraient vus attribuer des sièges au gouvernement en compensation. Dans un même temps, des milliers de fermiers spécialisés dans la culture du cannabis ont été privés de leur source de revenu.

L'attention du gouvernement libanais est portée sur le conflit syrien, qui empiète sur son territoire. Cela pourrait faire les affaires des trafiquants. Le passage des frontières est facilité tout comme l’exportation du haschich vers l’international. Les réfugiés venus de Syrie représentent une main d’œuvre bon marché pour les producteurs de haschich libanais.

Le Hezbollah est en grande partie financée par le gouvernement syrien. Avec la guerre civile, la puissance financière de ce dernier s'atténue. L’organisation chiite aurait donc besoin de l’argent du cannabis pour continuer son développement.

Le Hezbollah lié au trafic ?

En 2001, le Hezbollah a pris position contre l’éradication des champs de cannabis dans la vallée. Il s’agissait officiellement de protéger le moyen de subsistance des fermiers. L’organisation est soupçonnée d’entretenir des cultures de cannabis dans les territoires alaouites syriens et d’y interdire l’accès aux troupes armées syriennes et libanaises.

Considérée comme terroriste par de nombreux États, elle nie toute implication dans le commerce de cannabis. Elle affirme s’opposer à la production et à la consommation de drogue. Selon l’Observatoire du Moyen-Orient, quatre agents du Hezbollah ont été arrêtés en France en janvier 2016, ils étaient suspectés de faire partie d’un réseau international utilisant des millions de dollars générés par le trafic de drogue pour financer les activités militaires de l’organisation en Syrie.

Des photos de Nouh Zeaïter, trafiquant de drogue multimillionnaire, en compagnie de combattants du Hezbollah ont été publiées sur les réseaux sociaux en 2015. Le bureau médiatique de l’organisation chiite a remis en cause la crédibilité de ces photos et nié tout contact avec les narcotrafiquants.

Le Journal International est parvenu à rentrer en contact avec un consommateur de cannabis résidant à Beyrouth qui a tenu à garder l’anonymat. Après de brefs échanges, il a coupé tout contact dès lors que nous avons abordé le possible lien entre le trafic de cannabis et le Hezbollah. La population libanaise est peu encline à s’exprimer sur les agissements du Hezbollah.

Affiche du Hezbollah à Baalbeek, au nord de la plaine de la Bekaa. Crédit yeowatzup (Flickr).
Affiche du Hezbollah à Baalbeek, au nord de la plaine de la Bekaa. Crédit yeowatzup (Flickr).
« Ce n’est pas un simple groupe terroriste, c’est un groupe politique respecté. Il fonctionne comme une sorte de mafia : on peut compter dessus pour nous défendre contre les attaques d’Israël et de l’État Islamique mais en échange il faut le laisser agir comme il le souhaite » nous confie Badir, étudiant libanais de 21 ans. D’après lui, le Hezbollah est un mal pour un bien pour la population libanaise. Il est à la fois apprécié et craint.

Une légalisation profitable aux paysans ?

Ali Shamas, cultivateur de cannabis de la plaine de la Beeka, a déclaré lors d’une interview que le Hezbollah voit d’un mauvais œil l’enrichissement des producteurs de haschich. Les habitants de la plaine ne disposent que de très peu de ressources. L’une des seules solutions pour subvenir aux besoins de leur famille est souvent de prendre les armes, renforçant les rangs des troupes armées du Hezbollah. L’enrichissement des cultivateurs menacerait donc le recrutement de soldats.

Estimant que cela bénéficierait aux paysans de la plaine de la Beeka, le leader du Parti socialiste progressiste libanais, Walid Joumblatt, s’est publiquement positionné, sur son compte Twitter, en faveur de la légalisation du cannabis, le 13 décembre 2014. Il a déclaré, le 15 avril 2016 lors d’une interview pour le journal national libanais L'Orient Le Jour : « Je le répète depuis un an déjà : cultiver le haschisch est une formule de relève économique pour la Bekaa, pour Baalbeck et pour le Hermel.»

Depuis 2000, la coopérative des Coteaux d'Heliopolis encourage les agriculteurs à remplacer leurs cultures illicites par de la vigne. Ce projet a connu du succès sans l’aide du gouvernement libanais qui n’a versé aucune aide pour soutenir les adhérents.


Notez