Himalaya : les eaux cristallines de la méditation indienne

Carnet de bord sur les traces du bonheur

6 Novembre 2012



Un voyage loin de Chennai, loin de la pollution, de l’air comprimé depuis des mois, une chance si immense de quitter les rues bruyantes, le chaos routinier habituel dorénavant. Un mot de plus du professeur organisant ce voyage paraissant si riche en émotions et en découvertes. Un profond « YES » se lisant sur nos lèvres, une envie irrésistible de quitter les habitudes prises depuis notre arrivée en Inde et se fondre dans une nouvelle aventure. Inconnue. Incongrue. Inattendue. Voici le récit d’un nouveau voyage, à la rencontre de nouvelles personnes, au détour de la nébuleuse Himalaya, dans l’illumination désertique des montagnes, dans la richesse d’une eau glacée d’un bleu lagon irrésistible, et dans ces couleurs dignes des fresques d’un artiste en plein émoi. Voici le chemin qui mène au paradis, l’ensoleillée anecdote d’un envoûtant parcours bercé par la douce musique du vent et des richesses naturelles se dévoilant…


Himalaya : les eaux cristallines de la méditation indienne
“I enjoyed present moments, otherwise we could be always caught in daily routine, Himalaya is a big present, I enjoyed every moment even 33 hours of train! “, Sarah

19-20 Octobre 2012 : « Nothing else matters…»

Sarah, on va être en retard!- Mais non ! Aie confiance en la magie du rickshaw ! – La mousson pointe le bout de son nez à Chennai désormais depuis quelques jours, les rues inondées par les pluies torrentielles contraint quelque peu nos démarches habituelles. Héler un tuk-tuk devient une affaire laborieuse en ce temps de polichinelle.  « 150 rupees to reach central station ! It’s raining Mam’ -  Are  you kidding me ? » et même la référence tamil habituellement si pratique, cette fameuse utilisation du « rumbervillai » ("c'est trop cher" en tamoul)  ne convaincra pas notre chauffeur. Ce soir-là, la volonté d’être à l’heure, l’empressement de rejoindre cette excursion et nos allures de chiens mouillés avec nos tuniques dégoulinant et nos cheveux trempés nous aura, il faut le reconnaître, tout bonnement appâtés. Moment crucial pour le bon déroulement de l’escapade. Négocier ? Aujourd’hui c’est oublié. Après tout c’est l’Himalaya qui nous attend et la trentaine de minutes pour atteindre le lieu sacré, la circulation chennayenne disparate dans les marées noyant sans doute les rats au passage, nos ventres criant famine et l’arrivée tardive du Tamil Nadu Express laisse déjà traîner un goût lyrique à notre incroyable épopée.

Les présentations sont faites quand le train démarre enfin. 33 heures pour rejoindre New Delhi, 1754 km à 9 dans une classe « sleeper » (classe la moins chère) collés-serrés devant partager un lit à deux ayant déjà du mal à contenir une place, tout autant d’heures assis dans notre minibus durant la semaine à voir défiler les paysages, à fermer les yeux pour le repos de l’âme, à penser afin de se nourrir de l’essence de notre esprit.

Himalaya : les eaux cristallines de la méditation indienne
L’aspect confortable pour les deux nuits à passer dans le train est oublié mais au fond, qu’est-ce qu’on peut s’en ficher, l’aspect matérialiste n’a aucun sens lorsque l’on doit faire travailler la puissance de son mental. Là résidera par ailleurs l’essentiel intérêt du voyage : appliquer mes cours de philo trois ans après avoir passé mon bac, trouver une allure de Diogène en regardant mon ami Ramswami étalé sur des journaux par terre en guise de matelas pour passer la nuit, à sentir mes cheveux s’engraisser sans toutefois pouvoir les laver tout de suite, à me laisser porter par des choses tellement moins futiles que l’apparence. Semblant tous avoir compris la signification « ôte-toi de mon soleil » sans amphore dans nos existences mais avec la volonté de passer une semaine où les besoins deviennent relatifs, où l’on peut bâtir son propre empire de recueillement, la purification de notre air s’avère déjà effective dans le train.

21 octobre 2012 : Les vagabonds de l’âme en plein cœur…

Un drogué errant fumant sa coc’ assis par terre, tout juste entré dans le train ; des hommes prenant des photos de nous endormies, les blanches si intrigantes particulièrement quand elles sont avec des Indiens, une hystérique hurlant « Reservation, reservation, reservation » à 3h du matin profitant d’avoir une certaine stature au niveau de l’organisation ferroviaire et pouvant corrompre les passagers en leur volant leurs meilleurs places sans craindre les représailles des autorités. L’arrivée à New Delhi n’est fort heureusement plus très loin. 7h du matin et la fraîcheur lourde de la capitale indienne avec sa poussière, ses mendiants, cette foule qui s’agite déjà si tôt, m’oppresse quelque peu. Pourtant, ce lieu a ce je-ne-sais-quoi qui m’attire.

Un vrai petit déjeuner nous est réservé chez un ami malvoyant de notre professeur et référent. 8h et nous voici revigorés par le tchaï, le muesli, le pain, les légumes mixés. La conversation s’enchaîne en anglais et en hindi, et nos mines fatiguées ne sont que plus étonnées non par les discours mais par la présence inhabituelle de la mayonnaise. Comme à l’accoutumée, nous sommes encore une fois accueillies ici comme des reines. Ce repas matinal me touche inexplicablement, certaines choses pourraient ne pas être décrites, certains trouvent peut-être frivole mon emportement pour cette nourriture donnée mais je crois qu’il est précieux d’en parler.

Himalaya : les eaux cristallines de la méditation indienne
Les rires de tous autour d’un repas gaiement préparé par cette personne si attentionnée m’ont fait frissonner. Le partage avec un tiers aussi insignifiant soit-il joue un rôle démesuré dans la recherche spirituelle que je m’apprête sur le champ à entamer. Arundhati me berce d’histoires hindoues en tout genre, m’offrant la chance de comprendre l’énorme portée de la méditation.

Le partage. Un des mots principaux de ce voyage. Partage de récits, partage de souvenirs, partage autour du silence, partage de nos cultures, partage de nos langues, partage de notre nourriture, de nos jeux, de nos lits, de nos diverses visions de la vie. Autour d’un repas, d’une table, tous affamés et à moitié endormis. Je comprends enfin la beauté du don réciproque. De ce début de virée, j’ai déjà tellement appris, dans nos rires et nos différences, j’y ai distingué bien plus que du respect et de la tolérance.

Le mini-bus nous réserve encore une dizaine d’heures de trajet jusqu’à Sri Nagar, discutant avec notre équipe de tout et de rien, de nos projets du lendemain, de la bouffe du soir peut-être. L’air est glacial mais la chaleur du groupe si heureux de parcourir cette authentique randonnée réchauffe l’atmosphère. Nous voici à l’entrée d’un mini-paradis, dans la ville qu’est fière de nous faire découvrir dans la nuit Arundhati. Si la douche semble primordiale (la transpiration et la puanteur ayant atteint un point de non-retour puisque nous sommes sales depuis trois jours), nous voici en train de racler l’eau gelée des seaux pour que nos corps retrouvent une odeur à peu près normale. Au péril de notre peau, nous nous sommes aspergés de gouttes givrées sous une température ambiante dans la chambre de moins de 10°C , écoutant une prière Sikh durant des heures encore. 23h, il est sans doute raisonnable d’aller se coucher dans la chambre non-chauffée. Vivifiée par la douche froide, assainie de toutes les ondes négatives tant l’ambiance ici est magique, je rêve de demain…

- Girls ! Today we earn one step ! We have a real bed for our own use !

Avoir un lit rien qu’à soi, c’est une étape qui, avant de me laisser sombrer dans les bras de Morphée, me remplit le cœur de joie…

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Florence CARROT
Etudiante en sciences politiques à l'Université Lyon 2 et ayant la chance de passer un an en Inde,... En savoir plus sur cet auteur