Isaac Asimov, 50 ans plus tard

Floriane Le Goff
16 Août 2014



Il y a un demi-siècle jour pour jour, l'écrivain de science-fiction mondialement connu s'était rendu à la Foire universelle de New York. Interviewé par le New York Time, il offrait à cette occasion sa vision du monde en 2014.


Crédit DR
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La paix par la compréhension, tel était le grand thème de cette exposition. Pour subjuguer les visiteurs, entreprises et scientifiques n'ont pas lésiné sur les moyens. En témoignent dans un premier temps les transports mis en œuvre pour accéder aux lieux. On ne pouvait s'y rendre à pied, moyen bien trop classique pour cet événement. En revanche, on avait la possibilité d'y accéder aussi bien en voiture qu'en hélicoptère ou bien encore grâce à un métro aérien créé spécialement pour cette occasion, rien que cela. Après un voyage dans les airs pour ceux qui en avaient fait le choix, une fois sur place, arrêter de s'émerveiller était impossible. La première chose que l'on pouvait voir était l'Unisphere, immense représentation de la Terre en acier inoxydable. 

En continuant la visite, on pouvait découvrir le Picturephone, l'ancêtre de nos appels visios, qui offrait aux sourds et muets l'occasion de converser à distance. On avait également la possibilité d'assister à la présentation des prémices de ce que pourrait être la marche aérienne. Pour cela, le spectateur était assis sur une tribune qui pouvait se déplacer, monter et descendre dans les airs. Parmi les entreprises mises à contribution, General Electric et Ford offrent aux personnes deux grandes attractions. Le premier propose le Carrousel du Progrès, qui explore l'évolution technologique du foyer du 20ème siècle et au delà. On peut y admirer un futur constitué de cités sous-marine et où marcher sur la Lune serait un jeu d'enfant. Ford propose quand à lui de faire revivre l'Histoire de l'Homme de ses premières inventions jusqu'à 1964 sur une « autoroute magique » grâce à des automates plus vrais que nature. Ainsi on pouvait apercevoir deux grands dinosaures se battre entre eux. Le monde du futur imaginé excluait la possibilité d'une guerre nucléaire.

Parmi les nombreux visiteurs s'étant promenés dans ses allées, la Foire Universelle a donc accueillit l'écrivain Isaac Asimov. Né en 1920, de nationalité russe mais ayant passé la majorité de sa vie aux États-Unis, il commence à écrire de la science-fiction pour différentes revues, dont notamment Astounding Stories, très connue à l'époque. Parallèlement, il obtient à la fin des années 40, un doctorat en biochimie, domaine qu'il laissera de côté au vu de sa forte notoriété littéraire. Il laissera la science-fiction de côté dans les années 60 pour se spécialiser dans la vulgarisation scientifique. Néanmoins, il reviendra à son premier genre littéraire les dernières années de sa vie.

On retrouve dans ses œuvres les thèmes récurrents des robots et de la psychohistoire. Cette science qu'il invente pour les besoins de ses œuvres, consiste à prédire l'Histoire à partir des connaissances sur la psychologie humaine et des phénomènes sociaux. 

Un monde de technologie ?

Lorsque le New York Times l'a interrogé, qu'a-t-il pu répondre ? Est-ce que cela s'est avéré exact ?

Force est de constater qu'il avait vu relativement juste. Certains points n'ont cependant par encore trouvé leurs places dans notre monde, à supposer, pour le moment. Commençons donc par ce qui semble sans aucun doute bien provenir d'un esprit d'écrivain de science-fiction. Des tubes à air comprimé transporteraient sur de courtes distances divers matériaux. Nos voitures auraient la capacité de voler. Les câbles électriques n'auraient plus lieu d'exister car ils seraient remplacés par des batteries nucléaires à longue durée. Communiquer entre la Terre et la Lune serait monnaie courante grâce à des faisceaux lasers disposés dans des tubes pour éviter d'éventuelles interférences. Nos cuisines seraient capables de créer des autos-repas. Nos fenêtres, devenues archaïques, auraient la faculté de créer des paysages.

Mis à part cela, Isaac Asimov voyait pour nous un monde clairement dominé par la technologie. Les robots seraient bien présent, peu nombreux mais avec la possibilité d'avoir une forme humanoïde. Ce qui s'est avéré exact, en juin dernier deux d'entre eux ont fait leur premier pas au JT japonais en tant que présentateur. Des satellites nous permettraient de pouvoir communiquer partout dans le monde et nous aurions la possibilité de nous voir lors de nos communications. Bien que très cher lorsque l'on ne possède pas un forfait international, communiquer n'importe où tant que l'endroit est couvert par le réseau est possible et grâce à des logiciels comme Skype, nous pouvons avoir des conversations en face à face à distance. Films et téléviseurs en 3D existeraient et actuellement, les premiers sont désormais légion dans nos salles de cinéma, les seconds commençant leur percée sur le marché de l'audiovisuel.

Nos voitures seraient équipées de « cerveau-robot » permettant de choisir par avance une destination. A défaut de pouvoir voler, nos voitures actuelles sont pour une majorité désormais équipées de GPS. L'aviation serait un moyen de transport très usité. Désormais courant, il reste tout de même moins utilisé que la voiture ou encore le train. Les foyers seraient équipés de telle sorte à ce que nos tâches domestiques soient facilitées. Ainsi, il y aurait des machines préparant le café, réchauffant eau et aliments, conservant nos denrées périssables... Là dessus, il avait vu juste, machines à café, bouilloire, micro-onde, réfrigérateur... sont devenus monnaies courantes dans nos maisons. Mais seule une partie du monde aurait le droit à toute cette technologie de pointe.

L'écrivain s'est également penché sur le devenir sociologique de notre monde. Là encore, il ne s'est guère trompé à quelques détails près.

Le monde souffrirait d'ennui chronique ce qui ferait de la psychiatrie la science psychologique la plus répandue. Peut-on affirmer qu'il ait tort ? Est-ce l'ennui qui a poussé certaines personnes à avoir des idées telles que s'enflammer littéralement ou encore torturer des animaux tout en se filmant puis en postant le résultat sur internet ? Nous serions 6,5 milliards d'êtres humains et ceci entraînerait l'Homme à créer des cités souterraines et sous-marine et une surveillance du taux de natalité. Pour la première partie, il se trouvait proche de la réalité. En effet, aujourd'hui nous sommes plus de 7 milliards. Quand à la seconde partie elle n'a pas été, encore, mise en application. Tous les pays ne sont pour le moment, pas concernés par la dernière partie. La Chine est cependant le pays le plus connu pour appliquer la loi de l'enfant unique. Cette augmentation significative entraînerait une production de masse agricole pour permettre de tous nous nourrir. La place de technologie dans le milieu scolaire serait également très importante et le niveau des élèves augmenterait, notamment en sciences, où les études du langage informatique seraient très poussé. Peut-on dire que le niveau scolaire a augmenté lorsque l'on peut voir qu'au baccalauréat en France, il est demandé d'ajuster le barème en fonction des notes obtenues dans un premier temps toutes filières confondues ? Quand à l'informatique, certaines peuvent proposer un cursus pour commencer à maîtriser les bases de son langage.

Tout serait automatisé, l'être humain ne serait plus utile dans le fonctionnement d'usine ou autre. Aujourd'hui on peut le voir, des caisses automatiques commencent à remplacer les caissières. Et comme cité plus haut, des robots ont commencé à prendre la place des présentateurs, jusqu'où la machine pourra remplacer l'Homme ? Le nombre de routes augmenterait et les forêts seraient détruites pour leur profit, les autoroutes seraient également surchargées. En témoignent les nombreuses manifestations d'associations écologiques contre ces déforestations.

La psychohistoire mise à l'oeuvre

C'est un futur relativement noir qu'Isaac Asimov nous prévoyait. Il est en revanche passé à côté de nombreuses choses importantes d'aujourd'hui. L'explosion d'internet, ses utilisateurs représentant actuellement 35% de la population mondiale. Mais aussi le grand écart social entre les classes moyennes et supérieures et le taux élevé de chômage. L'écologie est également passée à la trappe, devenu un enjeu mondial suite au réchauffement de la planète et à la trop grande utilisation de produits chimiques en agriculture, entre autre.

Comment est-il parvenu à penser que notre monde serait ainsi ? Pour commencer, l'événement marquant du début des années 60 était sans contexte Youri Gagarine, premier humain à s'envoler dans l'espace. Au vue des attractions proposées, nul doute que cet événement a fortement influencé l'écrivain et les scientifiques. Dans le milieu de la technologie, les ordinateurs faisaient leur début, des satellites étaient envoyés autour de la Terre... Il faut également se plonger dans le monde tel qu'il le connaissait. Du milieu des années 40 jusqu'au début des années 70, nous étions dans cette époque faste des 30 Glorieuses et du baby-boom qui voyait les pays développés connaître des taux de croissance économique très importants et sa population augmenter. Le taux de chômage était souvent inférieur à 2% et les classes moyennes s'enrichissaient. Cet enrichissement était marqué par un mode de vie en parti facilité grâce à l'acquisition d'appareils électro-ménagers tel que le réfrigérateur ou la machine à laver. L'agriculture commençait à utiliser des engrais chimiques et à produire massivement. Les populations rurales partaient pour les villes. Les États-Unis marquaient définitivement par leur puissance sociale et culturelle.  

Ainsi, prises dans le contexte socio-culturel où ces prédictions ont été émises, on peut considérer qu'elles sont la suite logique que l'on pouvait imaginer à l'époque, un progrès technologique qui ne cessait d'évoluer, une vie sans soucis pour les pays développés... Nul ne pouvait ou ne voulait, imaginer que quelques années plus tard, ce train de vie ne serait plus possible. Malgré ces quelques erreurs, les dires d'Isaac Asimov restent tout de même impressionnants.

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