Kazakhstan : l'or noir jaillit pour la première fois à Kashagan

Aipery Subankulova et Anatole Douaud, FranceKoul
23 Septembre 2013



Mercredi 11 septembre 2013, une première goutte d’or noir est remontée d’un des cinq puits ouverts sur les îles artificielles de Kashagan, le plus grand projet pétrolier des quarante dernières années. Une première goutte à près de 48 milliards de dollars - coût du développement extrêmement complexe et maintes fois retardé accusant 8 ans de retard.


Le site de Kashagan | Crédit Photo -- Les Echos, DR
Le site de Kashagan | Crédit Photo -- Les Echos, DR
Découvert en 2000 dans la mer Caspienne, le champ géant et stratégique de Kashagan est l’un des projets les plus complexes jamais menés par l'industrie pétrolière. Situé à 80km des côtes kazakhes dans le Nord de la Caspienne dans des eaux très peu profondes, le gisement n’est accessible que par des barges à fonds plats, spécialement conçues pour Kashagan. Elles gèlent durant l’hiver, subissant des mouvements de glace très puissants, ce qui a obligé les promoteurs à construire des îles artificielles avec des défenses spécialement conçues pour éviter qu’elles ne soient broyées par ces glaces. Les réservoirs qui contiennent le pétrole sont enfouis à 4 200 mètres sous très haute pression (770 bars) et contiennent de fortes proportions de sulfure d’hydrogène (environ 19%). Ce gaz est mortel pour l’homme, très acide et corrosif, ce qui nécessite des mesures de sécurité et des équipements très spécifiques. Le développement du Kashagan a été déjà nommé l’un de plus grands défis industriels connus dans le domaine du gaz et du pétrole, c’est pourquoi le début de production sur ce champ a été reporté plusieurs fois.

Le champ géant de Kashagan est géré par la North Caspian Oil Company (NCOC) qui regroupe de grandes compagnies internationales comme Exxon Mobile, Shell, ENI et Total - mais aussi la compagnie nationale kazakhe - KazMunaiGas - les Japonais de Inpex et tout récemment les Chinois de la CNPC qui reprennent les parts de ConocoPhilip s. La NCOC doit atteindre avant le 30 septembre prochain la cible des 75 000 barils de brut produit par jours sous peine de pénalités imposées par le gouvernement kazakh, rendu quelque peu nerveux après huit ans de retards. La production devrait ensuite atteindre les 180 000 barils/jours, et pourrait au plus fort de la phase de production atteindre les 1,5 million de barils/jours. Avec les 38 milliards de barils qu’il contient, Kashagan a le temps avant de se vider.

C’est un événement majeur pour le Kazakhstan, puisque le champ de Kashagan représente près de 40% des réserves découvertes et prouvées du pays. Le gisement doit inscrire le nom du Kazakhstan parmi les producteurs du pétrole les plus importants dans le monde. Pourtant les aspects économiques ne sont pas très positifs - 48 milliards de dollars ont été dépensés pendant les treize dernières années et le Kazakhstan attend avec impatience des profits déjà envisagés pour le développement économique du pays. La majeure partie des revenus en taxes et en retour sur investissements iront pour les Kazakhs dans le fonds national Samruk-Kazyna qui contient KazMunaiGas. La rentabilité du projet ayant coûté si cher est très incertaine, notamment pour les investisseurs étrangers. Il est pourtant d’un intérêt stratégique certain, grâce à l’éloignement des conflits du Moyen-Orient et de la stabilité si appréciée du régime de Noursultan Nazarbayev.

En effet, Kashagan est une solution d'approvisionnement en pétrole très appréciable en cas de conflit majeur ou de blocage des pays producteurs de pétrole. S’il y a le moindre problème, les réserves de ce champ pourront réguler les prix et satisfaire la demande et ainsi adoucir le monopole de l’OPEP. Reste un problème - et de taille - l’enclavement de la Caspienne et du Kazakhstan, qui n’est relié à aucun des grands océans mondiaux. Certes, différentes routes sont étudiées parmi lesquelles on trouve celle de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie vers la Turquie et les Balkans, mais les directions principales restent vers la Russie via l’oléoduc Atyraou-Samara et vers la Chine via des plusieurs pipelines Kazakhstan-Chine.

Les Chinois, qui viennent d’inaugurer la construction d’un des pipelines traversant le Kazakhstan pour rejoindre leur territoire, sont eux bien placés pour faire sortir - ou plutôt rentrer - le pétrole et le gaz kazakh sur leur immense marché gourmand en énergie. Cela explique le rachat des parts de ConocoPhilips dans la NCOC par la compagnie nationale chinoise (actée par le président chinois lui-même lors de sa visite à Astana). Évidemment, le potentiel de production pétrolière et gazière du Kashagan motive les Chinois à investir autant que possible pour ne pas perdre les sources d’énergie aux autres investisseurs, notamment à l’entreprise indienne ONGC ayant été intéressée par Kashagan.

Dans cette région complexe une compétition géopolitique entre les deux géants - Russie et Chine - ne laisse presque aucune chance aux autres projets tels que le pipeline Nabucco le nom duquel désormais n’est plus qu’un opéra italien.

Kazakhstan : l'or noir jaillit pour la première fois à Kashagan

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