L’Espagne, le pays de tous les possibles

18 Février 2013



Oui, l’Espagne vit actuellement la plus grave crise économique qu’elle n’ait jamais connue. Mais dans cette actualité sombre et inquiétante apparaît une nouvelle surprenante : un groupe américain, géré principalement par le milliardaire Sheldon Adelson, a confirmé la création d’un complexe géant de casinos dans la ville d’Alcorcon, près de Madrid.


Eurovegas
Eurovegas
L’objectif du projet d'Alcorcon est d’implanter un ensemble de douze hôtels, de neuf théâtres, de trois terrains de golf et de salles de congrès. L’Espagne n’est pas le premier pays touché par l'implantation d'un complexe de casinos ; Sheldon Adelson a déjà développé des projets similaires aux Etats-Unis à (Las Vegas), à Singapour et en Chine. Serait-ce un projet viable pour l’avenir du pays ?

Un remède pour l’emploi et le tourisme

Il est vrai que l’implantation de ces structures serait bénéfique pour créer de l’emploi à long terme. D’après Michael Leven, le numéro deux du groupe Las Vegas Sands, « cela devrait engendrer environ 40 000 emplois directs et 40 000 indirects », sachant que l’Espagne est le deuxième pays de l’Union européenne ayant le plus fort taux de chômage, après la Grèce. Un pays qui tente de se reconstruire et de sortir définitivement de la crise économique de 2008, sans pour autant avoir de réelles ressources nécessaires et fiables. A ce titre, la politique espagnole est depuis longtemps accusée d’affaires de corruption. L’ensemble de la population se méfie aujourd’hui de ses gouvernants, autant ceux du Parti Populaire (PP) que ceux du Parti Socialiste (PSOE). Comme nous pouvons nous y attendre, le Parti Populaire actuellement au pouvoir, soutient ce projet économique et commercial qu’il considère comme le meilleur remède pour créer de l’emploi. Une offre qui d’ailleurs leur semble également bénéfique pour rendre davantage attractif le pays, notamment dans cette périphérie qualifiée de ‘traditionnelle’.

Un programme économique contesté

Ce projet se veut être le remède pour apaiser les douleurs de la crise, mais il présente de nombreuses failles, que l’opposition n’hésite pas à dénoncer. En effet, Sheldon Adelson s’est dit prêt à investir entre 35 et 40% dans la première phase de ce projet. Mais qui va payer la suite ? "Concernant le reste du financement pour 2014, les banques nous ont dit qu'elles nous donneraient l'argent" souligne-t-il. Ces banques citées sont des banques américaines, asiatiques et espagnoles. Il paraît absurde que l’Espagne finance un tel projet alors qu’il y a encore moins d’un an, l’Union européenne lui venait en aide à travers "un sauvetage économique". L’opposition craint par ailleurs la création d’un paradis fiscal, permettant de détourner la législation et de favoriser le blanchiment d’argent. Un argument qui ne semble pas illégitime étant donné que le groupe Las Vegas Sands fait l’objet d’une enquête pour ces mêmes motifs. Une autre affaire de corruption s’annonce donc ? Ce qui est sûr, c’est que ce projet est loin de faire l’unanimité.

Construire pour mieux détruire

Ce complexe de casinos doit à priori s’étendre sur 750 hectares, afin de devenir le ‘Las Vegas’ d’Europe. Mais pour implanter ces infrastructures, encore faut-il trouver les terrains nécessaires. Comme le souligne le quotidien El País, l’implantation de ce projet suscitera sans équivoque la démolition de 30 000 habitations. Les Espagnols sont confrontés à de lourdes difficultés pour subvenir à leurs besoins, depuis que la crise de 2008 s’est abattue sur le pays. Les logements sont de moins en moins accessibles, les licenciements ne cessent de croître, et la plupart des jeunes commencent à perdre espoir. Déloger ces 30 000 ‘familles’ résonne comme un coup de massue supplémentaire. L’opposition ne dénonce pas seulement ce préjudice social, elle dénonce également un préjudice environnemental. Les principaux mouvements écologistes estiment qu’Eurovegas impliquerait « la surexploitation de ressources en eau, des dépenses énergétiques excessives, l’augmentation des déchets et la destruction du territoire ». Le journal Novethic, un média spécialisé dans le développement durable, ajoute que « les besoins en électricité seraient à peu près équivalents à ceux d’une ville de 676 000 habitants ».

La morale dans cette histoire

Créer de l’argent facile dans un pays de plus en plus confronté à la pauvreté a de nombreuses limites, dénoncées autant par l’opposition que par l’Union européenne. La plupart des citoyens désespérés pourront mettre tous leurs espoirs dans ce monde du jeu à outrance, dans le but d’obtenir de l’argent plus rapidement. Un univers qui ne s’apparente pas seulement à l’argent mais également à la luxure, par le développement de réseaux de prostitution, comme le craignent les opposants. Ce projet est donc loin de s’inspirer de la morale catholique. Il serait peut-être même l’auteur d’un détournement des valeurs espagnoles dans un futur proche.

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Clémentine Brault
Passionnée par le monde du théâtre et du journalisme, je poursuis également des études de Droit. Je... En savoir plus sur cet auteur