L'Inde veut une banque pour ses femmes

3 Mars 2013



Le ministre indien des Finances a annoncé jeudi la création prochaine d'une banque pour les femmes. Une initiative qui fait du bruit dans un pays encore traumatisé par l'affaire du viol collectif de Delhi.


Image: ARCHIVES / PHOTO D'ILLUSTRATION/AFP
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Ces derniers mois, le gouvernement indien engrange les idées pour favoriser l'émancipation de ses concitoyennes. Après celle de la rémunération des femmes au foyer, c'est la création d'une banque pour les dames qui fait désormais l'actualité. Il faut dire que le viol collectif meurtrier d'une étudiante de 23 ans dans un bus de Delhi en décembre a sévèrement accentué la pression sur les autorités vers lesquelles tous les doigts sont pointés. C'est le ministre des Finances, P. Chidambaram, qui a concrétisé ce projet de « première banque de femmes du pays » à l'annonce du budget 2013-2014 ce jeudi. « J'espère obtenir les autorisations nécessaires et la licence bancaire d'ici octobre », a-t-il expliqué. Cette nouvelle banque va bénéficier d'un financement de départ de 10 milliards de roupies (près de 140 millions d'euros). Pour ce qui est de son fonctionnement, il est encore vague. La clientèle féminine devrait être servie par un personnel lui aussi exclusivement féminin. Bref, une entreprise publique pour et par les Indiennes.

Effet d'annonce

Devant le Parlement, le ministre a insisté sur la responsabilité collective d'assurer la sûreté et la dignité des femmes. Un « Fond Nirbhaya » de 10 milliards de roupies supplémentaires est par ailleurs créé pour la sécurité des Indiennes. Encore une allusion au viol de Delhi*. Pour Kavita Krishnan, secrétaire d'une association de défense des droits des femmes, le gouvernement ne fait que réagir à la colère de la rue et ne procure pas assez de moyens là où il y en a vraiment besoin. La militante considère ces mesures comme de nouvelles œuvres de charité. D'autre part, si la plupart des associations sont favorables à une banque dans laquelle les femmes peuvent se rendre sans leur mari, elles restent méfiantes quant aux modalités de fonctionnement. Les femmes pauvres et des campagnes seront-elles prises en compte ? L'administration sera-t-elle trop lourde ? Des questions auxquelles le gouvernement doit encore répondre. Naina Lal Kidwai, directrice d'HSBC en Inde, fait partie des femmes puissantes du secteur bancaire. Elle considère la mesure comme « positive » mais déplore l'effet d'annonce dans un pays où moins de la moitié de la population possède un compte bancaire.

L'idée selon laquelle les femmes sont "bankable" n'est pas nouvelle. Des banques de ce type existent déjà sur le continent africain ou même au Pakistan. L'américain Lloyd Blankfein, chef exécutif de Goldman Sachs, a de nombreuses fois souligné les qualités de gestion des femmes. Pour démontrer qu'elles constituent des investissements viables, la banque a par exemple lancé l'initiative 10 000 Women en Inde, sorte de parrainage d'entrepreneuses. Mais ce type d'action reste marginal. Que l'Etat s'attaque au défi de l'équilibre entre les sexes est une bonne nouvelle, mais la tâche reste titanesque tant la condition féminine est alarmante dans la plus grande démocratie du monde. Dans une enquête menée en juin dernier, Trustlaw, service d'information de la Fondation Thomson Reuters, classait l'Inde comme le pire pays du G20 pour les femmes, derrière l'Arabie Saoudite. Un retard qui constitue évidemment une barrière au développement et qui devrait alimenter les débats à l'approche de la Journée internationale des femmes le 8 mars.



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Thomas Denis
Je suis étudiant en journalisme à Chennai au sud de l'Inde. Diplômé de l'école de journalisme de... En savoir plus sur cet auteur