L'US Army se paye Tony Stark

17 Octobre 2013



Alors que les commandos américains se sont illustrés début octobre en Libye et en Somalie, l’US Army a dévoilé le projet TALOS, un exosquelette de combat ultra-perfectionné.


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Jusqu'alors réservées aux personnages des jeux vidéo et popularisées dans l’imaginaire collectif par Marvel avec Iron Man, les armures de combat sophistiquées pourraient prochainement devenir réalité.

L’armée américaine, qui représente 38,9 % des dépenses militaires mondiales, développe actuellement un projet baptisé TALOS, pour Tactical Assault Light Operator Suit ou armure légère d’assaut tactique . Cette tenue de combat pourrait équiper ses soldats d’ici deux ou trois ans pour les versions expérimentales, avant de se généraliser.

« Les chercheurs de l’armée répondent à une demande de l’US Special Operation Command (SOCOM) pour le développement d’une tenue légère d’assaut tactique. Le TALOS est un uniforme d’infanterie avancé qui fournira une force surhumaine et une meilleure protection balistique » explique Roger Teel, membre de l’US Army Research, Development and Engineering Command Public Affairs (RDECOM) sur le site officiel de l’US Army. « Nos exigences concernent une armure de combat dans laquelle sera rassemblé un exosquelette, avec des protections innovantes, des capteurs surveillant la puissance de la machine, la santé du pilote et des armes intégrées », précise le lieutenant-colonel Karl Börjes, conseiller scientifique du RDECOM, dans un communiqué.

Militaires et chercheurs travaillent de concert pour limiter les pertes humaines à l’avenir

Le projet TALOS a pris forme en mai dernier sur proposition de l’amiral William McRaven, un officier supérieur du SOCOM, qui gère notamment les unités spéciales comme les Navy SEALs pour la marine ou les Rangers pour l’armée. Ce dernier s’est notamment justifié  par la perte de l’un de ses hommes en Afghanistan lors d’une mission de sauvetage : « Je voudrais que le dernier homme que nous avons perdu soit le dernier homme que nous perdons dans cette lutte ou dans les luttes futures, et je pense que nous pouvons y arriver. » Cette proposition devrait trouver un écho favorable aux États-Unis, marqués depuis la guerre du Vietnam par de nombreuses pertes militaires ainsi que par les traumatismes physiques et psychologiques de ses vétérans.

Alors que les Navy SEALs ont évité le pire début octobre en Somalie lors d’un raid visant un responsable shebab, groupe impliqué dans l’attaque d’un centre commercial de Nairobi (Kenya), on imagine aisément l’intérêt d’une telle protection pour les soldats en mission. Selon la presse outre-Atlantique, l’armure TALOS, outre une protection pare-balles accrue, permettra à son pilote de soulever des charges, comme du matériel, mais aussi des armes lourdes, supérieures à la normale grâce à un système de pression hydraulique. Les soldats seront, grâce à une batterie de capteurs et de systèmes de communication, toujours en liaison avec leur équipe et le commandement. Ils pourront accéder à de nombreuses informations fournies par leurs coéquipiers, voire directement à travers leurs yeux via les caméras embarquées. Ces dernières devraient d’ailleurs permettre à un soldat d’avoir un champ de vision à 360° de sa position. Enfin, l’armure TALOS renseignerait le soldat sur son état de santé et serait même capable d’appliquer du gel cicatrisant sur les plaies… D’autres possibilités sont encore imaginables, comme l’utilisation de l’ordinateur de bord pour piloter des armes automatiques ou encore des drones.

Pour développer TALOS, le SOCOM a lancé le mois dernier un appel à projets d’un an auprès des universitaires et entreprises privées . Les scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) seraient ainsi en passe de développer une technologie de bouclier liquide à base de fluides magnétorhéologiques qui se solidifierait en quelques millisecondes lorsqu’il est soumis à un champ magnétique ou un courant électrique. De son côté, l’Université du Delaware s’intéresse à la nanotechnologie pour créer un matériau liquide à base de céramique. Une fois soumis à un choc, comme un impact de balle, cette substance se transformerait en une coque beaucoup plus difficile à percer.

Un prototype encore loin de l’armure de Tony Stark

Ces différentes innovations n’auraient rien à envier aux best-sellers et blockbusters de science-fiction. Si NBC News évoque le « liquid-metal » T -1000 de Terminator, Gareth McKinley, professeur au MIT, n’hésite pas à faire la comparaison avec l’œuvre de Tony Stark : « On dirait exactement Iron Man. » Mais TALOS ne rendra pas pour autant son porteur invulnérable, comme pourrait le laisser croire une vidéo largement diffusée sur les sites de partage.

« L’acronyme TALOS n’a pas été choisi au hasard » détaille le professeur McKinley : « C’est le nom du géant de bronze de “Jason et les Argonautes”. Comme tous les bons super héros, Talos a une faiblesse. Dans le cas de l’armure TALOS, le point faible est le poids du système hydraulique et des batteries. Nous n’avons pas encore la source d’énergie d’Iron Man. »

Ainsi, comme Talos, géant mythologique créé par Héphaïstos pour défendre la Crète et abattu par les Argonautes dans leur quête de la Toison d’Or grâce à un défaut à la cheville laissant apparaître une unique veine où circulait l’Ichor, l’essence divine, TALOS a un défaut de taille. Les batteries actuelles ne permettent pas de soutenir l’énorme dépense énergétique dont les systèmes de l’armure ont besoin pour être opérationnels. Les scientifiques devront s’atteler à la miniaturisation de ces batteries ou au développement d’un système de recharge autonome, afin de garantir l’alimentation des soldats en mission… Et leur éviter une panne qui transformerait alors le TALOS en cercueil high-tech.

Les exosquelettes à l’assaut de notre quotidien

TALOS s’inscrit dans une longue lignée de recherches menées par les États-Unis autour du développement d’exosquelettes. Récemment, une agence directement rattachée au ministère de la Défense, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), qui est notamment à l’origine du développement du réseau Arpanet, l’ancêtre d’Internet, a dévoilé son Warrior Web. Très éloigné du projet TALOS malgré son nom guerrier, le Warrior Web est un exosquelette destiné à faciliter le déploiement des hommes sur le terrain. Alors que les soldats en mission peuvent marcher durant des heures avec plusieurs dizaines de kilos de matériels sur le dos, il n’est pas rare que ces derniers développent des blessures musculaires. « L’armure devrait peser moins de 10 kilos, ne consommerait pas plus de 100 W, et devrait permettre à un soldat pesant 80 kilos de transporter 45 kilos de charge à une vitesse de 1,25 m/s, tout en réduisant la consommation métabolique du combattant de 25 %. Ainsi, une batterie de 4,5 kilos de dernière génération suffirait à fournir l’énergie nécessaire pour une mission classique de 24 heures », explique la DARPA.


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Clément FAGES
Étudiant en journalisme économique au magistère JCO (Aix-Marseille Université), je suis aussi passé... En savoir plus sur cet auteur