Le Mouvement pour l’Extinction Volontaire de l’Humanité est-il une solution ?

26 Avril 2015



Sur leur site Internet, le Mouvement pour l’Extinction Volontaire de l’Humanité résume ainsi leur éthique : « l'extinction progressive de l'espèce humaine par l'abandon volontaire de la reproduction permettrait à la Biosphère de recouvrer une bonne santé. Le manque d'espace vital et les pénuries en ressources naturelles trouveraient leur solution si la population humaine était moins nombreuse et moins dense. » A contre-courant des objectifs anthropocentriques de reproduction, ce courant antinataliste propose une solution radicale aux problèmes écologiques, économiques et sanitaires de notre époque. Focus sur cette pensée biocentrique bien souvent ignorée.


L’éthique du mouvement part de l’idée toute simple que la cessation de la reproduction humaine entraînerait une amélioration des conditions de vie sur Terre. Loin d’être misanthropes, antisociaux ou favorables au suicide, les adeptes de cette philosophie de vie voient dans la non-procréation un devoir moral et « une alternative humaniste aux désastres humains ». Sur leur site Internet, le mouvement propose aux pro-natalistes d’examiner un par un les arguments en faveur de la procréation pour se rendre compte en quoi ils sont infondés et peu raisonnables. 

 

Il serait toutefois inexact de penser que les personnes en faveur de cette extinction volontaire de l’Humanité soient d’extrémistes malthusiens.Ils ne se proposent pas de se réjouir de chaque malheur pouvant réduire la population humaine. Même si l’intitulé du mouvement semble dire l’inverse, on trouve parmi les adeptes des personnes favorables non pas à l’extinction absolue de l’humanité, mais à sa réduction drastique, autrement dit à l’adoption d’un certain malthusianisme économique. Il n’est donc pas question de misanthropie mais bien d’une éthique pragmatique en faveur d’une vie, humaine ou non, meilleure sur terre. « Puissions-nous vivre longtemps et disparaître » est d’ailleurs leur slogan.

Impacts écologiques

Les arguments, bien que multiples, sont d’abord écologiques. Réchauffement climatique, fonte des glaces, menace des écosystèmes, extinction des espèces, etc. Les effets négatifs de l’activité humaine sur Terre sont connus et démontrés. Le mouvement explique ainsi que résoudre le problème de la surpopulation, c’est résoudre, au moins en partie, tous les problèmes susnommés mais également le problème de la faim dans le monde, qui tue chaque année 3,1 millions d’enfants, le problème de la pénurie d’eau ou encore celui de l’épuisement des ressources naturelles.

Selon le site officiel du mouvement, « tout nouvel humain que nous ne créons pas est l’équivalent d’environ 72 ans de recyclage à 100 % ». Soit l'équivalent de 72 ans de pollution et de consommation industrielle en moins. Ne pas se reproduire semble ainsi être l’acte le plus écologique qu’il nous soit possible de faire. 

Impacts économiques

Dans un domaine plus anthropocentré, la diminution de la population aurait également des conséquences économiques. A l’instar des théories de l’économiste britannique Thomas Malthus, le mouvement considère que la croissance économique ne va pas de pair avec la croissance démographique. Au contraire, il faut éviter à tout prix une démographie trop forte afin d’être toujours apte à répondre aux besoins humains. La demande ne doit pas être, comme c’est le cas aujourd’hui, supérieure aux capacités de production.

Crédit Pierre Corbel
Crédit Pierre Corbel
Pour autant, une réforme sensible du système économique actuel est nécessaire afin de rendre possible la mise en place de ce mouvement. L’une des problématiques évoquées sur le site est le système des retraites, qui fait actuellement dépendre les retraités du travail des personnes actives. La solution, selon eux, serait de réduire le nombre de travailleurs potentiels. Pour satisfaire les besoins des retraités, les consommateurs pourraient utiliser des produits issus des révolutions industrielles et technologiques.  Ces deux solutions éviteraient aux jeunes générations de payer le prix de nos dépenses. 

 

Importance du mouvement aujourd’hui

Le Mouvement pour l’Extinction Volontaire de l’Humanité est récent, l’idéologie antinataliste n’est pas nouvelle et il est très difficile de savoir combien de personnes la partagent. Il ne s’agit pas d’une organisation mais bien d’un mouvement, il n’y a donc pas de liste officielle d’adhérents. 

En 1991, lorsque le mouvement se voit institutionnalisé sous la houlette de l'environnementaliste américain Les U. Knight, plusieurs médias ont donné un coup de projecteur à cette idéologie qui concernerait « des millions de personnes ». Guy Dammann, sur le site internet The Guardian, reconnaît que l’objectif du mouvement est « louable » mais souligne en même temps qu’il est absurde de croire que les humains vont volontairement s’éteindre. De nombreux autres journalistes partagent ce point de vue en soulignant la pertinence et l’intérêt du mouvement, mais aussi l’utopie de son objectif. Knight a répliqué à ces derniers que « notre véritable pulsion, c'est le sexe, et non la reproduction, de la même manière que le véritable instinct de l'écureuil, c'est de cacher des noisettes et non pas de planter des arbres ».

Là où les journalistes se montrent nuancés dans leurs critiques, d’autres sont plus catégoriques à l’instar de l’église de l’archidiocèse de New-York. Elle rejette les fondements même de ce mouvement en rappelant combien la vie humaine est précieuse puisque d’origine divine. Vouloir y mettre délibérément fin, c’est commettre un blasphème selon eux.

Que les critiques soient métaphysiques ou non, le mouvement ne trouve à vrai dire pas de réels contradicteurs, et ce peut-être en raison de sa discrétion dans les médias, mais également de la solidité de ses arguments. 

Quoiqu’il en soit, on estime à 20 % le nombre de femmes nullipares ménopausées en Occident. Les sondages des différents instituts comme celui du Centre de contrôle américain des maladies semblent montrer que le refus d’enfant est un choix de plus en plus populaire. Dans les années 2000, 6,2 % des femmes âgées entre 15 et 44 ans étaient volontairement sans enfants, contre 4,9 % en 1982.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux donnent de plus en plus de visibilité aux childfree. La page Facebook The Voluntary Human Extinction Movement compte ainsi plus de 2600 mentions j’aime. 

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