Les victimes silencieuses de la crise politique centrafricaine

David Wanedam, correspondant à Douala (Cameroun)
25 Janvier 2013



Les bergers peuls Mbororo sont extrêmement touchés par la crise en République centrafricaine. De nombreuses familles subissent la séparation, les prises d'otage, l'exil et la famine. Enquête.


Une famille de réfugiés Mbororo non loin de Garoua Boulai
Une famille de réfugiés Mbororo non loin de Garoua Boulai
« Regardez mes mains, elles sont pleines d’ampoules. Je n’ai jamais cultivé quoi que ce soit depuis ma naissance. Je suis berger, et c’est ce que je sais faire. Nous n’avons presque plus rien à manger (…) ». Jaae ne sait plus où mettre la tête. Ce peul Mbororo centrafricain et sa petite famille, sont installés non loin de Garoua-Boulaï, au Cameroun, depuis deux semaines. 

Comme cette petite famille, ils sont de plus en plus nombreux à fuir la crise politique en République centrafricaine (RCA), pour trouver refuge dans la région de l’Est du Cameroun. Les peuls Mbororo, des bergers nomades, habitent sous des tentes faites de matériaux provisoires.

« Personne ici n’a oublié les exactions dont nous avons été victimes dans notre pays depuis 2003. Les crises qui se sont multipliées, ont donné l’occasion aux rebelles de se servir chez nous, parce que nous sommes des éleveurs », explique Jaae.

Une veuve et ses trois enfants
Une veuve et ses trois enfants
Il se souvient qu’en avril 2007, des hommes armés sont descendus à Mobinou, un village de la préfecture de Nana-Mambéré à l’Ouest de la Centrafrique, et emporté toutes les bêtes des habitants, non sans avoir laissé derrière eux plusieurs morts et des femmes violées. « En 2003 quand Bozizé arrivait au pouvoir, les rebelles l’ont aidé. Quand il a pris le pouvoir, il ne pouvait plus les payer. C’est pour ça qu’ils venaient régulièrement nous arracher nos biens, sans que l’Etat ne trouve une solution. Maintenant qu’il y a les rebelles du Séléka, nous avons vraiment peur », explique Ndoundi, un chef du clan Mbororo.

Installés il y a plusieurs siècles dans la région, les bergers peuls Mbororo sont les premiers à souffrir des guerres civiles à répétition qui sévissent en RCA. Ils sont aussi victimes de kidnapping de tout genre. Les Zarguina (coupeurs de route) ont trouvé en ces derniers, des pourvoyeurs de richesse. Réputés fins éleveurs, nombreux sont ceux qui ont perdu tout leur cheptel en payant les rançons demandées par les Zarguina, rançon pour retrouver les membres de leur famille capturés. C’est la raison principale qui a poussé environs sept mille Mbororo à se refugier au Cameroun, éparpillés sur la bande de la frontière centrafricaine. La plupart d’entre eux, en arrivant au Cameroun, n’ont plus rien. 

L’une des difficultés des ONG présentes dans la région réside dans la distribution des produits. Car les Mbororo, arrivés par vagues, se sont éparpillés dans les brousses, d’où la difficulté à les recenser. L’Union des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a fait construire un centre, où de nombreux enfants sont internés chaque jour pour malnutrition. « On arrive à recenser quelques familles grâce à nos fichiers, explique le Dr. Djuzo du centre thérapeutique de nutrition de Garoua-Boulaï. Si leur sécurité est garantie grâce au bataillon d’intervention rapide posté le long de la frontière, il reste que les peuls Mboror, qui ne sont désormais plus bergers, vivent dans la précarité. Pour l’instant la seule activité reste l’agriculture, en attendant d’avoir une ou deux têtes de bœufs, et relancer l’élevage et le commerce du lait de vache ».
Situation des réfugiés Mbororo de RCA au Cameroun en 2008
Situation des réfugiés Mbororo de RCA au Cameroun en 2008

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