Libéralisation de la pilule abortive aux États-Unis : un pas en avant pour le droit à l’avortement

Romane Nolwenn Thomas
22 Avril 2016



L’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, la Food and Drug Administration (FDA), a récemment libéralisé les recommandations prescriptives du médicament Mifeprex, facilitant ainsi l’accès à la pilule abortive aux États-Unis. Cette décision a été annoncée au milieu d’une campagne présidentielle durant laquelle chaque candidat convoite le vote féminin et dans un climat politique très tendu.


Des plaquettes de pilules contraceptives. Crédit : Ceridwen (CC BY-SA 2.0)
Des plaquettes de pilules contraceptives. Crédit : Ceridwen (CC BY-SA 2.0)
La pilule abortive, connue sous le nom de Mifeprex ou RU-486, a été mise sur le marché dans les années 1990 après un long combat de la part des associations qui soutiennent le droit à l’avortement aux États-Unis. Aujourd’hui, le débat continue et la pilule reste un point de controverse entre le Parti républicain qui s’y oppose et le Parti démocrate qui soutient le choix des femmes. Il y a quelques semaines, Donald Trump, le candidat favori du Parti républicain, annonçait que les femmes exerçant leur droit à l’avortement devraient subir au moins « une forme de punition » .

Depuis sa commercialisation, l’utilisation du Mifeprex est extrêmement répandue aux États-Unis. D’après Planned Parenthood, la moitié des patientes souhaitant un avortement préfèrent utiliser cette pilule plutôt que d’employer des moyens chirurgicaux. À ce jour, plus d’un quart des avortements aux États-Unis se font grâce à ce médicament.

Un protocole de prescription démodé...

Mifeprex sert à bloquer la production de progestérone, une hormone nécessaire à la poursuite de la grossesse. Sans cette hormone, la gestation s’interrompt et l’utilisation d’un deuxième médicament, le misoprostol, provoque une fausse couche. Jusqu’à récemment, les recommandations de la FDA délivraient des informations obsolètes basées sur d’anciennes recherches cliniques datant des années 1990. Depuis, une pratique dite off-label , c’est-à-dire non conforme aux recommandations de la FDA mais toutefois légale, s’est développée. Cette pratique consiste à baisser la dose de Mifeprex de 600 milligrammes à 200 milligrammes et permet de diviser le nombre de visites à la clinique par deux.

Transformé en une stratégie des lobbys anti-avortement

Bien que cette pratique soit légale et basée sur des recherches scientifiques, certains États américains, dont le Dakota du Nord, l’Ohio et le Texas avaient proscrit la pratique off-label obligeant ainsi les docteurs à respecter les recommandations dépassées de la FDA. Cette stratégie permettait aux lobbys anti-avortement de réduire l’accès au médicament et d’obliger ainsi les femmes désirant s’en procurer à réaliser maintes visites dans des cliniques souvent situées très loin de chez elles.

La mise à jour du protocole de prescription de la pilule abortive par la FDA permettra donc aux cliniciens de ces États de pouvoir prescrire le médicament en réduisant les obstacles auxquels les femmes devaient auparavant faire face.

Des critiques du changement

Néanmoins, les contestations de la part des associations anti-avortement sont nombreuses. Anna Paprocki, avocate de Americans United for Life, affirme que le changement de protocole est un feu vert pour l’industrie de l’avortement qui continuera à contourner la législation. Elle ajoute qu’il est important de rappeler que des femmes ont été blessées et tuées du fait du mépris flagrant des recommandations de la FDA par l’industrie de l’avortement. Certaines associations anti-avortement voient dans ce nouveau protocole un agenda politique et financier. D’après le National Right to Life Committee, ce changement « alimente les profits de l’industrie de l’avortement » et cela est ressenti comme un geste politique de la part de l’administration Obama.

Malgré de nombreuses oppositions de la part du lobby anti-avortement, la FDA a assuré aux médias que le changement de recommandations n’avait aucun caractère politique et que la mise à jour des protocoles était en accord avec les recherches médicales. Dr. Carole S. Vance, professeur à l’Université de Columbia à New York et doctorante en anthropologie et épidémiologie a accepté de s’adresser au Journal International sur le sujet. D’après elle, la FDA « est une agence indépendante qui a pris cette décision sur la base de données scientifiques ». La libéralisation de ces recommandations démodées est un pas en avant pour le choix des femmes et pour les associations qui promeuvent ce dernier. Le Dr. Vance estime en revanche que l’agence est « responsable pour ne pas avoir réexaminé l’ancien protocole plus tôt ».

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