Malaisie: le problème irrésolu des boat-people

6 Août 2013



La semaine dernière, un navire transportant plus de quarante passagers clandestins a coulé au large de la Malaisie. Cet accident, le troisième en un mois, surgit sur fond de durcissement de la politique d'immigration australienne alors que les flux d'immigrés clandestins ne cessent d'augmenter dans la région, en direction des pays les plus riches, porteurs d'espoir pour des populations issues de pays en difficulté tels que la Birmanie ou l'Indonésie.


Crédit Photo -- AFP
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Vendredi dernier, une embarcation transportant quarante-quatre personnes originaires d'Indonésie a sombré au large des côtes malaises de l'Etat du Johor. En direction de l'île indonésienne de Batam, les passagers, probablement des immigrés clandestins travaillant en Malaisie, retournaient dans leur pays afin d'y fêter l'aïd en évitant le contrôle aux frontières. L'embarcation était vraisemblablement dans un mauvais état et inadaptée à la navigation en pleine mer.

Les eaux particulièrement agitées ce jour-là eurent raison de l'embarcation précaire qui a chaviré, abandonnant une trentaine de passagers à la dérive avec pour seules bouées des bidons en plastique. Plusieurs bateaux et des hélicoptères ont été mobilisés afin de rechercher les survivants. Quatre hommes ont été secourus par des pêcheurs vendredi, et seulement trois corps retrouvés pour l'instant. Trente sept personnes sont encore portées disparues et les recherches se poursuivent, bien que leurs chances de survie soient très minces après trois jours passés dans l'océan.

Une région traversée par des flux importants d'immigrés clandestins

Cet accident est loin d'être le premier de l'année. Mi-juillet, un navire avait déjà coulé au large des côtes malaises de l'Etat de Johor, faisant un mort et plusieurs disparus. L'Asie du sud-est est traversée par d'importants flux d'immigrés illégaux, le plus souvent liés au facteur économique, des pays les moins développés vers les pays en forte croissance économique. Souvent peu qualifiés, les travailleurs migrants de l'Asie du sud-est sont originaires du Bangladesh, de la Birmanie, de l'Indonésie, des Philippines, ou encore du Sri Lanka. Aujourd'hui, certains pays qui étaient auparavant perçus comme des pays d'émigration sont devenus des pays d'immigration. La Malaisie en est l'illustration parfaite, en raison de son développement économique rapide mais également de l'instabilité politique de certains des pays qui l'entourent, comme la Birmanie, où la dictature militaire a contraint 10 % de la population à émigrer.

La Malaisie apparaît ainsi comme un véritable lieu de transit pour les immigrés originaires des pays voisins les plus pauvres. On dénombre aujourd'hui plus de 4 millions d'étrangers travaillant en Malaisie. La plupart sont des immigrés illégaux en quête d'un emploi dans un pays en pleine expansion économique ou des demandeurs d'asile fuyant leur pays d'origine. Ces immigrés clandestins occupent des emploi peu rémunérés dans des plantations locales, sur des sites de construction ou dans des usines.

Par ailleurs, la Malaisie, mais aussi l'Indonésie, voient de nombreux réfugiés s'échouer sur leurs côtes en tentant de gagner l'Australie. Ainsi le 23 juillet dernier, c'est au large de l'Indonésie qu'un bateau a sombré. Il transportait 170 personnes, pour la plupart originaires d'Iran ou du Sri Lanka, et se dirigeait vers l'Australie. Plus de soixante personnes sont portées disparues, tandis qu'une centaine a pu être sauvée par des pêcheurs.

A un mois des élections législatives en Australie, le débat s'ouvre

Ces drames interviennent dans un contexte particulièrement tendu, à peine une semaine après la déclaration polémique du Premier ministre australien Kevin Rudd concernant l'immigration illégale vers l'Australie. Son gouvernement a décidé de fermer les portes du pays aux réfugiés clandestins. Un accord prévoit d'envoyer les réfugiés arrivant sur les côtes australiennes en Papouasie-nouvelle-guinée où leur dossier sera examiné. Ces mesures, qui visent en premier lieu à freiner l'arrivée massive de bateaux de réfugiés vers l'Australie, auraient également pour objectif le démantèlement des réseaux internationaux de passeurs qui sévissent dans la région. Depuis janvier 2013, près de 16 000 réfugiés sont arrivés en bateau en Australie, contre 17 000 pour toute l'année 2012. La plupart de ces boat-people semblent être originaires d'Iran, d'Afghanistan, du Pakistan, d'Indonésie ou encore du Sri Lanka. Ils embarquent dans des conditions précaires, très risquées, et les naufrages sont courants : depuis 2010, on dénombre plus de 1000 personnes décédées en tentant de rejoindre l'Australie.

Le Premier ministre australien a ainsi déclaré il y a deux semaines que désormais, « tout demandeur d'asile qui arrivera en Australie n'aura aucune chance d'être autorisé à rester dans le pays comme réfugié ». Il souhaite ainsi démontrer sa détermination à sécuriser les frontières du pays et tente de devancer l'opposition, qui l'accuse de faire preuve de faiblesse concernant la politique migratoire du pays.

L'immigration s'impose comme un problème politique central en Australie, problème dont les travaillistes ont décidé de s'emparer avant les prochaines élections en septembre face à une opposition conservatrice de plus en plus véhémente. Suite à cette annonce de durcissement de la politique d'immigration, des émeutes ont éclaté dans le camps de transit de Nauru pour protester contre le sort réservé aux réfugiés dans les camps, où les conditions de vie sont déplorables. Récemment encore, l'UNHCR dénonçait un « manque de conformité avec les normes internationales en matière de protection pour l'accueil et le traitement des demandeurs d'asile » et appelait à une action rapide de la part du gouvernement australien.

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