Meurtres et architecture dans la ville blanche

Claire Bor
26 Janvier 2013



Vendu à plus de deux millions d'exemplaires à travers le monde, "Le Diable dans la ville blanche" retrace l'histoire de Chicago à la fin du XIXe siècle. C'est dans l'ombre et à l'insu de tous que H. H. Holmes, médecin autoproclamé, va tuer plus de 200 personnes alors que se produit la plus grande exposition universelle jamais organisée.


Erik Larson, auteur du "Diable dans la ville blanche"
Erik Larson, auteur du "Diable dans la ville blanche"
Larson nous raconte à travers Le Diable dans la ville blanche, le parcours du serial killer Howard  H. Holmes. Tout commence quand celui-ci, jeune et bel homme au regard azur débarque en train à Chicago à la fin du XIXe siècle. Il entre dans une pharmacie, se propose de remplacer feu le propriétaire jusqu'à acquérir ladite pharmacie d'une façon obscure, mêlant abus de confiance et disparition mystérieuse de la vieille patronne. Plus tard, il fera construire en face sous un faux nom un hôtel entier, forteresse sans fenêtres, à la chambre forte blindée, aux conduits de gaz suivant le labyrinthe des couloirs. 

Au même moment, le lecteur fait la connaissance d'architectes les plus émérites, contemporains de Gustave Eiffel, dont Daniel H. Burnham, spécialiste des premiers gratte-ciels qui commencent à grimper à Chicago et Frederik L. Olmsted, le premier architecte paysagiste ayant notamment réalisé Central Park.

En 1890, Chicago n'est que fumée, tramway meurtrier, chevaux morts et crottin dans la rue. L'abattoir dans la périphérie dégage continuellement les mêmes odeurs de porc et de viscères. Des jeunes femmes fraîchement débarquées de la campagne viennent tenter leur chance en ville, avant de finir pour la plupart dans des maisons de passe.

Un homme vénal

Holmes tue plus de 200 personnes. Des femmes pour la plupart, mais aussi des hommes et des enfants. Son four crématoire installé en sous-sol, il peut à loisir disséquer ses proies avant de revendre leurs os aux universités en totale légalité. Son mode opératoire est le même pour tous, ainsi que ses raisons : l'argent. Grâce à son charme, il réussit à soudoyer ses proches afin de leur faire signer des assurance- vie le mettant en héritier. Il en sera ainsi jusqu'à la fin.

Le roman mêle la grande histoire des États-Unis sur fond de crise économique, le dessein d'un psychopathe ayant opéré dans la plus complète discrétion durant dix ans, et la genèse de l'Exposition universelle de 1893, la plus extraordinaire que le monde ait jamais connu depuis : la Ville Blanche, imaginée et concrétisée en moins de deux ans dans la sueur, le sang et la maladie. 

Larson mène d'un coup de maître le lecteur vers l'apogée de cette décennie, marquée par le rêve américain en mettant en lumière ses aspects les plus contradictoires : la folie créatrice des uns contre les folies meurtrières d'Holmes. L'engouement pour le grandiose de la population, le tableau d'une ville sale et noire de suie, les escroqueries, les envies, les défaites et la mort, l'accomplissement d'une vie et le macabre du quotidien de millions d'individus. 

Tout est vrai dans ce document historique écrit comme un thriller. Conjuguer meurtre avec architecture, c'est le pari fou qu'Erik Larson a réussi haut la main. Ces six cent pages d'Histoire sont un travail journalistique remarquable, voué à la postérité, à mettre entre toutes les mains. 

Erik Larson, Le diable dans la ville blanche, Cherche midi /  Livre de poche, 2011. 

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