Mexique : des élections sous tension

6 Juin 2015



Dimanche 7 juin 2015 se tiendront les élections législatives au Mexique. Depuis plusieurs semaines, une lutte acharnée est menée par de fortes personnalités mexicaines pour séduire le plus grand nombre de citoyens, déjà désabusés par la politique. Entre corruption, lutte de pouvoir, crise économique, violences… les élections mexicaines du dimanche 7 juin s’annoncent quelque peu tendues. Analyse de l’univers politique mexicain.


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Dimanche 7 juin 2015, lors des élections législatives mexicaines seront de nouveau élus les 500 membres de la Chambre des députés. Le Mexique est ce qu’on appelle une République fédérale constituée de 31 États et d’un district fédéral. Les États sont fractionnés en municipalités, tandis que le district fédéral est lui divisé en plusieurs délégations. Les élections de dimanche prochain serviront donc à élire 500 députés fédéraux et plus de 870 maires.

Les grands partis politiques au Mexique sont traditionnellement le Parti de l’Action Nationale (PAN) , et le Parti Révolutionnaire Institutionnel dont est issu l’actuel président, Enrique Pena Nieto. Le Parti de la Révolution Démocratique était le parti de la social-démocratie par excellence, mais il est depuis quelques années concurrencé par un nouveau parti : Morena, le Mouvement de la Régénération Nationale fondé récemment par Andrés Manuel Lopez Obrador, plus connu sous l'acronyme AMLO.

Un éventail de candidats surprenant

Un des principaux partis est celui du président actuel, le PRI. Avec une majorité relative, il détient aujourd’hui 213 sièges sur 500. Son objectif pour les prochaines élections est d’acquérir la majorité absolue. Toutefois, ce désir d'ascension semble compromis par le contexte de crise économique et par les soupçons de corruption qui pèsent sur le chef d’État. Récemment, 43 étudiants ont étés portés disparus à Iguala. Ces enlèvements ont probablement été réalisés avec l’aide de la police locale, fragilisant ainsi la position du Président. 

En face du PRI et du président Nieto, un nouveau parti est apparu dernièrement. Morena, un premier parti pour la gauche républicaine créé par Andrés Manuel Lopez Obrador. AMLO souhaite en priorité évincer son principal concurrent de gauche dont il était partisan auparavant, le PRD. Il tente en effet de décrédibiliser son rival en dénonçant les alliances du PRD avec d’autres partis politiques. Son cheval de bataille est donc de prouver l’authenticité de Morena qui, en plus de ne pas faire d’alliance, est la continuité d’un mouvement populaire qui œuvre pour une démocratie plus accessible et représentative. 

Au-delà de la démocratie, un des points sur lesquels il se veut insistant est la lutte contre la corruption et les luttes de pouvoir, actes illicites reprochés au président actuel. AMLO est présent sur la scène politique mexicaine depuis un certain nombre d'années et a pu ainsi mettre sa personnalité en avant. En 1999, il était maire du district fédéral. Durant son mandat, celui-ci mis en place de nombreuses infrastructures et politiques sociales. Son combat est principalement mené contre la pauvreté. Andrés Manuel Lopez Obrador met également les principes de la démocratie en valeur en organisant tous les deux ans un vote populaire lors duquel son mandat est remis en cause. 

Ce profil assez atypique l’amène donc à être assez populaire chez les citoyens et a même réussi à prendre ancrage à l’échelle nationale en tentant notamment de remporter la présidence des années 2006 et 2012. Malgré cette forte personnalité, AMLO est parfois considéré comme un populiste et justicier, ce qui ne joue pas toujours en sa faveur et donc en celle de Morena. Sa volonté de se présenter aux présidentielles de 2018 a déjà été plusieurs fois nettement exprimée. Une victoire aux législatives de dimanche permettrait donc au parti se projeter plus loin.

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En plus des candidats « traditionnels »  se cachent d’autres profils sortant de l'ordinaire, puisqu'ils n’ont pas tellement de connaissances en politique. Du fait de la forte corruption présente au Mexique, certaines stars comme des sportifs notamment, présentent leur manque d’expertise comme un atout et une preuve de leur honnêteté. Une partie des citoyens perçoit plutôt ces candidats comme des « clowns politiques » et est persuadée qu’ils ne seront pas élus dans la mesure où les citoyens n’oseraient pas donner leur voix à un amateur. Pourtant, à Cuernavaca, c’est bien une ancienne star du ballon rond qui gouverne la ville. Certains Mexicains ne sont apparemment pas contre l’idée de voter pour des stars puisqu’ils ont de toute façon l’impression d’être gouvernés par des individus qui ne connaissent pas leur métier.

Un scrutin sanglant

Camacho Quiroz, directeur national du PRI a affirmé le 2 juin que les élections permettront de mettre un frein aux violences car les discordes s’exprimeront via les urnes. Pour lui et pour d’autres, ces législatives, par le biais de la participation citoyenne, ralentiront l’anti-démocratie. Pour autant, sur plusieurs sites européens des avertissements sont lancés à l'attention des voyageurs étrangers au Mexique. Les expatriés sont priés de ne pas se mêler aux rassemblements politiques ni de s’attarder aux alentours des bureaux de vote.

Une multiplication des actes violents s'avère notable ces derniers jours, et notamment cette dernière semaine avant les élections. De plus en plus se manifestent des révoltes contre les militants des partis politiques mais également contre des infrastructures telles que les bureaux de vote. Ces affrontements, souvent provoqués par les jeunes, sont toutefois le résultat d'un mécontentement général. Une partie toujours plus grande des civils se soulève pour la démocratie et l’honnêteté politique.

Le 31 mai dernier, seize hommes armés de couteaux et de battes se sont rassemblés pour bloquer des locaux politiques. Environ 70 individus les auraient ensuite rejoints, équipés d’armes à feu. Non loin de là et presque au même moment, dans la nuit du 31 au 1er juin, des conflits ont eu lieu engendrant la mort de deux individus ainsi que de nombreux blessés.

Depuis plusieurs jours, un dirigeant du PES (Partido Encuentro Social) recevait des menaces de mort. Le lundi 1er juin, après avoir pris sa voiture, il aurait été suivi par un automobiliste. Le politicien serait alors descendu de voiture pour aller se réfugier dans une maison. Selon des témoins, plusieurs coups de feu ont retenti. Des cocktails molotov ont également été lancés cette semaine à Puebla, en plein centre de la capitale sur l’Institut National Électoral.

Les élections législatives au Mexique remettent la démocratie au centre des enjeux politiques. Tous les candidats tentent donc de prouver leur attachement à la participation citoyenne pour toucher les électeurs. Ces derniers, de plus en plus pessimistes et insatisfaits de la politique mexicaine n’hésitent pas à se rebeller et à exprimer leur désaccord de manière parfois très violente.

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Justine Rodier
Etudiante en licence de Science Politique, j'ai toujours été curieuse de découvertes, ce qui me... En savoir plus sur cet auteur