Nazis et bouddhistes, bienvenue en Birmanie

3 Mai 2013



Le mouvement 969, emmené par le moine bouddhiste Ashin Wirathu, rend la vie plus que difficile aux musulmans birmans, victimes de stigmatisation et de pogroms. Une situation qui semble être couverte par l’État.


© Soe Zeya Tun/Reuters
© Soe Zeya Tun/Reuters
Il est surnommé le « Ben Laden birman ». Ashin Wirathu, 45 ans, dirigeant du monastère de Masoeyein, à Mandalay, un million d’habitants et deuxième ville birmane, ne diffuse pas la même image conventionnelle des moines bouddhistes. Il est le fondateur d’une organisation antimusulmane nommée 969. La numérologie de 969 est issue de la tradition bouddhiste. Le 9 signifie les attributs spéciaux de Bouddha, le 6 représente les enseignements spécifiques du bouddhisme et le 9 les attributs spéciaux de l’ordre bouddhiste.

Dans une vidéo diffusée sur YouTube et sur Facebook, Ashin Wirathu appelle au boycott des commerçants musulmans en Birmanie. Sous couvert de manifestations bouddhistes donc pacifiques, la campagne 969 attise réellement la haine envers la population rohingya. Cette dernière, d’origine musulmane, provient de l’État d’Akaran, au sud-ouest de la Birmanie. Le 20 mars dernier, les violences entre bouddhistes et musulmans dans la ville de Meikhtila ont fait 25 morts. Six mosquées ont été incendiées. Plus inquiétant, ces rixes provoquent des mouvements de populations, des milliers de musulmans étant forcés de fuir Meikhtila.

Un discours qui en rappelle d’autres

Devant ces faits, difficile de ne pas se remémorer les affres du nazisme. Le militant birman des Droits de l’Homme Maung Zarni emploie le terme de « néonazi » pour définir la campagne antimusulmane d’Ashin Wirathu et du mouvement 969. La population musulmane en Birmanie est très présente dans certaines grandes villes, atteignant jusqu’à 30 % des habitants. Un chiffre qui se limite au caractère citadin, puisque le pourcentage de la population totale de musulmans en Birmanie est de 4 %.

Malgré cela, les musulmans représentent une menace pour Wirathu qui déclare sur les disciples de Mahomet qu’ils « contrôlent le transport, la construction. Maintenant, ils prennent le contrôle de nos partis politiques. Si ça continue, nous finirons comme l'Afghanistan ou l'Indonésie ». La propagande est lancée. De la même façon qu’avec les Allemands et les juifs, les bouddhistes estiment que les musulmans et plus particulièrement les rohingyas sont des menaces pour le pays. Le mouvement 969 distribue aussi tracts, livres, CD, organise des spectacles antimusulmans. Tout est mis en œuvre pour stigmatiser la population musulmane et diffuser l’idée qu’être birman c’est être un bon bouddhiste.

Crime contre l’humanité

Cette campagne antimusulmane inquiète l’organisation Human Rights Watch qui n’hésite pas à employer le terme de crime contre l’humanité. L’ONG déclare avoir la preuve de l’existence de quatre fosses communes dans l’État d’Akaran. Une situation qui ne semble pas affoler l’État birman. Ce dernier, dans un communiqué, reconnait des heurts entre des extrémistes bouddhistes et… musulmans.

Toujours selon Human Rights Watch, dans son rapport datant du 22 avril « ‘All You Can Do is Pray’: Crimes Against Humanity and Ethnic Cleansing of Rohingya Muslims in Burma’s Arakan State » («'Tout ce que vous pouvez faire, c'est prier': Crimes contre l'humanité et nettoyage ethnique visant les musulmans rohingyas dans l'État birman d'Arakan »), les extrémistes bouddhistes attaquent à l’aide d’armes à feu, sabres, et cocktails Molotov « avec l'appui des forces de sécurité birmanes […] Les forces de sécurité ont agi délibérément afin d’entraver la recherche de responsabilités et la quête de justice en creusant des fosses communes pour détruire des preuves de crimes ». Le nettoyage ethnique voulu par les bouddhistes semble donc se réaliser avec la contribution de la police d’État birmane.

Un combat de plus pour Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix 1991 et nouvelle députée birmane depuis 2012, qui avait combattu de manière non violente la dictature militaire qui sévissait depuis plus de 20 ans.


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