Pénurie au Venezuela : l’économie broie du noir

13 Juillet 2015


Caracas s’est enfoncée dans une grave crise alimentaire dont elle ne semble pas trouver d’issue. Le travail au noir des contrebandiers et des bachaqueros connaît une réelle explosion que tente de limiter le gouvernement vénézuélien, en multipliant les mesures restrictives. Sans qu’aucune amélioration de la situation n’ait été constatée, le président Nicolas Maduro prévoit la fin de la pénurie en août. La chute du cours du pétrole et l’endettement du pays auprès des entreprises privées annonce à l’inverse, une aggravation de la crise économique.


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L’ensemble des restrictions gouvernementales n’a pas résolu la grave pénurie qui sévit depuis de nombreux mois au Venezuela. Au contraire, cela a amené à la revente de produits introuvables sur le marché au quintuple de leurs prix. Nelly Rosario, retraitée de 57 ans, passe en moyenne 6 à 7 heures par jour dans les longues queues qui se forment devant les supermarchés. Comme elle, les Vénézuéliens n’ont pas d’autres choix pour acheter de l’huile, du papier toilette ou de la viande. Ces produits peuvent aussi se trouver dans la rue à des prix très élevés ; mis sur le marché par des revendeurs qui se sont multipliés dans le pays. 

Appelés bachaqueros, du terme de bachaco, une fourmi rouge qui attaque les plantations en s’emparant des feuilles qu’elle porte sur son dos, ils enlisent le pays dans une crise alimentaire sans précédent. Tout comme cet insecte destructeur, les bachaqueros vident les supermarchés et pharmacies pour revendre les produits en moyenne cinq fois plus chers. « Les gens ont trouvé le moyen de faire de l’argent grâce à la pénurie » explique Nelly Rosario. Selon elle, l’expulsion des buhoneros, vendeurs ambulants, par le gouvernement actuel est une des causes de la revente de produits rares.

​Nouveau métier : bachaquero

Sans emploi ou retraités pour la plupart, les bachaqueros se lèvent à quatre heures du matin pour être parmi les premiers à l’entrée des supermarchés. Leur journée se résume à attendre debout durant des heures dans des queues d’une cinquantaine de mètres. Les Etats de Zulia et Tachira (Ouest) sont les plus affectés du fait de leur proximité à la Colombie où beaucoup de trafiquants exportent des produits vendus plus cher qu’au Venezuela.

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Afin de lutter contre la pénurie, et de mieux contrôler le rationnement, le gouvernement de Nicolas Maduro a décidé de limiter les achats des Vénézuéliens à un jour par personne et par semaine. Selon le dernier chiffre de leur carte d’identité, les personnes disposent d'un jour assigné pour acheter les produits rationnés. Cette nouvelle mesure contraignante à l’égard des revendeurs a rapidement été contournée. 

Nelly Rosario raconte « qu’en falsifiant des documents d’identité, les bachaqueros peuvent avoir en leur possession jusqu’à sept cartes d’identité et se rendre aux supermarchés tous les jours ». Le gouvernement vénézuélien a également instauré un système de reconnaissance d'empreinte digitale à l'entrée des commerces, particulièrement dans les pharmacies où la pénurie est la plus présente. La population n’a que deux options. Certains choisissent d’attendre leur jour de rationnement et font le tour des supermarchés afin de trouver les produits nécessaires, tandis que d'autres ne veulent pas sacrifier une journée de travail et achètent chaque produit à un prix très élevé. 

Une « guerre économique »

Au Venezuela, l’inflation atteint les 123% selon Datanalisis, l’organisme de statistiques du marché vénézuélien. Le gouvernement de Nicolas Maduro estime que les déséquilibres et la situation alarmante de l’économie vénézuélienne sont dus à une « guerre économique » menée par l’opposition politique, qui inciterait les entreprises à ne pas mettre sur le marché les produits de première nécessité. Les partis d’opposition réfutent cette argumentation. Le pays possédant la plus grande réserve de pétrole au monde est au bord de l’asphyxie économique.

Inflation, corruption, mauvais investissements et contrôle de change, les causes sont nombreuses et complexes. La banque centrale met sur le marché beaucoup de bolivars, au travers de subventions, de pensions ou de prêts, sans que la quantité de biens disponibles n’augmente. La conséquence directe en est la hausse fulgurante des prix, l’inflation, qui entraîne une perte de valeur de la monnaie. 

La situation économique du pays n’est pas favorable aux détenteurs de capitaux en bolivars, qui n’ont plus confiance en la monnaie locale et sont tentés d’échanger ces bolivars contre des dollars. D’autre part, les dollars s’échangent à un prix fixe déterminé par la Banque centrale et le gouvernement. Or, la demande en dollars est en hausse et les réserves de change du pays sont insuffisantes. Les autorités ont alors décidé l’an dernier, de dévaluer la monnaie. 

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Pour accompagner cette mesure, le gouvernement vénézuélien a instauré un contrôle des changes. Autrement dit, chaque personne ne peut obtenir qu’une quantité limitée de dollars à un taux fixe, comme c’est également le cas en Argentine. Le résultat de ces restrictions est l’apparition d’un marché parallèle de change. « La valeur du bolivar devient ridicule, il existe désormais trois taux de change différents pour un dollar, et cette dépendance est en train de nous tuer », assure Carolina Ramirez, chimiste industrielle. 

​Plus d’importations, plus de pénurie ?

Lors de l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir en 1999, la redistribution de la rente pétrolière sur l’ensemble de la population a fait bondir la demande intérieure sans que la production de biens ne suive. Le pays a alors été contraint d’importer massivement. La perte de valeur de la monnaie locale a directement augmenté les prix des produits importés.

En 2003, le gouvernement a décrété une liste initiale de 165 produits dont les prix sont fixés par le pouvoir exécutif. Les premières années, les prix fixes ont suivi les vagues inflationnistes, mais depuis 2007 la brèche entre coûts de production et prix fixes n’a cessé d’augmenter, amenant des entreprises à la faillite. D’autres entreprises, nationalisées par le gouvernement, ne produisent plus qu’un quart de leur production usuelle.

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Face à cette situation, Caracas a mis en place le rationnement des aliments et produits rares il y a trois ans. Les produits dits rares sont ceux qui atteignent en moyenne les 80% de pénurie - parmi eux : le lait, le beurre, le sucre, la viande de bœuf, le poulet, le fromage, l’huile, le savon, le papier toilette et d’autres articles.

Les médicaments aussi se font rares. « Les gens meurent du VIH, et de cancers très rapidement », dénonce Carolina Ramirez. Cette chimiste industriel de 44 ans a souhaité utiliser un nom d’emprunt après avoir constaté une hausse de la répression politique. Elle espère quitter le pays l’an prochain. Comme elle, bon nombre de Vénézuéliens partent pour la Colombie, le Panama ou l’Argentine. 



Effectuant un Master en journalisme après des études de droit, je suis passionnée par le… En savoir plus sur cet auteur