Ruin pub : l’appât étudiant budapestois

François-Xavier Legrand
9 Octobre 2015



Budapest, capitale de l’État magyar notamment connue pour ses nombreux bains thermaux, ne reste pas moins une capitale vivante et, comme le dit si bien György Konrád, une capitale intelligente. Étudiants ou jeunes actifs peuvent se rejoindre dans un « ruin pub ». Pour y prendre un verre ou y passer la nuit ? Tour d’horizon de ce concept unique.


Crédit DR
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L’arrivée d’un étudiant Erasmus est significative. La toute première activité, avant même de s’inscrire à ses cours, consiste à prendre un verre dans un bar branché de la ville. Pour ma part, la ville en question s’appelle Budapest. N’étant pas au courant des coutumes locales du pays concernant les bars, je ne pouvais m’attendre à ce qu’on me demande de rentrer dans un « romkért ». 

Le « romkért » est la catégorie de bar la plus en vue de Budapest. Son nom traduit en français donne littéralement « jardin de ruines ». Jardin, en effet, car chaque « romkért » possède un espace extérieur généralement assez vaste. Ce dernier n’est pas couvert, ou très peu, seulement par quelques toiles en tissu. La végétation y étant souvent abondante, on comprend très vite que tous les éléments sont réunis pour transformer l'espace en jardin. Le « romkért » n’en reste pas moins un bar. On y vient principalement pour prendre un verre entre amis, à l’instar de tous les autres bars. D’où l’appellation plus couramment connue de « ruin pub » que l’on peut traduire en français par « bar de ruines ». 

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Le « ruin pub » a donc un caractère bien trempé. Il a pour particularité cette ambiance qu’on ne trouve nulle part ailleurs et qui ne laisse aucune place à la gêne. Non pas un bar en ruine, c’est un bar fait de ruines. Les matériaux utilisés, aussi bien pour la décoration que pour la structure elle-même, font penser à un vieux bâtiment abandonné que personne n’aurait pris soin de rénover. Illusion d’optique ou réel endroit désaffecté, les vieux échafaudages en bois ou les voûtes de pierre qui manquent de s’effondrer sont bien présents pour donner une sensation d’authenticité comme nulle part ailleurs. 

Le périmé dans toute sa fraîcheur

Pour entrer dans un « ruin pub », nul besoin d’avoir la cravate nouée Windsor ou de porter le smoking dernier cri. Le principal est de rester soi-même pour se mettre à l’aise. Le disc jockey, et non le « DJ », car cela sonnerait trop actuel, fait aussi partie du décor. L'artiste ne mixe non pas avec une playlist sortie tout droit d’un macintosh, mais bien à l'aide de 45 tours. Les anciens disques légendaires sont choisis avec délicatesse pour donner une ambiance particulière de jazz moderne allié à la pop anglaise.
 

Voilà la description du « ruin pub » typique de Budapest. Celui qui donne envie de passer ses nuits à être nostalgique mais pas mélancolique, à se laisser envoûter par la musique.

Comme me l’explique Maxim, étudiant Erasmus allemand, le « ruin pub » est souvent un hybride entre le bar branché et la discothèque. C’est un endroit où l’on peut à la fois discuter autour d’un verre sans avoir à s’égosiller pour se faire comprendre, mais aussi se laisser aller à danser au rythme de la musique.

Szimpla Kert : le plus réputé, le plus fréquenté, le plus insolite

Szimpla Kert est le « ruin pub » de Budapest par excellence. Créé en 2001, celui-ci n’a pas son pareil. Effectivement, Szimpla Kert signifie « jardin unique ». Tellement unique, ce dernier est devenu le passage obligatoire à qui veut prétendre connaître la ville. 

Il y a de ces endroits dont tout le monde parle, qui vous intrigue au point que vous finissez par y aller. Tellement convaincu par tant de bonnes critiques que vous en ressortez finalement déçu. Szimpla Kert, au contraire, ne fait pas partie de cette catégorie. On y entre, puis on y ressort sans jamais avoir tout vu. Une boutique à l’entrée, un bar à bières, une voiture des années 70, un vélo perché au plafond surmonté d’une râpe à gruyère, des toiles en guise de toit, puis un bar à alcool, un bar à sucrerie à l’étage, une grosse caisse de batterie pour annoncer la scène de concert. Cette liste n’est que le gros du décor. Les milliers de petits détails rendent cet endroit si charmant. Sans oublier la possibilité d’acheter une carotte en fin de soirée, pour « honorer la tradition hongroise ». 

Toutefois, Szimpla Kert ne propose pas seulement de passer une bonne soirée autour d’un verre ou d’un narguilé. Ce « romkért » insolite propose également un « sunday farmer market ». C’est à dire qu’il est possible d’y passer son dimanche matin à faire son marché ou à prendre un brunch en famille. Le résultat est épatant. Les bars intérieurs restent toujours ouverts, cette fois-ci pour se procurer un jus d’orange fraîchement pressé. Les agriculteurs qui étendent leurs étals sont diversifiés à souhait, tandis que trois jeunes musiciens rendent l’atmosphère davantage accueillante. On peut tout de suite voir le succès de cette invention : ce « farmer market » ne désemplit pas avant 14 heures, heure de fermeture. 

Budapest a su prendre parti des vieux bâtiments tombant en ruine pour y accueillir la jeunesse lorsque la nuit tombe, mais aussi tous les âges lorsque le soleil réapparaît. Un exemple de réhabilitation à suivre.  

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