Russie : vers un renforcement de la lutte contre l’homophobie

2 Avril 2015



Des groupes homophobes multiplient les actes de violence à l'encontre des homosexuels, bisexuels et transsexuels de Russie. De nombreux acteurs de la société internationale s’attellent à dénoncer ces pratiques mais les actions anti-homophobie, pourtant en expansion, demeurent très peu abordées. Analyse de ces mouvements contestataires.


Crédit Mads Nissen
Crédit Mads Nissen
Humiliations. Harcèlements. Courses-poursuites dans les rues. Passages à tabac. Meurtres. Voici certaines des violences infligées aux homosexuels de la Russie d’aujourd’hui. Vue comme un crime jusqu’en 1993 et comme une maladie mentale jusqu’en 1999, l’homosexualité n’est en théorie plus considérée comme telle de nos jours. Pourtant, les membres de cette minorité demeurent sujets à des violences physiques et morales, insultes discriminatoires et licenciements, entre autres. Les auteurs de ces actes ? En majorité les défenseurs du groupe homophobe Occupy pedophilia qui s’octroient le droit de sanctionner les homosexuels au nom de la sécurité civile et de la protection des enfants. Ces victimes sont filmées par leur agresseurs qui diffusent ensuite les vidéos sur Internet.

Malgré ces manifestations de violence, le rassemblement LGBT résiste tant bien que mal. Pour cette communauté, le réel problème est que les actes de violence ne sont pas réprimés par les forces de l’ordre, qui au contraire, s’en prennent parfois elles aussi aux homosexuels. Face à une telle réalité, les membres LGBT hésitent de plus en plus à manifester pour leurs revendications. Selon eux, il manque une réelle ouverture d’esprit des citoyens, notamment pour la majorité des Russes qui vit sous le seuil de pauvreté et développe ainsi une forte colère, apparemment pas toujours exprimée correctement. 

Pour LGBT, la solution contre ces attaques serait que le gouvernement s’attelle à rassembler les ethnies et prône la tolérance des hommes dans cet immense pays diversifié qu’est la Russie. Les autorités russes ne semblent toutefois pas prêtes à adopter cette attitude et au contraire, le nombre de lois discriminantes vis-à-vis des homosexuels paraît s’être multiplié. Les gay prides sont désormais bannies. Depuis 2012, une loi dispose que les parents homosexuels perdront la garde de leurs enfants. En 2013, un député interdit toute forme de « propagande homosexuelle ». Tout acte démonstratif de relation homosexuelle sera désormais exposé à des sanctions. En 2013 toujours, le président Vladimir Poutine condamne toute manifestation des membres LGBT qui souhaiteraient mettre en avant leurs revendications lors des Jeux olympiques de Sochi. Plus récemment, la loi du 6 janvier 2015 interdit aux personnes atteintes de « troubles mentaux et de troubles du comportement » de conduire. 

Parmi ces troubles, sont notamment reconnus ceux liés à « l’identité ou aux préférences sexuelles », facteurs capables, selon le gouvernement, d’influer la manière de conduire des automobilistes et de mettre en danger la société. Il semble donc que les autorités politiques ne soient pour le moment pas tout à fait prêtes à soutenir la cause des homosexuels. Pour la majorité des Russes, le problème n’est pas tant que des individus aient des relations avec des gens du même sexe qu’eux, mais qu’ils l’expriment en public. 

Des actions civiles qui dénoncent ces injustices

Malgré cet élan d’homophobie, les citoyens russes et internationaux semblent de plus en plus prendre à cœur ces problématiques et les mouvements se multiplient sur la planète pour faire valoir les droits de chacun. En Russie tout d’abord, avec Elena Masiouk, membre du Conseil des droits de l’Homme au Kremlin qui a exprimé, et continue toujours d’exprimer son indignation. Elle dénonce toutes les mesures prises par le gouvernement qui engendrent des injustices pour certains citoyens russes. Outre cette femme politique, de nombreux défenseurs des droits humains s’offusquent à travers le monde et brandissent leur arme principale : la Déclaration des droits de l’Homme. En 2013 lors des Jeux olympiques de Sochi, une campagne de publicité contre l’homophobie en Russie a été également lancée par la marque de sport XXL All Sport. Le but, appeler la société civile internationale à se mobiliser.

Un baiser pour la liberté a été échangé entre deux militantes lesbiennes pour les droits des homosexuels dans un avion reliant Saint-Pétersbourg à Moscou. Les deux femmes ont réalisé une photographie de leur baiser afin d’étendre l’impact de leur geste. La particularité de ce selfie ? En arrière-plan du baiser, Vitaly Milanov, un député russe, extrémiste religieux assumé. Cet homme est l’initiateur de la loi défendant les homosexuels de se montrer dans la rue pour motif de « propagande homosexuelle » sous peine d’amende ou de prison. Vitaly Milanov, très proche de Vladimir Poutine, avait qualifié François Hollande en 2013 de « portier de la porte de l’enfer », suite à l’adoption en France de la loi du mariage pour tous le 17 mai de cette même année.

En Roumanie, un soutien non négligeable est à noter chez les chrétiens orthodoxes qui pour la quinzième année consécutive publient l’orthodox calendar, l’équivalent des Dieux du stade publié chaque année en France. Bien que l’orthodox calendar existe depuis maintenant quinze ans, cela fait seulement trois ans que les modèles se dénudent pour les photos. L’édition de 2015 a clairement pour but de lutter contre l’homophobie russe. Les clichés dévoilent des couples homosexuels amoureux. Les images restent artistiques, esthétiques et non vulgaires. À l’origine de cette initiative, des chrétiens très ouverts d’esprit. Une publication de ce genre est parfaitement à même d’alerter la population civile puisque ce calendrier n’est pas uniquement destiné aux homosexuels. Plus important encore, dans de nombreux pays de l’Est, l’église orthodoxe reste très présente dans la vie des citoyens et de l’État. Les conditions semblent donc réunies pour que les revendications anti-homophobes prennent de l’ampleur. 

Les artistes du monde contre l’homophobie

Un jeune musicien irlandais, une chanson écoutée par des millions de personnes et promue aux Grammy Awards comme « la chanson de l’année », un clip qui fait le tour du monde mais une signification qui reste parfois trop peu connue. Le chanteur Hozier a enregistré en 2013 Take Me to Church pour dénoncer les actes homophobes, d’une violence infondée selon lui. Les paroles accusent ces comportements violents et le clip présente la situation de deux jeunes amoureux homosexuels victimes d’agressions homophobes. À travers sa création, Hozier dénonce le traitement de la minorité LGBT et prône la tolérance envers l’orientation sexuelle de chacun. Selon l’auteur, « ce qu’on a vu se développer en Russie n’est rien moins qu’un cauchemar ».

Dans le domaine de l’art, les 17 membres du jury World Press Photo 2015 ont désigné comme gagnant du concours le cliché d’un couple de jeunes homosexuels à Saint-Pétersbourg. Cette année, le photographe danois Mads Nissen s’est vu attribué le premier prix de ce concours annuel de photographie de presse. Il avait réalisé ce cliché lors d’un reportage sur l’homophobie en Russie. L’image dévoile deux jeunes hommes dans une pièce sombre et à l’abri des regards. Lieu renfermé qui traduit les concessions et les précautions que les homosexuels doivent aujourd’hui prendre pour ne pas être discriminés. 

La mobilisation de la société semble donc croissante et les contestataires de l’homophobie sont rejoints par de plus en plus d’artistes. Le mouvement s’étend aujourd’hui à travers le monde sur internet, via une pétition adressée « au président Poutine, responsables russes et dirigeants de ce monde ». L’objectif est de récolter 500 000 signatures. La page du site de la pétition explique : « Nous demandons aux chefs d'État du monde entier et aux responsables politiques russes d'œuvrer pour l'abrogation des lois homophobes et pour la protection de tous les citoyens contre les violences et les discriminations en Russie ». 

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Justine Rodier
Etudiante en licence de Science Politique, j'ai toujours été curieuse de découvertes, ce qui me... En savoir plus sur cet auteur