Sadiq Khan, maire de Londres avant tout

Raphael Teixeira
28 Juin 2016



Plus d’un mois après l’élection du phénomène politique Sadiq Khan, le nouveau maire de Londres intrigue toujours la presse étrangère. Son identité religieuse a été au centre de l’attention lors des débats politiques qui l’opposaient au candidat conservateur Zac Goldsmith. Par extension, l’espace médiatique a pris la relève et consacré des paragraphes entiers sur la victoire du travailliste Sadiq Khan… Ou plus exactement, sur sa religion.


Sadiq Khan, alors député, le 27 septembre 2009. Crédit : Steve Punter
Sadiq Khan, alors député, le 27 septembre 2009. Crédit : Steve Punter

« Je ne suis pas un leader musulman » affirme le nouveau maire, comme pour ainsi justifier sa victoire. Sadiq Khan est un habitué des critiques. Une partie de l’opposition politique britannique a multiplié les attaques personnelles sur sa foi, l’accusant de sympathiser avec des groupes islamistes. Voici la trajectoire tumultueuse du candidat travailliste vers son élection, traversée à la fois par un soutien important de la communauté londonienne (57 % des suffrages en sa faveur) et des logiques de déstabilisation et d’accusations malveillantes.


Les débats semblaient ainsi largement orientés vers le caractère religieux du candidat travailliste au détriment d’un véritable échange constructif. Ou c’est du moins l’impression qu’a donné le traitement médiatique de cet évènement politique.

Du politique au médiatique

Force est de constater que le profil atypique du nouveau maire est devenu le point de mire du paysage médiatique. L’actualité politique du « prochain maire londonien » a rapidement dérivé vers le « maire musulman londonien ». De nombreux médias ont mis l’accent sur l’identité religieuse du nouveau maire et décryptaient sa victoire à travers son appartenance culturelle. Alors que la presse britannique axait majoritairement son analyse sur les programmes politiques des candidats, les médias étrangers interprétaient la victoire de Khan au prisme du symbolisme politique. Les journaux français parlent volontiers de tournant historique pour souligner la singularité du candidat à de nombreux égards – notamment milieu culturel non-conventionnel ou encore parcours inhabituel.

La presse internationale ne s’est pas réduite à une analyse exclusivement religieuse du nouveau maire. De nombreux articles francophones mettent ainsi en exergue l’itinéraire houleux d’un modèle de méritocratie. D’autres choisissent de lever le voile sur son programme politique et l’enjeu décisif du logement à Londres. Enfin, certains se consacrent à son identité partisane et la possible fracture introduite chez les travaillistes. Nul doute que le premier maire musulman d’une capitale occidentale a fait couler beaucoup d’encre. Si sa religion fut d’emblée source d’engouement médiatique, de nombreuses presses ont su apporter des teintes et des nuances nourrissant l’analyse du personnage aux multiples facettes.

​Sadiq Khan, l’homme du peuple… opportuniste

Il n’est pas inutile de rappeler le parcours atypique de Sadiq Khan. Fils d’un chauffeur de bus d’origine pakistanaise, député du Tooting – un quartier populaire de Londres – ancien avocat des droits de l’homme, il incarne le modèle de l’ascension sociale. Sadiq Khan a marqué les esprits et a su rassembler la société cosmopolite londonienne. « L’unité » plutôt que la « division » est devenu le maître-mot de la pensée politique du nouveau maire.

Pilier des stratégies électorales, la communication politique des équipes travaillistes pour Sadiq Khan s’est avérée habile et adroitement bien menée. Sa campagne a ainsi largement exploité les origines non seulement sociales mais aussi religieuses du candidat. Face au conservateur Zac Goldsmith tout droit sorti des écoles les plus prestigieuses, le self-made man a fait naître une vague d’admiration pour sa détermination et son engagement. Sadiq Khan a su tirer profit de ses origines pour mettre au devant de la scène politique son parcours louable. À vouloir employer une stratégie politique identitaire, le nouveau maire londonien s’est sciemment engagé vers une manœuvre politique certes profitable, néanmoins périlleuse.

Notez