Shutdown de 1995 : quand Bill a rencontré Monica

13 Octobre 2013



En 1995, les États-Unis ont déjà dû faire face à un shutdown. Il y a 18 ans, la mise en veille budgétaire n’avait duré que cinq jours. Et pourtant elle a failli coûter à Clinton la présidence du pays. Sans shutdown, Monica Lewinsky n’aurait jamais croisé le chemin du Président. Récit de ces 5 jours qui ont bouleversé à jamais la carrière de Bill Clinton.


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Lorsqu’une entreprise possède peu de moyens, ou qu’elle a besoin de main d’œuvre docile et peu coûteuse, une solution s’impose souvent à elle : le stagiaire. Le stagiaire est un être polyvalent, capable de remplir un nombre de tâches extrêmement important sans ronchonner, au contraire de ses aînés. Il sait souvent qu’il est là parce qu’on veut bien de lui, pas parce qu’il est forcément utile en quoi que ce soit. Alors il se montre souriant, même s’il n’a qu’une envie : s’enfuir. Le stagiaire est un petit être fragile qui veut faire ses preuves, montrer qu’il vaut mieux que la photocopieuse. Il se bat dans son recoin poussiéreux pour exister. C’est souvent difficile.

En juillet 1995, Monica Lewinsky a 22 ans. Elle est stagiaire, elle aussi. Après avoir été aidée par des membres bien entourés de sa famille, elle s’envole pour un poste non rémunéré à la Maison Blanche. Elle est affectée au sein du service de Léon Panetta, chef de cabinet de la Maison Blanche. Là-bas, elle prépare des cafés, trie des dossiers, ferme des enveloppes et s’occupe de la reprographie. Rien de bien original en somme. Lewinsky passera trois mois à ce poste, sans grande fantaisie. Comme la plupart des stagiaires, Monica s’ennuie. Mais fort heureusement pour elle, plus pour longtemps.

Draguer durant un shutdown, le bon plan ?

Le 14 novembre 1995, Newt Gringrich, chef de file républicain à la Chambre des Représentants, n’entend pas accepter le financement du programme social de Bill Clinton. Comme John Boehner en 2013, il refuse de voter le budget fédéral et provoque un shutdown qui paralyse le pays durant une durée indéterminée. Le financement de toutes les activités fédérales est momentanément gelé. Les employés fédéraux sont gentiment priés de rester chez eux, faute d’argent pour payer leurs services. A ce moment, la Maison Blanche se vide de ses employés « non essentiels ». Des 430 employés habituels seulement 90 sont encore en activité durant ces quelques jours de novembre 1995. Qui reste-t-il alors pour faire fonctionner les institutions de Washington DC sans coûter un sou au contribuable américain ? Les stagiaires, bien sûr.

Lewinsky et ses camarades se voient donc promus à des responsabilités plus importantes que celles qu’ils ont occupées jusqu’à présent. La Maison Blanche devient plus accessible, les cloisons et les hiérarchies sont abattues pour quelques jours. Lewinsky peut à présent se promener à sa guise dans l’aile ouest du bâtiment et rencontrer des personnalités qu’elle n’aurait jamais pu côtoyer en temps normal. La Maison Blanche devient un terrain de déambulations quasi-désert où les échanges vont bon train. Monica est comme une élève de 4ème turbulente un jour de grève des surveillants. Elle peut tout faire, partout, sans que personne ne vienne lui demander son carnet de liaison. Le président Bill Clinton est lui aussi personnellement affecté par les restrictions budgétaires du moment. Il est contraint de faire des allers-retours entre ses différents services, puisque plus personne n’est employé pour le faire.

Le 15 novembre 1995, Clinton se rend dans le bureau de Léon Panetta. Il croise alors le regard de Lewinsky. Il ne l'a jamais vue auparavant, et elle ne semble pas mal à l’aise à l’idée de le dévorer des yeux sans retenue. Dans le rapport d’investigation mené quelques années plus tard par Kenneth Starr, Lewinsky datera ses premières relations sexuelles avec Bill Clinton à ce jour de novembre 1995.

5 jours de liberté sans bornes

L’affaire durera près d’un an et demi avant d’être révélée au grand public le 21 janvier 1998 par le Washington Post. Après avoir été mis explicitement en accusation par le rapport de Kenneth Starr, Clinton ment publiquement, et sous serment. Il refuse obstinément de reconnaître les rapports sexuels qu’il a eus avec la jeune stagiaire. Hilary se tient à ses cotés, comme elle l’a toujours fait. Elle semble croire en l’innocence de son mari.

Cependant, une collègue de Monica Lewinsky a soigneusement consigné des enregistrements téléphoniques et autres preuves physiques d’échanges sexuels. Le 28 juillet 1998, Lewinsky accepte de témoigner devant un grand jury chargé d’enquêter sur l’affaire. Elle présente au jury une robe bleue tachée par le sperme de Clinton. Celui-ci ne peut plus nier. Il est contraint d’admettre qu’il a menti sous serment, et qu’il a bien eu des rapports sexuels avec la stagiaire à partir du 15 novembre 1995. Le 17 août 1995, il admet publiquement qu’il a « eu des relations physiques inappropriées » avec Lewinsky.

Lorsque le scandale éclate, l’opposition s’enflamme et tente de faire tomber Clinton de son siège présidentiel. La Chambre des Représentants s’empresse de voter l’ «Impeachment », l’acte de destitution du président par le pouvoir législatif. Le Sénat majoritairement démocrate annulera finalement cette attaque, et protègera la présidence de Clinton pour le reste de son mandant. A quelques voix près, Clinton aurait pu subir le même sort que Nixon 23 ans auparavant. Mais sans shutdown rien de tout cela n’aurait eu lieu. Bill n’aurait pas rencontré Monica. Il n’y aurait pas eu de scandale, la réputation du parti démocrate ne s’en serait pas trouvée affectée. Al Gore aurait peut-être gagné l’élection présidentielle de 2000 …Tout cela pour 5 petits jours de panne budgétaire, et quelques regards déplacés au moment opportun.

Mais pas d’inquiétudes à avoir pour Barack Obama. L’attaché de presse à la Maison Blanche Jay Carney a affirmé qu’en 2013 aucun des stagiaires ou volontaires à la Maison Blanche ne seraient autorisés à aller travailler. Shutdown ou pas, Obama ne pourra donc rencontrer de stagiaire inconnue dans les bureaux de ses secrétaires. Une chance pour Michelle.

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Laura Wojcik
Étudiante à Sciences Po Paris, rédactrice au Journal International, ex-Redac en chef @TheSundial,... En savoir plus sur cet auteur