Y a-t-il un Président pour sauver l'Italie ?

15 Janvier 2013



« Il Professore » Mario Monti, dont le "gouvernement de techniciens" a perdu en décembre le soutien à l'Assemblée du PDL (Popolo Della Libertà, parti de centre-droit de Silvio Berlusconi), a annoncé sa démission après le vote du budget 2013 au Parlement. Les Italiens seront appelés aux urnes les 24 et 25 février afin d’élire leur nouveau dirigeant.


Silvio Berlusconi, Pier Luigi Bersani et Mario Monti s'affronteront les 24 et 25 février dans les bureaux de vote italiens
Silvio Berlusconi, Pier Luigi Bersani et Mario Monti s'affronteront les 24 et 25 février dans les bureaux de vote italiens
Monti a quitté la présidence du Conseil, laissant derrière lui un bilan jugé flatteur par ses pairs européens et par le monde des affaires, mais plus nuancé aux yeux de ses concitoyens qui gardent en mémoire la récession et l'austérité qui leur ont été imposées. Le retour mouvementé sur la scène politique de son prédécesseur Silvio Berlusconi au début du mois de décembre l'a démontré avec fracas : les leaders européens et les marchés voteraient unanimement Mario Monti s'ils le pouvaient et ne cachent pas leur désir de le voir conserver les rênes du pays d'une manière ou d'une autre. L'annonce-surprise le 8 décembre de sa démission imminente du gouvernement a subitement réveillé le spectre d'une Italie politiquement incontrôlable et à même d'entraîner l'Europe avec elle dans la crise.

Le principal fait d'armes de l'ancien commissaire européen, arrivé en novembre 2011 en pleine tempête financière à la tête d'un gouvernement "technique", est d'avoir réussi à empêcher l'Italie de sombrer dans le précipice de la dette et à susciter un timide retour de la confiance des marchés. L'entrée en piste de M. Berlusconi, en faisant remonter, même temporairement, en flèche les taux d'intérêt, a cependant démontré la fragilité de cette confiance.

Monti a aussi à son actif un long combat pour moderniser et raviver la compétitivité défaillante de l'Italie, qui a débouché essentiellement sur une réforme réussie du système de retraites et une autre, plus controversée, du marché du travail. Les cercles d'affaires en Italie ont néanmoins salué son action et appelé le prochain gouvernement à ne pas perdre le fil des réformes. "J'espère que Monti restera au pouvoir pour toujours. Il a été engagé pour venir à bout de ce gâchis et ce ne sera pas facile à court terme", a récemment lancé le patron de Fiat, Sergio Marchionne.

Si les finances publiques de l'Italie sont désormais sous contrôle, sa dette continue d'augmenter. Elle vient pour la première fois dans l'histoire du pays de franchir le cap symbolique des 2.000 milliards d'euros. Pour en venir à bout, le gouvernement a imposé une sévère cure d'austérité qui a plongé le pays dans une profonde récession (-2,4% attendus cette année) et dont il ne devrait pas s'extraire avant la fin 2013, voire début 2014. Le chômage va de records en records, frappant en premier lieu les jeunes (36,5%).

Une élection qui survient en pleine cure d'austérité

Hasard du calendrier, la démission du gouvernement est arrivée au moment où les Italiens devaient s'acquitter de l'Imu, une taxe foncière réintroduite cette année par Monti. Impopulaire, l'impôt a laissé sa marque sur la traditionnelle période d'achats précédant Noël. "Ce n'est pas une contraction mais une débâcle. Nous prévoyions une baisse de 12%, maintenant on va vers les -20%", s'est lamenté Rosario Trefiletti, président de Federconsumatori, une association de défense des consommateurs, cité par le quotidien Repubblica. Et il n'est pas le seul à s'inquiéter d'un excès d'austérité. Le Fonds monétaire international (FMI), tout en plaidant pour une poursuite des réformes engagées par Monti, a appelé à un "rééquilibrage des finances publiques plus favorable à la croissance". L’ex-président du Conseil a admis avoir aggravé la récession par la "cure amère" administrée à l'Italie mais se défend d'avoir entraîné le pays dans un cercle d'appauvrissement. Selon le gouvernement, la reprise de la croissance serait annoncée pour la mi-2013.

Les élections législatives anticipées se dérouleront le 24 février. Une date jugée appropriée par le président de la République. "Il est de l'intérêt du pays d'éviter que ne se prolonge une situation d'incertitude institutionnelle", a expliqué Giorgio Napolitano dans un communiqué daté du 20 décembre. Il a rappelé qu'il aurait souhaité que la législature actuelle se poursuive jusqu'à son terme naturel, début avril. Mais des "événements politiques" - le retrait du soutien de Silvio Berlusconi à Mario Monti et la décision de ce dernier de démissionner- ayant "empêché cette possibilité", il convient d' "éviter que ne se prolonge excessivement la campagne électorale", estime-t-il.

L'ancien commissaire européen, "Il Professore", a tenu dans les jours suivants l’annonce de sa démission, une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé sa candidature aux élections législatives anticipées de février 2013. Il a annoncé avoir accepté d'être le chef d'une coalition centriste soutenant son programme de réformes pro-européen. Dans la pratique, M. Monti ne sera pas candidat directement au scrutin, car il est déjà sénateur à vie. Mais son nom figurera sur une série de listes électorales qui seront déposées en janvier. L’ex-président du Conseil a tenu à souligner qu'il n'est "pas en train de créer un nouveau parti", mais "un rassemblement pour faire travailler ensemble" les différentes forces qui soutiennent déjà son programme, intitulé "Changer l'Italie, réformer l'Europe". Au Sénat, les forces favorables à M. Monti formeront une liste unique dénommée "Agenda Monti pour l'Italie". A la Chambre des députés, il s'agira d'une fédération de différentes listes, a-t-il ajouté.

Berlusconi : "l'Italie a besoin de moi"

Silvio Berlusconi s'était dit prêt à se retirer pour laisser la place à Mario Monti si celui-ci décidait de se porter candidat. Mais après une entrevue entre les deux hommes qui ne sont pas parvenus à s’accorder, il a finalement décidé d’entrer dans la course aux législatives à la tête de son parti centre-droit le PDL (Popolo della libertà).

Alors qu’une peine de prison d’un an a été requise contre lui le 20 décembre par le parquet de Milan pour communication d'informations confidentielles à un journal détenu par sa famille, sur une enquête relative à un scandale financier de 2005, «Il Cavaliere » a expliqué lors d’une de ses nombreuses interventions à la télévision italienne, être revenu sur la scène politique parce que l'Italie a besoin de lui. "Vous avez besoin de moi, et moi je porte toujours secours aux gens dans le besoin", a répondu Berlusconi à la chaîne Rai Uno, sur la question concernant les motivations de sa candidature. "J'ai reçu des invitations pressantes pour ne pas laisser la situation du pays que j'aime se détériorer", a-t-il ajouté. Pour celui qui a dirigé l'Italie à trois reprises en près de 20 ans, si le pays continue sur la voie actuelle, "on arrivera à trois millions de chômeurs, le gouvernement devra augmenter les impôts et on se retrouvera comme en Grèce au bord de la guerre civile".

Silvio Berlusconi a critiqué la politique de rigueur suivie par le gouvernement de Monti, qui lui a succédé en novembre 2011. "Avec les politiques d'austérité, la situation s'est aggravée", a-t-il estimé. Avant de brandir une nouvelle fois la menace d'une sortie de l'Italie de l'euro, "nous serons contraints de sortir de l'euro et de revenir à notre monnaie pour être compétitifs". Malgré ses apparitions répétées dans les médias, ce propriétaire de chaînes de télévision a admis avoir "beaucoup de terrain à récupérer". Son parti, le PDL, s'est effondré à environ 15% dans les sondages contre près de 38% lors de sa victoire triomphale en 2008.

Monti et Berlusconi retrouveront face à eux la gauche modérée de Pierluigi Bersani, donné vainqueur du scrutin par les instituts de sondage. Pendant que ses deux adversaires se font omniprésents sur tous les écrans de télévision à leur portée, Bersani les déserte. Favori, il peut se consacrer à d’autres tâches. Parti le premier en campagne, il maintient son avance. Alors que Monti et Berlusconi en sont encore à constituer leurs listes en s’arrachant les vedettes (une championne olympique d’escrime pour le premier, un ex-footballeur du Milan AC pour le second), il a déjà présenté les siennes, mardi 8 janvier. Nouveauté : il y aura 40% de femmes. Une petite révolution dans un pays où le machisme se porte bien. Le même jour, Berlusconi lui a fait un beau cadeau en déclarant, peu de temps après l’annonce dans une émission télévisée de ses fiançailles avec Francesca, sa compagne âgée de 27 ans, que le jugement de divorce qui le condamne à verser 36 millions d’euros par an à son ex-épouse, avait été rendu par des magistrates "communistes et féministes". Verdict le 25 février.

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Julie CARBALLO
Journaliste correspondante en Italie (Sienne), pour Le Journal International. En savoir plus sur cet auteur