Algérie : la polémique du match non acheté

18 Octobre 2013



Le match Burkina Faso-Algérie, qualificatif à la phase finale de la Coupe du monde de football 2014, a été diffusé par la chaîne de l’État algérien (ENTV) sans avoir au préalable acheté les droits de retransmission. Provoquant les foudres d’Al-Jazeera, la chaîne détentrice des droits a déchainé la polémique en Algérie


Credit Photo --- Icon Sport | madeinfoot.com
Credit Photo --- Icon Sport | madeinfoot.com
Un arbitrage contesté et une diffusion polémique, le match Burkina Faso-Algérie (3-2) de ce samedi 12 octobre 2013 à Ouagadougou, continue d'alimenter tous les débats. Dans un système de retransmission de grands événements sportifs télévisuels de plus en plus mondialisé, les situations ubuesques ne manquent pas de se multiplie. C'est dans ce cadre qu’ENTV, télévision publique algérienne, va sûrement entrer dans l’Histoire. La télévision d'État algérienne a purement et simplement piraté les images du match Burkina Faso-Algérie qualificatif à la Coupe du Monde de football de 2014. Un vol que la chaîne assume publiquement.

Les animateurs d’Al-Jazeera Sport n’ont pas hésité à qualifier cette diffusion illégale de « vol » et de « délit », rapporte le site Algérie-Focus . L'acte de diffusion illégal a été sanctionné par une réaction immédiate des responsables d'Al Jazeera Sport qui se sont empressés de diffuser une pancarte rédigée à la main avec un marqueur sur une simple feuille, où l'on pouvait lire : « Le match est diffusé par la télévision nationale algérienne de façon illégale sans qu'elle n'ait obtenu aucune autorisation ». La méthode est artisanale, à l'image de cette affaire, mais ne manque pas d'illustrer les rapports houleux qu'entretient le puissant groupe médiatique qatari Al Jazeera avec le pourvoir algérien. Et ce depuis la fermeture du seul bureau d'Al Jazeera dans le pays, en 2004.

« L'ENTV a violé nos droits de retransmission »

Capture d'écran d' Al-Jazeera Sport - « Le match est diffusé par la télévision nationale algérienne de façon illégale sans qu'elle n'ait obtenu aucune autorisation »
Capture d'écran d' Al-Jazeera Sport - « Le match est diffusé par la télévision nationale algérienne de façon illégale sans qu'elle n'ait obtenu aucune autorisation »
L’ENTV n'aurait pas voulu faire les démarches lui permettant de diffuser le match en temps et en heure. Dans un article d'El Watan du 14 octobre 2013, le journaliste Fayçal Métaoui est très sévère. Il dénonce « une télévision livrée aux quatre vents depuis des années (...) dont le budget est presque un secret d’État ». Pour lui, « L’ENTV est en droit de couvrir les activités gouvernementales, mais ignorer tout ce qui agite la société comme débats, controverses, polémiques et scandales, est inacceptable, incompréhensible ».

Dans un communiqué disponible sur son site internet, la chaîne Al Jazeera annonce qu’elle va poursuivre en justice la chaîne algérienne. Elle l’accuse d’avoir violé « ses droits de retransmission », dont elle avait chèrement acquis les autorisations auprès de la société SportFive. Elle a également saisi les plus hautes instances de la Confédération Africaine de Football (CAF) et de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) afin de défendre ses droits.

Toufik Khelladi, « j'assume cette décision et ses conséquences »

Pour leur défense, les dirigeants de la télévision algérienne accusent Sportfive, le leader européen et africain dans la gestion des droits marketing et audiovisuels sportifs, et agence détentrice des droits auprès de la CAF, d'avoir vendu les droits sans véritables pourparlers en exclusivité totale à Al Jazeera Sports et ce, sans tenir compte du droit « inviolable et légitime » des nations pour leur territorialité. Or, cet agrément n’est pour le moment préservé que lorsqu’un pays abrite une rencontre. Le match entre Algérie et le Burkina Faso s'étant disputé à Ouagadougou, celui-ci ne rentrait donc pas dans ce cas de figure. Toufik Khelladi, le PDG d'ENTV, dans une interview accordée à El Watan, dit assumer « cette décision et ses conséquences », considérant que « le match de l’équipe nationale [algérienne] est un événement d’importance majeure. Tout citoyen algérien, tout citoyen sur la planète a le droit de suivre ce genre d’événements à la télévision en clair ». Même dans la plus totale inégalité ?

Le site Le Buteur résume la situation en ces mots : « Les responsables d’Al Jazeera, qui ne possèdent plus de bureaux permanents à Alger, ont exigé la réouverture de leurs bureaux en Algérie, fermés depuis 2004, en contrepartie de la retransmission du match Burkina Faso-Algérie. Chose que les dirigeants algériens ont réfutée, et décidé de rompre les négociations, après avoir reçu des instructions de la part des plus hauts responsables du pays. Afin de décourager les Algériens, la chaîne Al Jazeera a mis la barre très haute en exigeant la somme de 1,5 million de dollars pour s’offrir les droits de retransmettre le match uniquement sur l’ENTV ».

Au grand dam des populations algériennes, tunisiennes et égyptiennes, il n'existe dans ces pays aucune législation obligeant la diffusion en clair des grandes finales et des grandes compétitions comme la Coupe du monde de football ou les Jeux olympiques, comme c'est le cas dans les pays européens. En France, l'intégralité des matchs de l’équipe de France de football, inscrits au calendrier de la FIFA, est protégée par la loi et doit être accessible à tous gratuitement et en clair. De ce manque de législation, les téléspectateurs algériens sont les seuls otages.


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