Azerbaïdjan, pétrole et droits de l'Homme

Marine Betrancourt, présidente d'AEGEE-Lyon
27 Février 2015



Depuis quelques années, l'Azerbaïdjan semble être sorti de la pénombre de son lointain Caucase. Riche de ses ressources naturelles et tenue d’une main de fer depuis plusieurs décennies par le clan de Ilham Aliyev, la petite république saisit chaque opportunité pour obtenir une visibilité internationale et montrer son meilleur visage au reste du monde.


Crédit Reuters
Crédit Reuters
En 2011, tous les regards étaient tournés vers Bakou, sa capitale, puisqu’elle accueillait le concours de l’Eurovision. À cette occasion, tout le centre-ville de la capitale avait été rénové. Officiellement, 76 millions de dollars avaient été dépensés pour l’occasion, mais le coût réel se situerait entre 277 et 721millions de dollars selon les estimations. L’évènement était supposé dévoiler une nouvelle face du pays, celle d’un État vivant dans la modernité de son temps, loin de l’image qui lui colle à la peau d’un État trop peu démocratique où les inégalités restent flagrantes et où les droits de l’Homme ne sont pas respectés, sans oublier le conflit territorial avec l’Arménie sur le Nagorno-Karabakh.

En Juin 2015, Bakou sera de retour sous les projecteurs pour les premiers Jeux européens, et le gouvernement d’Aliyev fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire taire les critiques.

L’Azerbaïdjan et l’Europe, une politique à double-sens

Depuis le milieu des années 1990, l’Azerbaïdjan s’est stratégiquement ouvert au reste du monde. En 1999, il a signé l’Accord de partenariat et de coopération avec l'Union européenne sur les bases d'une coopération économique, sociale, financière, civile, scientifique et culturelle. L'idée était d'amener l’Azerbaïdjan vers plus de démocratie et une économie de marché, dans une perspective d'intérêts mutuels. 

Alors qu’en 2003, l’Union européenne finalisait les négociations sur le premier gros élargissement, le problème de la stratégie de sécurité européenne s'est immiscé dans le débat. Ces négociations s'affichaient comme un besoin pour l’UE de sécuriser et de « promouvoir un cercle de pays bien gouvernés à l’est de l’UE, comme dans l’aire méditerranéenne, avec qui il faut maintenir une relation basée sur la coopération.»

Cela a mené en 2004 à la politique de voisinage, dans laquelle l’Azerbaïdjan a joué un rôle-clé pour assurer l'approvisionnement énergétique. Riche de son pétrole et de ses ressources naturelles découvertes dans la mer Caspienne, ainsi que de sa position stratégique comme pays de transfert, elle offre à l’UE une route alternative dans cette région. 

Le partenariat oriental de l’UE avec l'Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine et la Biélorussie a pour but d’améliorer les relations politiques et économiques de ces six pays post-soviétiques qui présentent une importance stratégique. Dans ce contexte là, l’Azerbaïdjan s’est publiquement engagé, comme dans ses traités passés, à améliorer son processus démocratique et la situation de ses droits de l’Homme pour une coopération future avec l’UE. 

La ruée vers l'or

En maintenant et en améliorant leur coopération, les deux parties ont pour objectif à long terme d’entretenir de bonnes relations, chacun pour leurs intérêts propres. L’Azerbaïdjan reste la principale alternative à la Russie et à l’Iran dans l’approvisionnement de ressources énergétiques de la mer Caspienne et de l’Asie centrale pour le continent européen. 

L’Union européenne mène envers l’Azerbaïdjan une politique réaliste, axée sur l’économie. Un changement dans l’actuelle politique azérie signifierait pour l’UE la nécessité de refondre la stratégie qu’elle entretient avec Bakou. Sans pour autant sous-entendre que l’Union européenne ferme les yeux sur le manque de démocratie et la situation déplorable des droits fondamentaux en Azerbaïdjan, le besoin en ressources énergétiques en l'état actuel des choses est telle que la bataille se joue au-delà des régimes politiques.

Bien que tous les traités et partenariats signés avec l’Union européenne invitent l’Azerbaïdjan à viser un État de droit démocratique reposant sur le respect des droits de l’Homme, et même si le pays est membre du Conseil de l’Europe depuis 2001 - impliquant donc que Bakou se soit engagé à respecter la Convention européenne des droits de l’Homme - la situation actuelle reste déplorable.

En 2013, lors de la tenue des dernières élections parlementaires, de nombreux activistes des droits de l’Homme ont été arrêtés. Bien que de nombreux acteurs internationaux observant le déroulement des élections aient noté de multiples manquements à un processus démocratique sain, et même si l’Union européenne et le Conseil de l’Europe condamnent fréquemment la situation en Azerbaïdjan, Aliyev n’y prête que peu d'attention, conscient de son pouvoir, préférant justifier l’état actuel des choses à ses ressortissants par l’état de guerre dans lequel se trouve l’Azerbaïdjan avec l’Arménie.

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