Brésil : quand les femmes font face à la violence

Alice Yanni
21 Juin 2016



Le mois de mai aura été marqué par l'agression d'une jeune fille à Rio de Janeiro par 33 hommes. On connaissait l'atrocité des viols collectifs en Inde, aujourd'hui c'est le Brésil qui porte la lourde étiquette. Cette nouvelle laisse le pays sous le choc, mais pas silencieux.


Crédits : Alice Yanni
Crédits : Alice Yanni
La violence faite aux femmes a une place importante dans la société brésilienne. Selon l'Institut de recherche économique appliquée (IPEA), 527 000 personnes seraient victimes de viol chaque année au Brésil. Seuls 10 % des cas seraient notifiés à la police. En mai dernier, une jeune adolescente de 16 ans a été droguée, violentée et violée. Trente-trois suspects sont recherchés par la police. De par son niveau de violence, cette nouvelle agression a poussé les mouvements féministes à tirer la sonnette d'alarme. Depuis ce jour, les rues de São Paulo se remplissent de femmes en colère, dénonçant la culture du viol - à savoir la normalisation de la violence sexuelle dans notre culture.

Dénoncer la culture du viol

Le collectif féministe de l'université de São Paulo participe activement à ces récents mouvements de contestation. Suite à l'agression de la jeune étudiante, le collectif s’est réuni en urgence, lors d'une fête organisée par le bureau des étudiants. Cette rencontre fut organisée exclusivement entre femmes, afin de pouvoir échanger plus librement sur la question de la culture du viol, dans le quotidien des femmes brésiliennes. Ensemble, et à partir des textes de lois brésiliens, elles ont défini ce qu'est un viol : « tout acte sexuel pratiqué sans consentement commun ». Une définition qui diffère de celle du Code pénal brésilien, selon lequel un viol est « contraindre les femmes à des rapports sexuels par la violence ou une menace grave », un délit rattaché au crime d'attentat à la pudeur. Une commission fut également mise en place afin de recevoir les victimes et leur apporter un soutien juridique et psychologique. La procédure votée décréta qu'il serait préférable pour la victime de venir voir le collectif avant de se rendre à la police, pour éviter que la plainte ne soit ignorée, chose fréquente selon le collectif féministe. Lors d'une réunion de soutien à la victime, des journalistes du Globo ont tenté de pénétrer dans le bâtiment où se tenait la réunion afin de soutirer des informations aux participantes sur l'étudiante récemment agressée. 

Le mouvement féministe em marche

Á la suite de l'agression de Rio de Janeiro, trois manifestations ont été organisées en à peine une semaine. Le slogan de ces appels à la mobilisation se veut simple : « Para elas todas » (« Pour elles toutes », en portugais).

La manifestation du 2 juin était la toute première qui suivit l'agression de mai, ce qui s'est fait ressentir en termes d'émotions. Trente mille femmes se sont réunies dans le centre de São Paulo pour dénoncer la violence envers les femmes, ainsi que la suppression du ministère des Femmes par le gouvernement Temer.

Avant que la marche ne touche à sa fin, les manifestantes se sont assises et ont compté ensemble jusqu'à trente-trois, acte symbolique pour dénoncer la souffrance endurée par la jeune fille. Puis, toutes se sont relevées et ont crié en soulevant des pancartes. « Ensemble, nous sommes plus fortes », « Mon corps, mes droits », ou encore « Être femme sans Temer ».

Crédits : Alice Yanni
Crédits : Alice Yanni
Des débats sur la violence faite aux femmes, sur la sexualité des femmes ainsi que des cours d'auto-défense ont été organisés un peu partout dans la ville. En plus de dénoncer la culture machiste du Brésil, les nouveaux mouvements demandent la légalisation de l'avortement. Cette pratique étant encore illégale, chaque année on compte un nombre important de femmes meurent en tentant de s'avorter seules. En 2015 au Brésil, 181 000 femmes ont subi des complications à la suite d'un avortement, 59 ont trouvé la mort, selon le ministère de la Santé. Certaines ont recourt à des médecins non déclarés ou à des hôpitaux privés : en 2015, ces avortements "légaux" étaient pratiqués sur 1 600 femmes. Ces procédures coûtent cher et ne restent accessibles qu’à une infime partie de la population. Une dure réalité qui reste tabou encore aujourd'hui. Les mouvements féministes souhaiteraient que ces risques soient dénoncés publiquement.

Michel Temer aurait alors promis la création d'un département au sein de la police fédéral pour s'occuper spécifiquement des agressions sexuelles. Les militantes feministes qualifient cette proposition d'absurde.

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