Écosse : kilt est pour l'indépendance ?

Willy Clauzel et Laure Curien
10 Juin 2013



Forte de son histoire, l’Écosse réclame son indépendance. Le SNP, parti sécessionniste au pouvoir au Parlement, prépare un référendum pour septembre 2014. Le pays serait pour eux viable économiquement grâce au pétrole présent dans la mer du Nord. Les sondages portant sur le référendum ne sont pourtant pas favorables à une indépendance du pays des Highlands.


DAVID MOIR / REUTERS
DAVID MOIR / REUTERS
Les Écossais veulent-ils vraiment faire sécession du Royaume-Uni ? Le parti nationaliste écossais (SNP) entend obtenir une réponse dès septembre 2014 à la suite d’un référendum. « J'ai l'honneur d'annoncer que le jeudi 18 septembre 2014, nous allons organiser un référendum, un jour historique pour les habitants qui décideront de l'avenir de l'Écosse », a déclaré Alex Salmond, actuel premier ministre.

Le SNP, lors de son arrivée au gouvernement avec à sa tête Alex Salmond, tient promesse et annonce la venue d’un référendum pour l’indépendance. Il se dresse alors contre trois autres formations politiques (le parti conservateur, le parti libéral-démocrate et le parti travailliste) qui s’y opposent en se manifestant en faveur du non à l’indépendance.

Une tradition indépendantiste

Historiquement, l’Écosse possède au fond d'elle une tradition indépendantiste vis-à-vis de son voisin anglais. Les guerres d’indépendance, qui se sont déroulées de 1290 à 1358, sont une époque décisive dans le passé écossais. À de nombreuses reprises, l’Écosse a failli perdre son indépendance, faute aux attaques menées par l’Angleterre et plus encore par Édouard Baliol, noble écossais faisant partie d'un groupe nommé The Disinherited (les déshérités).

La souveraineté du territoire fut conservée grâce à des personnages devenus légendaires en Écosse, tels que William Wallace et Robert Bruce, les Gardiens de l’Écosse. Nombre de personnages défendant l’indépendance ont été emprisonnés, mais à chaque fois le peuple écossais n'a pas hésité à payer les énormes rançons quitte à s’endetter, plongeant le pays dans une grave crise. Le but ultime de ces guerres d’indépendance était, à terme, de conserver la souveraineté de l’Écosse, chose faite avec le traité de Berwick en 1357.

Le rapprochement des royaumes écossais et anglais s'est imposé près de trois siècles plus tard. Le fait que Jacques VI d’Écosse devienne Jacques Ier d’Angleterre a enclenché le processus. Le traité d’union de 1707 dissoudra les deux parlements pour en créer un seul, le parlement de Grande-Bretagne. Le royaume de Grande-Bretagne est créé.

Cependant, l’identité écossaise reste très forte. La culture et les langues perdurent. Les premières revendications pour l’autonomie de l’Écosse sont apparues au XIXe siècle. Interrompues pendant la Première Guerre mondiale, ces revendications reprennent en 1934 avec la création du Scottish National Party (SNP), principal parti indépendantiste. Ce parti développera son audience seulement à partir des années 1970 avec la découverte du pétrole en mer du Nord, renforçant l’idée qu’une indépendance économique est envisageable.
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­La création d’un parlement écossais est envisagée dès ces années. L’élection dans les années 1970 de sept puis de onze députés indépendantistes à la Chambre des Communes fera germer cette idée. Le parti travailliste, en poste dans les années 1990, soutiendra le projet de parlement. 75 % des suffrages exprimés y sont favorables lors du référendum de 1997. Le premier parlement écossais depuis 1707 tient alors une session en juillet 1999.

En mai 2011, le parti de centre gauche (SNP), faisant campagne pour l’indépendance de l’Écosse, créé à nouveau la surprise en remportant une victoire écrasante aux législatives écossaises. Le parti indépendantiste obtient la majorité absolue des élus au Parlement d’Édimbourg soit 69 députés sur un total de 129.

À cette occasion, le leader du Scottish National Party (SNP) Alex Salmond, et nouveau premier ministre écossais, annonce un référendum sur l'indépendance de l'Écosse d'ici à cinq ans comme il l'avait promis.

Le rendez-vous est pris. Les Écossais seront amenés à se rendre aux urnes le 18 septembre 2014 pour ce référendum d’auto-détermination. Même si le vote ne sera que consultatif, il permettra de mesurer l’opinion du peuple écossais quant à cette question cruciale.

Culturellement différent

En plus de leur passé compliqué avec leur voisin anglais, véritable faux frère, la population écossaise est culturellement différente de l’Angleterre.

Politiquement, l’Écosse est portée à gauche et surtout pro-Européenne. Une disparité notable quand on connaît le penchant anglais pour l’outre-atlantique et les États-Unis. Religieusement, l’Écosse possède une forte minorité catholique alors que l’Angleterre est portée par l’Église anglicane et protestante. Enfin, sportivement, l’Écosse et l’Angleterre concourent comme deux nations différentes, avec chacun un hymne distinct.

Si les deux régions pratiquent la même langue, l’accent est discordant au nord. Tels un Catalan ou un Corse, l’Écossais tient énormément à sa culture. Mais, à la différence des autres indépendantistes précédemment cités, l’Écossais est un sécessionniste culturel et non politique. Pour preuve, dans les sondages concernant une éventuelle indépendance du peuple écossais, seulement un tiers des sondés répondent favorablement.

Christian Allard, écosso-français élu du SNP dans le nord-est de l’Écosse, vante les points forts de sa nation : « L’Écosse est un pays moderne tourné vers le futur, avec son propre Parlement, un pays qui possède des ressources naturelles que la plupart des pays au monde ne possède pas. C’est aussi un pays traditionnel, un pays de terroir, avec le saumon, les langoustines et d’autres poissons frais, le boeuf Angus, la perdrix rouge et le “Haggis”. Un pays très touristique à découvrir, il y a beaucoup à voir »

Une vraie bonne idée ?

Le principal argument des indépendantistes écossais est porté sur les questions énergétiques. L’Écosse possède dans ses eaux une importante ressource en pétrole. Selon la démarcation utilisée pour la pêche, seulement 10 % de cet hydrocarbure se trouveraient en eaux anglaises. Le SNP affirme donc que la masse d’argent accumulée avec le pétrole permettrait à l’Écosse d’équilibrer ses comptes.

Christian Allard confirme l’importance de l’or noir dans la balance, mais assure que ce n’est pas la seule ressource énergétique générée par le pays, « L’Écosse est bien sûr très riche avec le pétrole et le gaz naturel de la mer du Nord, mais aussi grâce aux énergies renouvelables fournies par le vent et la mer avec l’énergie des marées, des vagues, et des éoliennes. Non seulement la valeur des réserves d’hydrocarbures en mer du Nord est au moins égale à la valeur d’hydrocarbures que nous avons déjà extraits, mais aussi toutes les sociétés d’hydrocarbures d’Écosse explorent à l’étranger et se diversifient dans les énergies renouvelables.»

L’Écosse peut-elle être indépendante financièrement ? Telle est la question qui divise les pros indépendantistes et les opposants. Actuellement, les recettes fiscales sont ponctionnées par l’Angleterre, puis redistribuées aux pays tiers, « Le Parlement écossais a la responsabilité de gérer l’Écosse sans avoir la possibilité de prélever les impôts ». Une anomalie pour Christian Allard. Il apparaît également que Londres subventionne Édimbourg en redistribuant une somme supérieure à la levée d’impôts écossaise. Les opposants se montrent alors perplexes sur une bonne santé financière de l’Écosse si l’indépendance venait à arrêter la subvention.

Le Parlement écossais, établi depuis 1999, lui permet de légiférer dans un grand nombre de domaines. Ces pouvoirs élargis renforcent la thèse de l’accomplissement complet de la souveraineté, puisque le pays se gère déjà en grande partie par lui même. Les opposants à l’indépendance prônent quant à eux une extension de la souveraineté, sans être indépendants, bien conscients que la sécurité financière n’est pas encore assurée.

Objectif 2014

2014 sera l’année de tous les défis pour « le pays des Scots ». Jeux du Commonwealth, 700e anniversaire de la victoire sur les troupes anglaises d’Édouard II à la bataille de Bannockburn, et bien sur le référendum concernant l'indépendance.
Si les Écossais votent Yes Scotland pour devenir indépendants, qu’adviendrait-il de l’Écosse ?

Actuellement, le Parlement écossais prend des décisions en matière d’éducation, de santé, d’environnement et de justice, mais les questions relatives aux affaires étrangères et à la défense relèvent encore du gouvernement britannique. « Depuis 1999, l’Écosse a pris une direction différente du le reste du Royaume-Uni, et nous voulons que toutes les décisions politiques concernant le pays soient prises par les parlementaires écossais », indique Christian Allard.

Même si le nouvel État a pour ambition de conserver la livre sterling en continuant à imprimer ses propres billets, et de garder Elizabeth II pour souveraine. En cas de divorce, le gouvernement souhaiterait se retirer du programme nucléaire britannique. Toujours selon Christian Allard, « La base des sous-marins nucléaires est située à 40 kilomètres de Glasgow, soit la ville la plus grande et la plus peuplée d’Écosse et la troisième agglomération du Royaume-Uni ».

Une Écosse indépendante peut-être, mais une Écosse européenne. Avec l’un des plus vieux drapeaux d’Europe, le pays s’inscrit dans une logique européenne. « L’Union Européenne est l’union des peuples européens, nous sommes les Européens d’Écosse », renchérit l’élu SNP.

S’il y a une chose à retenir pour Christian Allard, c’est que l’organisation du référendum « est une opportunité à ne pas manquer, une opportunité pour ceux qui vivent et travaillent en Écosse, une opportunité pour nos enfants et petits-enfants, une chance pour les générations à venir de vivre dans un pays riche, sans inégalité et avec toute la confiance d’un peuple souverain ».

Pour appuyer l’indépendance, Sean Connery avait eu cette phrase, résumant bien le particularisme écossais : « L'Écosse doit redevenir une nation indépendante non parce qu'elle est différente, mais juste parce qu'elle est semblable à n'importe quel autre petit pays riche d'Europe. »

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