Être une femme au Népal, le combat quotidien

La rédaction
6 Juin 2015



Les récents événements au Népal ont mis en avant la pauvreté de l’État et de sa population. Loin de l’imaginaire collectif occidental du paradis des trekkeurs et des hippies, le Népal révèle ses failles. Si la dureté de la vie est connue, peu s’intéressent au sort des femmes, toujours en manque de droit et de considération. État des lieux de leurs conditions de vie.


Crédit DR
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La société népalaise contemporaine est ancrée dans des conceptions patriarcales du rapport homme-femme. L’inégalité dans l’attribution du pouvoir entre les sexes marque ainsi la société qui place alors la femme sous domination masculine, passant de l’autorité du père au mari. Au sein même de ces sphères, familiales, maritales et sociales, la tradition est devenue une norme qui détermine le rôle et la position de la femme. Si ses devoirs sont prédéfinis par la hiérarchie sociale, par la subdivision de la société en caste et par le poids des traditions, ses droits restent limités par l’autorité masculine. 

Société patriarcale et misogyne

Exemple le plus frappant : l’attribution de la citoyenneté. Dans la jeune République du Népal, la femme ne devient citoyenne que si son père ou son mari l’y autorise. Rien ne permet alors son autonomisation, puisque seule, elle n’est dotée d’aucune reconnaissance. Ce manque de considération prend la forme du rejet de la femme en tant que telle. La condition féminine en elle-même la rend impure à la vie en communauté lors de ses menstruations ou après un accouchement, ce qui lui vaut d’être momentanément exclue de la demeure familiale.

On note également que la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse en 2010 a conduit à l’avortement sélectif des filles. Cette misogynie ordinaire se manifeste d’autant plus à travers l’importance des violences dont les Népalaises sont victimes. Selon la journaliste Marie Dorigny, 99 % des hommes considèrent à l'heure actuelle que les femmes doivent leur obéir, et 66 % des filles et femmes népalaises se déclarent victimes de violences physiques, verbales, d'agressions ou de harcèlements sexuels. 

Avec 25,2 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté et un Indice de Développement humain (IDH) de 157 sur 187 pays, le Népal figure parmi les pays les plus pauvres du monde. De fait, l’État est dépendant de l’aide internationale pour subvenir aux besoins de sa population. Il peine à instaurer un climat politico-économique stable puisque la faiblesse de l’économie népalaise s’accompagne d’une carence en matière de stabilité politique. Affaibli par une guerre civile de dix ans, l’État népalais est encore en phase de normalisation politique. En toute logique, précarité et chômage ont conduit à une dégradation des conditions de vie des habitants.

Précarité, dépendance et obéissance

Le penchant avéré pour la violence n’est pas uniquement dû aux abus de la gente masculine puisque la croyance en la sorcellerie amplifie le phénomène et condamne à mort par le feu ou les coups toute femme soupçonnée de magie. La tradition patriarcale est donc devenue un prétexte à l’usage banalisé de la violence à l’encontre des femmes. Elle justifie tout type d’excès. La situation est telle que depuis 2010, la première cause de mortalité chez les femmes entre 15 et 49 ans est le suicide. Une « solution extrême » qui ressemble tristement à une fuite en avant, comme pour rompre l’isolement imposé par la loi du patriarcat. Une fois mariée, souvent de force et mineure, une femme seule ne peut revenir chez ses parents. Elle se doit donc d’obéir à son mari et de rester à ses côtés, ne serait-ce que pour des questions d’ordre financier. 

Premières victimes du chômage et de la pauvreté

Afin de rompre le cercle vicieux de la pauvreté et de la faim, nombreux sont les hommes qui décident de migrer vers l’Inde. Ces départs accentuent la solitude des femmes dans un monde d’hommes, et leur laisse le soin de nourrir l’ensemble de la famille. Sans moyens financiers, peu éduquées, les femmes ne peuvent subvenir seules à leurs besoins. L’autonomie des femmes est donc une des priorités des ONG présentes sur le terrain. C’est en permettant l’alphabétisation des femmes, l’accès aux soins médicaux et aux refuges que les femmes gagneront en sécurité et en autonomie. Derrière cette question se trouve la clé d’un développement durable axé sur le rôle des femmes dans la société, l’éducation et la généralisation des soins.

De fait, l’État a instauré un service policier réservé aux violences faites à l’encontre des femmes. Toutefois, peu d'entre elles osent porter plainte de peur d’être répudiées. Le poids de la tradition empêche en fait les femmes d'accéder à l'éducation et de défendre les droits humains. À cet égard, le Plan national d'action de l'UNESCO pour le Népal fixe comme objectif national la question de l'égalité des sexes dans l’accès à l'éducation. Les récents événements au Népal semblent cependant freiner l’ensemble des avancées. 

Accroissement des risques avec le séisme

Au cœur de l’actualité, le Népal compte aujourd’hui plus de 8 000 victimes après le séisme de magnitude 7,9 du 25 avril dernier. Aujourd'hui, les priorités s'articulent autour de la reconstruction du pays et de la garantie d'un minimum de sécurité sanitaire. Les ONG sur place doivent donc se charger de mettre les femmes en sécurité. Si en temps normal, le travail des organisations non gouvernementales est en partie consacré à la lutte contre les discriminations de genre, leur énergie est aujourd’hui tournée vers la diminution des risques engendrés par le séisme. 

Les réseaux de trafics d’organes et de prostitution se sont développés à la suite du séisme. La catastrophe accentue donc la précarité, l'insécurité, l’isolement des femmes et des filles, qui, dépourvues de toit, de revenus financiers et d’avenir, constituent des cibles faciles. Selon Stéphanie Selle, directrice de l’ONG française Planète Enfants, entre 10 000 et 15 000 femmes sont vendues ou enlevées pour nourrir le trafic. Une situation d'insécurité qui inquiète les autorités. Conscient des risques encourus, l’État s’engage à protéger les populations vulnérables. Agences de sécurité et police sont alors déployées aux frontières pour éviter les trafics et les enlèvements. 

Cette aide est la bienvenue pour la société civile, qui travaille également à l’amélioration des conditions de vie des femmes en apportant soins médicaux, assistance et denrées alimentaires. Mais les ONG peinent à atteindre les régions montagneuses et celles proches de l’épicentre du séisme, zones majoritairement peuplées de femmes et d’enfants. La population s'y trouve donc dépourvue de toute aide extérieure. 

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